Tandis que la 20ème édition de la Coupe du monde de football poursuit son cours normal au Brésil, un bras de fer tendu a lieu au  sujet de la 22ème édition prévue normalement dans l’émirat du Qatar, dans huit ans.

Cet autre match oppose la chambre d’accusation de la commission d’éthique  de la FIFA et le comité d’organisation de Qatar 2022. En effet, le richissime émirat étant de plus en plus soupçonné d’avoir versé des pots-de-vin pour se voir
 attribué ladite édition, la commission technique de l’instance internationale du football a été chargée de faire des investigations devant aider à y voir clair.
C’est alors qu’on attendait le verdict de cette commission que le magazine britannique, Sunday Times, fait des révélations, preuves à l’appui, qui tendent à confirmer les soupçons contre l’émirat du Qatar. Selon le journal britannique, l’Afrique aurait été particulièrement soudoyée. Au nombre des dirigeants africains épinglés par le journal, Aboubacar Bruno Bangoura, ex-président de la FEGUIFOOT.

Une odeur de corruption

Même si les faits évoqués par le magazine britannique sont antérieurs à l’attribution des coupes du monde de 2018 et 2022, ils s’y rapportent tous cependant. En effet, le jeudi 2 décembre, le comité exécutif de la FIFA réuni au siège de l’instance à Zurich, en Suisse, décide d’attribuer, d’une part la Coupe du monde 2018 à la Russie aux dépens de l’Angleterre et de l’autre, l’édition 2022 au Qatar au détriment des Etats-Unis d’Amérique.

Dans le dernier cas, la surprise qui accueille la sentence du comité exécutif est d’autant plus grande que la première puissance du monde est battue sur le score de huit contre quatorze. Certains observateurs évoquent aussi leur surprise eu égard à la superficie de l’Emirat qui n’est que de 12.000 km2, à sa tradition avec le football, mais surtout en raison du climat hostile (jusqu’à 55°C !) qui y règnerait en été.

Partant de toutes ces incohérences, les médias britanniques en général et le Sunday Times en général se mettent à creuser. Convaincus que quelque chose d’autre pouvait expliquer le choix porté sur le Qatar. Eh bien, estimant être arrivé au bout de son enquête, le magazine britannique, s’appuyant en outre sur des milliers de courriels et autres documents authentiques, accuse les promoteurs de la candidature qatarie d’avoir notamment versé des pots-de-vin pour que l’édition 2022 lui revienne. Le montant total distribué, le journal britannique l’estime à 5 millions de dollars américains. Comme acteur principal, il identifie Mohamed Bin Hammam (lui-même qatari et proche de l’émir) qui, de 1996 et 2011, date de sa radiation à vie, était membre du comité exécutif de la FIFA. Conscient des enjeux en rapport avec l’organisation de la Coupe du monde, il aurait, selon nos confrères du Sunday Times, profité de sa fonction au sein de l’organe exécutif de la FIFA, pour faire preuve de largesses à l’égard de plusieurs personnalités à travers le monde. Pour qu’en retour, au moment venu, ces dernières le lui retournent en facilitant le choix de son pays.
L’Afrique aurait été particulièrement « gâtée » par Bin Hammam. D’abord parce que le continent disposait de 4 des 22 voix décisives dans le choix du pays hôte. Mais aussi parce que plus globalement, il avait à cœur de se constituer un stock de pays qui sachent, via un lobbying, susciter une puissante vague de sympathie en direction du Qatar.

Trois approches ont été essentiellement utilisées pour ‘’draguer’’ les dirigeants africains. Il y a tout d’abord que de montants substantiels qui ont été directement virés dans les comptes personnels de quelques responsables de fédérations nationales. Et selon nos confrères de Jeune Afrique qui ont décrypté quelques-uns des documents publiés par le journal britannique, le nom de l’ex-président de la Fédération guinéenne de football se retrouve dans cette catégorie. En effet, selon l’hebdomadaire panafricain, notamment dans sa dernière livraison, répondant à un mail d’Aboubacar Bruno Bangoura, un certain Najeeb Chirakal aurait écrit : « Veuillez trouver ci-jointe la copie du transfert effectué sur votre compte ». Dans le mail attribué à Bruno, ce dernier aurait indiqué ses propres coordonnées bancaires. Au finish, 10.000 dollars américains auraient atterri dans son compte, le 10 juillet 2010.

Une autre approche dont se serait servi Bin Hammam à l’égard des responsables africains, ce seraient des voyages tous frais payés qui auraient été offerts à une trentaine de responsables de fédérations africaines notamment en Malaisie. Certains s’y seraient rendus plus d’une fois, avec quelquefois leurs épouses. Et à chaque fois, les convives revenaient les poches pleines. A propos, les confrères britanniques citant l’exemple d’un voyage organisé en juin 2008 à Kuala Lumpur (Malaisie), estiment à 200.000 dollars américains, la somme qui aurait été distribuée aux invités.  Bruno faisait-il partie du groupe de ces invités ? Ce n’est pas encore explicitement dit.

Une dernière astuce que Bin Hammam avait trouvée ? C’est le fameux projet Goal, cette initiative en vertu de laquelle la FIFA, depuis 1999, vient en appui aux fédérations nationales dans leur lutte contre le déficit infrastructurel. Sur ce volet, les noms d’Issa Hayatou le Camerounais, Jacques Anouma, l’Ivoirien et Amos Adamu, du Nigéria sont particulièrement indexés. Quelques jours avant leur venue à Doha, ils reçoivent en effet 400.000 de dollars américains au titre du projet Goal. S’ils font l’objet d’une attention aussi particulière, c’est parce qu’ils sont, tous trois, membres du comité exécutif, et que leurs voix peuvent compter lors de l’élection qui devait avoir lieu quelques mois plus tard. Sur cet aspect, Aboubacar Bruno Bangoura n’a, à priori, rien à se reprocher. En effet, jusqu’ici, la Guinée n’a bénéficié que de trois projets relevant du programme Goal.
Il s’agit de la construction du centre technique de Nongo, de celle du siège de la Féguifoot ainsi que l’amélioration du centre technique. C’est ainsi que les trois projets sont libellés sur le site de la FIFA. Il se trouve que la date d’approbation du premier (3 août 2000) est de loin antérieure aux manœuvres de Bin Hammam. Tandis que les deux derniers ont des dates d’approbation (respectivement 27 mars 2012 et 19 mars 2014) postérieures à la présence du lobbyiste au sein du comité exécutif de la FIFA.
Cependant malgré toute la bonne volonté affichée par cette investigation, certains observateurs voient derrière ces révélations, les manoeuvres d’une presse britannique qui n’a toujours pas digéré le double échec occidental devant respectivement la Russie et le Qatar.

Source: GuineeConakry.info