Le mercredi 8 octobre, les élus du peuple  ont repris le chemin de l’hémicycle. C’était à la faveur de la cérémonie inaugurale de la session parlementaire autour de la loi des finances initiale 2015.

Une occasion dont s’est servi le président de l’Assemblée nationale pour s’essayer à un exercice plutôt délicat : Défendre le pouvoir et dénoncer à sa manière l’opposition qui le regarde comme une ‘’marionnette’’ du même pouvoir. Alors, Kory Kondiano s’est retrouvé entre le marteau et l’enclume  
Dans la première partie de son discours, le chef du parlement guinéen est resté dans la logique de son appartenance à la mouvance présidentielle. De ce point de vue, il est apparu à la limite comme un défenseur des autorités actuelles. C’est ainsi qu’il a notamment repris à son compte l’argument autour du passif extrêmement lourd dont a hérité le chef de l’Etat, à sa prise du pouvoir en 2010. En effet, selon le président de l’Assemblée nationale, à l’avènement du président Alpha Condé au pouvoir, en 2010, la situation économique du pays était ainsi caractérisée  par : Le déficit du solde de base du budget de l’Etat représentait 14% du PIB ; ce solde était entièrement financé par la création monétaire, au moyen de l’endettement du Trésor auprès de la BCRG(Banque centrale de la république de Guinée) dont le montant se chiffrait à 6.456 Milliards de Francs Guinéens et l’accumulation d’arriérés de paiements extérieurs ; l’inflation avait atteint 21% en fin décembre 2010 ; les réserves de change s’étaient amenuisées au point qu’elles représentaient moins d’un mois d’importations ; le différentiel de change entre le taux de change du marché officiel des devises et celui du marché parallèle était de 20%, on a alors assisté à un avilissement de la valeur interne et externe de la monnaie nationale, le niveau de la dette extérieure représentait 70% du PIB.
Partant donc de cette situation originelle des plus désastreuses, le bilan auquel le chef de l’Etat a abouti au bout des trois premières années de son mandat est, aux yeux du président de l’Assemblée nationale, des plus élogieux. D’autant plus élogieux qu’en usant d’une politique de rigueur et à avec l’aide d’un programme formel, puis d’un programme triennal de référence avec le FMI( Fonds monétaire international), appuyé de la facilité élargie de crédit, les autorités actuelles ont permis de « stabiliser le cadre macro-économique, de s’attirer la confiance de la Communauté Internationale et de susciter l’engouement des investisseurs potentiels et réels pour la Guinée. Tout cela, a été couronné par l’atteinte, en septembre 2012, du point d’achèvement de l’initiative renforcée d’allègement en faveur des pays pauvres très endettés(IPPTE). L’atteinte de l’initiative renforcée d’allègement en faveur des pays pauvres très endettés(IPPTE) a permis à la Guinée de bénéficier de l’annulation des 2/3 de sa dette extérieure et de relancer l’économie qui a enregistré un taux de croissance de 4,5% en 2012 contre 4% en 2011 et 1,9% en 2010 ».
Malheureusement, selon le président de l’Assemblée nationale, cette belle dynamique a été brusquement interrompue en 2013, par « les remous sociopolitiques, le ralentissement brutal des activités des sociétés minières, notamment l’arrêt de l’usine d’alumine  de FRIA et la suspension des investissements de RIO TINTO ». Puis, poursuit-il, par : « la fièvre hémorragique à virus EBOLA qui vient aggraver cette évolution négative dont les conséquences sanitaires, économiques et, par ricochet, budgétaires sont très lourdes. Par exemple, par rapport aux prévisions budgétaires pour l’exercice 2014, les recettes ont été en baisse de plus de 500 Milliards de Francs Guinéens à date. Ce qui peut rendre impossible l’atteinte en termes de croissance de l’objectif de 3,5% du PIB initialement prévu. Les statistiques du FMI estiment que la Guinée va perdre cette année entre 1,5% et 2% de croissance. Il est peu probable que cette tendance puisse s’inverser au cours de l’exercice budgétaire de 2015 ». Le président Claude Kory Kondiano s’est également penché sur la lutte contre l’épidémie. Et il en a profité pour louer les efforts consentis par le gouvernement. Car, pense-t-il, si la riposte a tardé à être vigoureuse, c’est surtout en raison « du manque des moyens » et des « comportements de résistance à la pénétration des équipes de sensibilisation et médicales dans les Zones infectées ». A propos justement de ces résistances dont certaines ont causé la mort des 8 membres de l’équipe de sensibilisation de Womey, le chef du parlement guinéen pense qu’elles sont consécutives à « la désinformation des populations par une main invisible constituée par des élites, qui est à la base de ces révoltes aux conséquences catastrophiques tant pour la santé des populations que pour l’économie du pays ». A l’opposé de cette première partie de son intervention qui donne de lui l’image d’un défenseur des actions gouvernementales, Claude Kory Kondiano s’est par la suite intéressé à d’autres sujets en faisant montre à la fois de plus de liberté et d’audace. C’est le cas notamment des députés qu’il présente comme naviguant à contre-courant de la mission qui est attendue d’eux. Des collègues à lui qui, à l’en croire, outre « Des déclarations incendiaires, se livrent à la diffamation, à des injures, à l’incitation à la haine et au soulèvement ». Des comportements qui, selon lui, n’honorent ni les intéressés, ni l’image de l’institution à laquelle ils appartiennent. Mais se voulant objectif, il a tenu à remercier la catégorie des députés qui « ont activement, voire financièrement, contribué au combat contre EBOLA dans toutes les Préfectures ». Claude Kory Kondiano a également manifesté son agacement au sujet de la dépendance financière de son institution vis-à-vis du pouvoir exécutif. Une situation qu’il explique par le fait que, selon lui, ceux qui sont en charge de gérer les rapports entre les deux pouvoirs ne comprennent pas que « l’autonomie financière de l’Assemblée Nationale procède du principe de la séparation des pouvoirs entre l’Exécutif et le Législatif, consacrée par notre Constitution ». Soucieux de voir la tendance inversée, il précise que « l’Assemblée Nationale est entièrement autonome et ne doit donc, en rien, être influencée par l’Exécutif tant pour l’établissement de son budget que pour le décaissement du montant de celui-ci, qui doit s’effectuer en une seule tranche et non pas par tranches trimestrielles comme cela se fait actuellement ».
Le président de l’Assemblée nationale n’est pas non plus content du retard accusé dans la mise en place des institutions républicaines prévues par la constitution adoptée 2010. Interpellant directement et personnellement le premier ministre Mohamed Saïd Fofana, Claude Kory Kondiano a déclaré à ce sujet : « le Peuple ne comprend toujours pas quelles sont les raisons qui ont, jusqu’ici, empêché l’installation des institutions constitutionnelles que sont la Cour Constitutionnelle, la Haute Autorité de la Communication et l’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains ». Le président de l’Assemblée nationale s’est enfin fait l’écho des souffrances des ex-employés de la Banque africaine pour le développement agricole et minier (BADAM). Pointant un doigt sur le ministre de l’économie et des finances ainsi que sur le gouverneur de la BCRG, Claude Kory Kondiano a rappelé qu’il s’agit d’un dossier très sensible dans la mesure où ses implications économiques, sociales et politiques peuvent être dévastatrices pour les déposants et l’économie du pays, tout comme elles peuvent l’être sur le plan politique ». Par conséquent, conclut-il : « Il est donc urgent de procéder au remboursement des déposants de cette banque. Cela d’autant plus qu’il y a des précédents à travers le monde et même dans notre pays avec les déposants des anciennes banques d’Etat, du crédit Mutuel de Guinée et de la BIAG, qui furent remboursés ».

Après son discours, le président du groupe parlementaire des républicains a confié aux médias que le président de l’Assemblée n’a fait que lire le discours qui revenait au ministre délégué au budget qui doit passer présenter la situation financière de l’Etat.

Aly Badara Condé

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