Après son acquittement dans l’affaire de détournement du projet coton, votre quotidien en ligne Guineelive a recueilli  les sentiments de Dr Ousmane Doré. Lisez plutôt.

C’est avec une profonde consternation etune totale indignation que j’ai appris le 11 mars dernier par voie de presse la décision du tribunal de première instance de Kaloum prononçant une condamnation grave à mon endroit dans le cadre de l’affaire dite du projet coton. Ma consternation était d’autant plus profonde que je n’avais auparavant ni été notifié de la charge retenue contre moi encore moins informé de l’instruction d’un dossier me concernant.
Aussitôt que j’ai appris la décision, j’ai commis depuis Abuja les services d’un collectif d’avocats représentés ici par Me. MoryDoumbouya et Me. Amara Bangoura afin de m’aider à comprendre les dessous de cette décisiondu tribunal. C’est alors que j’ai appris que la décision du juge a été rendue par défaut, suite à une ordonnance de renvoi du juge d’instruction indiquant que j’étais en fuite. Au regard des vices de procédures relevés, mes avocats ont immédiatement fait opposition à la décision afin de l’anéantir et me donner l’opportunité de venir me faire entendre par le juge.
C’est dans ce cadre donc que je suis arrivé à Conakry depuis le 11 avril dernier pour contribuer à la manifestation de la vérité dans cette affaire. Faisant confiance à la justice de mon pays, j’ai tenu à venir en ma qualité de prévenuafin d’apporter des éclaircissementssur les chargesinfondées et concoctéesà dessein contre ma personne. C’est pourquoi, j’avoue n’avoir été nullement inquiet et ai su donc resté serein étant confiant que la vérité triomphera.
Il n’est donc pas surprenant qu’à la suite des auditions et débats contradictoires, le tribunal soit parvenu auverdict me disculpant de toutes les charges et allégations. Je me réjouis encore plus de savoir que cettedécisiona été rendue par le même juge, qui après avoir examiné les faits concrètement a trouvé que rien dans ce dossier ne justifiait mon inculpation et confirmant ainsi l’avis du procureur qui a requis mon renvoi des fins de la poursuite pour délit non constitué. Je remercie le tout-puissant Allah de les avoir guidé et donné la sagesse de dire le droit dans cette affaire.
Il va sans dire que ce procès a mis à nu l’extrême légèreté qui a caractérisé l’instruction du dossier.Sans pour autant verser dans des spéculations béantes, je peux vous dire que j’ai toutes les raisons de croire qu’il s’agissait d’une pure machination orchestrée par des individus mal intentionnés et déterminés à nuire à ma réputation. Ce qui explique la ruée médiatique qui a suivi la décision par défaut du 11 mars dernier avecparfois des affirmations gratuites telles que ma supposée fuite du pays ou mon apparent exil au Canada. Au passage, permettez-moi de vous dire que je ne peux nullement fuir ce pays que j’aime tant et que je visite au moins une fois par trimestre depuis mon départ d’ici en May 2009. Je ne suis ni en exil ni à l’aventure. Je suis un haut fonctionnaire international représentant son institution (la BAD) dans le plus grand pays de l’Afrique à Abuja depuis juin 2011.
Ces agissements contre un individu dont le seul crime est d’avoir sacrifié sa carrière internationale pour répondre à l’appel de sa patrie, sont malsains et resteront un combat de Sisyphe. Mon image bâtie sur plus de 20 ans d’expérience au FMI, à la BAD, en passant par l’Université de Harvard, ne saurait être ternie par de tels acharnements malveillants. Ma détermination à défendre ici comme partout ailleurs dans le monde, les couleurs de cette nation qui m’a tant donné et dont j’ai tant à offrir, est inébranlable et ne peut être que galvanisée par de telles épreuves.
En acceptant de venir ici en 2007 après une longue carrière au FMI pour servir dans les fonctions de Ministre de l’économie, des finances et du Plan, j’étais animé d’un seul souci, celui de mettre mes compétences au service de la nation pour aider à la résolution de la crise socio-économique qui avait paralysé notre pays. Fidel à cette mission, j’ai inlassablement mis en œuvre des réformes importantes qui ont permis la restauration du cadre macroéconomique et le retour de la confiance des partenaires au développement, au point que notre pays est arrivé à deux doigts du point d’achèvement de l’initiative PPTE en 2008 ; le taux d’inflation a été ramené de 40% à fin-2006 à moins de 10% en 2008 ; le franc Guinéen s’est redressé très fortement ; et la croissance est repartie à 4,5-5%. Ces efforts louables m’ont valu d’être décoré de la haute distinction honorifique de commandeur de l’ordre national du mérite pour services rendus à la nation.
Permettez-moi de passer le message suivant. Notre pays vient de loin mais il a encore du chemin à faire pour réussir son émergence économique et gagner le pari du développement durable et harmonieux. Nous restons encore confrontés à de nombreux défis qui nécessitent une optimisation rationnelle de nos ressources humaines, car la prospérité tant aspirée par les Guinéens ne se réalisera que par le génie créateur des hommes et femmes de ce pays. Pour ce faire, il est déplorable et insensé de savoir que des Guinéens peuvent se tourner contre des Guinéens pour assassiner leur caractère à travers les mensonges, les calomnies, et les accusations gratuites.Cela n’est pas de bonne guerre.
La bonne guerre entre nous est celle qui doit concourir à la résolution du paradoxe Guinéen, à savoir la coexistence d’une forte pauvreté avec le vaste potentiel naturel et humain dont nous disposons. Nous devons donc chercher à promouvoir la culture de l’excellence et de la concurrence ; cultiver l’amour du prochain et l’esprit de tolérance. Ce n’est qu’à ce prix que nous poserons véritablement les fondements d’une société prospère.
Pour terminer, je voudrais ici exprimer ma gratitude au Président de la BAD, Dr. Donald Kaberuka qui a bien voulu me faire confiance en m’accordant le temps nécessaire pour venir clarifier cette affaire. Je remercie tous mes parents et amis ici à Conakry, Mamou, Oulada et Lola, pour avoir gardé leur foi en moi et prié pour ma protection. Mes remerciements vont aussi à tous mes collaborateurs et collèguesde service à Abuja, Tunis, Abidjan, Paris, Boston, et Washington DC pour leur soutien moral indéfectible à mon endroit durant ces 3 derniers mois.

Conakry le 27 mai 2014

Dr. Ousmane Doré
Directeur des Opérations pour le Nigeria
Banque Africaine de Développement
Abuja, Nigeria