Aujourd’hui est  le triste anniversaire du massacre du 28 septembre. Cinq  ans après les faits, de nombreux Guinéens restent traumatisés par le massacre du 28 septembre 2009. Ce jour-là, au moins 157 personnes sont tuées, des centaines blessées et des dizaines de femmes violées.

Aujourd’hui, certains  militaires sont inculpés, mais la justice a encore beaucoup à faire. Cinq  ans après ce massacre, le souvenir de cette journée noire est encore présent dans les esprits. Trois victimes ont accepté de témoigner leur mésaventure.  Binta Baldé, Hassatou Baïlo et Yéro Diouldé Diallo étaient présents sur la pelouse et dans les gradins. Voici leur histoire.

Binta Baldé, 33 ans, gestionnaire : « Je suis allée manifester parce que Moussa Dadis Camara avait renié sa promesse de ne pas se présenter à l’élection présidentielle. Je suis entrée dans le stade vers 11 heures, en passant par la grande porte, comme beaucoup de monde. Peu de temps après, les leaders politiques sont arrivés  et ont commencé à parler. Ensuite nous avons entendu des tirs et j’ai vu des militaires arriver par l’entrée principale. Ils ont lancé des gaz lacrymogènes, tout le monde était paniqué. Je voyais des personnes essayer de sortir mais les portes étaient barricadées. Les miliaires tiraient sur les gens à bout portant, beaucoup tombaient au sol. Finalement, j’ai suivi un petit groupe de jeunes et j’ai réussi à sortir du stade ».

 
Hassatou Baïlo, 42 ans, enseignante : « On voulait la démocratie, alors je suis allée manifester le 28 septembre. J’ai quitté ma maison et je suis arrivée assez tôt au stade, vers sept heures du matin. Des militaires étaient déjà là. À dix heures, il y a eu des premiers coups de feu à l’extérieur du stade et trois personnes ont été tuées. Après je suis entrée dans le stade. Je me suis installée sur la pelouse, près des tribunes. Quand les militaires sont arrivés à l’intérieur et ont tiré à balles réelles, j’ai compris qu’ils étaient venus pour nous tuer. Puis la bousculade et les cris ont commencé. J’ai vu une femme au sol, à côté de moi, qui était blessée et couverte de sang.

 Yéro Diouldé Diallo, ingénieur économique, 56 ans : « J’étais contre Moussa Dadis Camara et je suis allé lui dire « non » à sa candidature. Vers neuf heures, les forces anti gang étaient déjà à l’extérieur du stade, mais elles ont fini par se retirer face à cette foule immense. Il n’y a pas eu de résistance au niveau du portail principal et les gens ont pu entrer dans le stade sans problèmes. J’ai suivi le mouvement et je suis arrivé dans l’enceinte vers 10 heures 30. Il y avait une ambiance extraordinaire, les gens dansaient. C’était plein à craquer. Je suis allé prendre position dans la tribune officielle. Quelques instants plus tard, le leader de l’UPG (Union pour le Progrès de Guinée), Jean-Marie Doré, est rentré sous les ovations. Il s’est installé à une dizaine de mètres de moi. Cinq minutes après, j’ai entendu les coups de fusils. J’ai regardé vers le portail. J’ai vu les Bérets rouges et des hommes cagoulés qui tiraient à balles réelles et à bout portant. À côté de moi, d’autres Bérets rouges tabassaient Jean-Marie Doré. Pendant qu’ils s’acharnaient sur lui, j’ai pu en profiter pour descendre vers la pelouse. C’est là que des hommes en treillis m’ont agrippé et m’ont tabassé avec leurs matraques. Par chance, j’ai réussi à m’échapper et rejoindre la foule »

 

Aly Badara Condé