La République de Guinée est un vaste ensemble géographique qui recèle d’énormes potentialités humaines, agricoles, halieutiques, minières, animales et hydriques qui devraient de l’avis de nombreux citoyens interrogés rendre les guinéens heureux et changer le cour de leur vie quotidienne. Ce, à l’image de certains pays africains gâté par la nature et qui ne se plaignent ou peu des problèmes d’eau, d’électricité et de ventre.

 

Dans l’ensemble,  les guinéens ne comprennent pas pourquoi leur pays qui est si riche peine à décoller économiquement et à poser les jalons d’un véritable développement. En ces temps de vaches maigres et de crises économiques sans précédente  en Guinée, la corruption reste le mot le plus utilisé et se trouve sur toutes les lèvres.

 

Mais qu’est ce que la corruption? A propos, il faut dire que plusieurs définitions sont données à la corruption mais nous nous en tenons à celle donnée par l’ONG de lutte contre la Corruption, Transparency International qui définit la corruption comme  » le moyen qu’on utilise pour faire agir quelqu’un contre son devoir et sa conscience « .

Pour ce qui est du contexte de la corruption en Guinée, il faut dire qu’à l’indépendance du pays en 1958, la séparation des pouvoirs n’était pas une réalité en Guinée. Les pouvoirs exécutifs, législatifs et judiciaires étaient dans les mains du président de la République.

Avec la révolution, les policiers, cadres de l’administration et les citoyens avaient peur de toucher aux deniers publics au risque de s’exposer à la vindicte populaire et à la colère du responsable suprême de la révolution, chef de l’Etat. Cet état de fait à défaut de l’éradiquer limitait le phénomène de la  corruption.
En 1984, le régime militaire qui a pris le pouvoir a livré le pays aux intérêts privés claniques et mafieux avec le label du libéralisme qui était en réalité une forme de pagaille organisée au bénéfice exclusif  des caciques du pouvoir, de leurs proches et des hommes d’affaires et commerçants véreux sur le dos du contribuable guinéen.
Il a fallut attendre les années 1997-2000 pour voir réellement la mise en place des organes dédiés à la lutte contre la corruption. A propos, il faut dire que cet organe qui n’est autre le comité national de lutte contre la corruption n’avait pas les moyens de sa politique puisqu’il peinait à fonctionner. Toutefois avec la volonté politique, certains cadres furent arrêtés, traduits en justice et licencier même de la fonction publique.

C’est le cas de l’actuel Ministre de l’Economie et des Finances, Mohamed Diaré et celui des Postes, Télécommunication et des Nouvelles Technologies de l’information, Oyé Guilavogui. Comme nous le montre le tableau ci -dessous.

En 2006, les ONG et institutions se sont intéressés à la  la Guinée qui  est apparue dans le classement des pays les plus corrompus du monde. Et depuis cette date, la Guinée n’a pas fait amende honorable et figure toujours parmi les 20  pays les plus corrompus du monde et parmi les 10 les plus corrompus en Afrique.
Pour montrer que la corruption a atteint des proportions inquiétantes au pays, le président de la République, feu général Lansana Conté est intervenu personnellement en 2006 pour libérer l’homme d’affaire Mamadou Sylla  et l’ancien vice gouverneur de la banque centrale, Fodé Soumah qui croupissaient en prison pour détournement de deniers publics à la banque centrale.

C’est justement cette impunité qui a provoqué l’ire du peuple de Guinée avec de violentes manifestations de janvier-février 2007 qui ont endeuillé de nombreuses familles sous l’impulsion des syndicalistes et activistes de la société civile pour manifester contre l’impunité.
Avec la mise en place du gouvernement de consensus dirigé par Lansana Kouyaté, un département en charge des audits a été mis sur pied et à travailler sur certains dossiers. Mais hélas, par manque de volonté politique, la justice n’a pas fait son travail. Les cadres impliqués dans des détournements de deniers publics n’ont pas été inquiétées.
Sous le second régime militaire qui a pris le pouvoir à la mort du général Lansana Conté en décembre 2008, le conseil national pour la démocratie et le développement s’est aussi essayé. Mais avec le manque de séparation de pouvoirs et l’autoritarisme du chef de la junte, capitaine Moussa Dadis Camara, la lutte contre la corruption n’a pas fait long feu. Les intérêts étant en jeu, certains lobbies ont vite fait pour étouffer cette lutte. Le chef de la junte était qualifié de dictateur.
Puis vint  le premier régime véritablement démocratiquement avec l’élection de l’oppossant historique Alpha Condé en décembre 2010. Malgré tout, la situation ne s’est guerre améliorée, selon certains citoyens interrogés sur la question.

La surfacturation des frais liés à la gestion des examens nationaux et la condamnation du ministère de l’enseignement pré universitaire  et de l’éducation civique par le Tribunal de première instance de Kaloum au paiement de 1 milliard 775 millions de GNF escroqués aux étudiants guinéens avec des promesses de bourses d’études à l’étranger en 2013 est un exemple illustratif. Sans compter la fuite des sujets aux examens nationaux, notamment le baccalauréat avec des sujets qui se vendaient au marché sans que l’Etat ne prenne la moindre responsabilité. Cerise sur le gâteau, le Ministre de tutelle Ibrahima Kourouma a été maintenu à son poste au dernier remaniement ministériel. Ce qui est une parfaite illustration, aux yeux des personnes interrogées sur la situation de la corruption en Guinée.
En Guinée donc, il y a la grande corruption qui gangrène l’administration avec le détournement de deniers publics et la petite corruption dans la police, les écoles, la gendarmerie, les hôpitaux qui se pratiquent au quotidien.
Nombreux sont les citoyens qui pensent que la corruption est pour quelque chose dans la cherté de la vie et des difficultés qui les assaillent au quotidien.

Pour certains interlocuteurs, les ressources du pays sont détournées par une minorité au profil de leurs familles, clans et communauté.
Pour ce qui est des mesures de lutte, il faut dire que le président Alpha Condé a fait de la lutte contre la corruption et l’amélioration de la gouvernance son cheval de bataille lors de la campagne électorale de 2010. Pour lier l’utile à l’agréable, il a relancé les audits sur les marchés publics et geler certains contrats miniers et Travaux Publics. C’est le cas notamment de la société BSGR avec l’arrestation de certains cadres de la société et la poursuite judiciaire engagée contre le patron de cette société à l’étranger.
Ce n’est pas tout car il y a aussi la création d’un ministère chargé du contrôle économique et financier, un comité de lutte contre la corruption et un comité d’audit domicilié à la présidence de la république qui n’a de compte à rendre qu’au président Alpha Condé.

A propos, il faut dire qu’il y a une distance océanique entre les actes posés au nom de la lutte contre la corruption et la réalité sur le terrain. Depuis deux ans, le ministère chargé du contrôle économique et financier a disparu de l’architecture gouvernementale. Les autres structures citées plus hauts ne fonctionnent pas. Bref, la lutte contre la corruption est devenue un sujet tabou en Guinée et pour cause. Aucune structure étatique ne travaille sur le sujet.

Pour preuve, le 24 mars 2014, l’épidémie de la fièvre hémorragique à virus Ebola a été officiellement déclarée en Guinée. Avec la mobilisation de la communauté internationale, d’importants fonds ont été alloués à la Guinée. Mais aussi du matériel roulant, des kits sanitaires et moyens logistiques.

Selon un travailleur de la logistique au sein de la coordination nationale de lutte contre Ebola, la Guinée a reçu plus de 1000 voitures de haute gamme et près de 1000 motos depuis l’apparition de cette maladie en Guinée. Mais un an après l’apparition de cette maladie, ni la coordination nationale, ni le gouvernement n’a communiqué sur le sujet.

L’Etat et la coordination nationale de lutte contre Ebola se contente de dire seulement que les fonds alloués par la communauté internationale sont gérés par les agences d’exécution du système des Nations Unies. Sans plus de précision sur la gestion du montant minime soit-il encaissé par l’Etat, la gestion des voitures, motos, kits sanitaires et produits pharmaceutiques.

C’est l’AGT, agence guinéenne pour la transparence qui a animé une conférence de presse le 20 mars à l’occasion de l’an un de la maladie Ebola en Guinée sur le thème : les fonds de lutte contre Ebola : quels montants mobilisés et comment ils ont été utilisés ?

Les recherches de cette ONG de lutte contre la corruption ont permis aux guinéens d’avoir des montants   ci-dessous à titre indicatif au nom des impératifs de transparence.

Le secteur privé guinéen: 1 milliard 884. 077 000 GNF, soit 263 440 dollars et des dons en nature
Les partenaires internationaux: 271 millions 709 910 mille dollars et plus de 10 millions d’euros.
Au niveau des principaux bailleurs de fonds, il y a la banque mondiale: 153 000 000 dollars, le FMI, 80 000 000 dollars, la banque africaine de développement 21 709 821 dollars.
Au niveau des principaux prestataires et agences d’exécution ayant reçu des fonds sont : coordination nationale, 40 millions 582 807 dollars, 3 800 euros et 2 milliards 884 077 000 GNF.UNICEF: 28 millions 100 000 dollars,OMS : 20  880 000 dollars, UNOPS 18 680 000 dollars

PAM : 9 520 000 dollars et FAO : 5 000 000 dollars
La commission interministérielle, 150 000 dollars et 8 milliards de GNF 20 880 000 dollars.

Interpellé sur la question le 27 mars après la conférence de l’AGT sur la gestion des fonds alloués à Ebola, le Ministre de l’Economie et des Finances Mohamed Diaré dira que les montants annoncés par des partenaires financiers de la Guinée et la communauté internationale ne tombent pas dans les caisses de l’Etat. Pour lui, ce sont des agences d’exécution des Nations Unies qui utilisent les fonds et pas la coordination nationale encore moins l’Etat guinéen. Avant d’ajouter que  95% des montants sont géré par des donateurs.
Parlant des chiffres, il dira que 545 millions de dollars ont été annoncés en faveur de la Guinée. Mais à ce jour, seulement 204 millions sont encaissés et les 341 millions de dollars ne sont pas encaissés.
Il y a aussi l’appui budgétaire dans ce montant qui se chiffre à 150 millions de dollars.
Toutefois pour un besoin de la transparence, le Ministre de l’Economie et des Finances dira qu’il a demandé à toutes les agences des Nations Unies qui ont bénéficié de l’argent dans le cadre de la gestion de la maladie Ebola à justifier les fonds décaissés. Ce, pour éviter que des gens disent que « l’argent alloué à la gestion de la maladie Ebola a été utilisé pour faire la campagne électorale pour le pouvoir en place ». mais depuis cette annonce, les guinéens attendent toujours.
Interroger d’ailleurs sur la question, Mamadou Taran Diallo, président de l’agence guinéenne pour la transparence, filiale de Transparency international n’est pas passée à coté de son sujet. Il parle à la fois de faiblesse de moyens alloué à ses structures  et de pouvoirs réels pour lutter efficacement contre le fléau.
Comme on le voit, le chemin qui mène à la main propre au sein de l’administration et du secteur privé guinéen est parsemé  d’embuches.
Toutefois, Mamadou Taran Diallo, président de l’AGT, agence guinéenne de transparence reste confiant. Il pense que l’Etat peut faire encore mieux à défaut de l’éradiquer mais de freiner l’élan des prédateurs de l’économie nationale.

Le président de l’AGT pense notamment à l’élaboration et l’adoption d’une loi  » anti-corruption » en prenant en compte le protocole de la CEDEAO, communauté économiques des Etats de l’Afrique de l’ouest, la convention de l’union africaine et des Nations Unies sur la lutte contre la corruption.

Pour d’autres citoyens interrogés sur la question,  il faut un contrôle efficace assorti de sanctions administratives et de poursuites judiciaires.
En outre,  l’application de la loi sur la passation des marchés publics et l’appel à la concurrence pour tous les achats de l’Etat et le recrutement à la fonction publique par voie de concours et suivant le mérite  s’avère comme une nécessité, selon de nombreux commentateurs afin de freiner la corruption dans l’appareil étatique.

Almamy Kalla CONTE
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