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Les archives constituent une mémoire vivante pour une nation qui aspire au développement, estiment bon nombre d’observateurs. Elle a un caractère administratif, juridique et historique. Pour mieux faire connaitre son importance, le reporter d’Affiches Guinéennes a rencontré le Directeur National des Archives de Guinée. Lisez…

 

Présentez-vous à nos lecteurs ?

 

Je m’appelle Seydouba Cissé, Directeur national des archives de Guinée depuis septembre 2014.  J’ai pris fonctions le 03 novembre 2014. Cela fait deux ans maintenant.

 

C’est quoi les archives ?

 

Les archives en Guinée sont définies par la loi 014/95/CTRL du 15 mai 1995 comme ceci : c’est l’ensemble des documents quel qu’en soit la date, la forme et le support matériel créés ou reçus par toute personne physique ou morale ou par tout service public ou organisme public ou privé dans l’exercice de leurs activités. C’est la définition des archives en Guinée.

 

Présentez-nous la Direction nationale des Archives ?

 

La Direction nationale des archives a été créée en 1988 par le décret 197 qui a érigé la Direction des archives nationales en direction équivalente d’une direction nationale de l’administration centrale. Mais, il faut retenir que les archives nationales, c’est leur nom qui l’indique, a été nationalisée en 1958. Avant, c’était le dépôt de l’ex-colonie de la Guinée française. En 1958, ce dépôt a été nationalisé et a pris le nom d’archive nationale. Mais pas une direction, parce que c’était une section et même une sous-section qui relevait de la direction nationale de la recherche scientifique à l’époque. Ensuite de la direction de la culture.

 

Avec la modernisation de l’administration dans les années 1980, le service a été érigé au rang de direction nationale. Aujourd’hui, cette direction compte un effectif de 124 personnes, composé d’agents et cadres. Nous sommes organisés en deux divisions: il y la division entrée et contrôle des archives publiques et la division classement et communication. Chacune des divisions comporte deux sections selon leur nom. Entrée ça veut dire que les documents qui rentrent des ministères, des versements administratifs de tous les services publics de l’Etat et le contrôle scientifique et technique, c’est-à-dire que nous avons vocation de contrôler la conservation des archives courantes, les archives administratives au niveau de tous les services publics de l’Etat dont des établissements publics, les entreprises publiques et mixtes. Ensuite la division placement qui a ses deux sections placements et communications. Le placement c’est l’opération qui permet de retrouver, d’identifier et de classer, de ranger et de conditionner les documents dans des boites. C’est tout un ensemble de technique et ça nous permet de retrouver le document que vous avez versé aujourd’hui. La communication sert à communiquer aux publics, lecteurs, chercheurs aux historiens à tous les curieux les documents qu’ils veulent consulter. Il y a une restriction dans la communication selon la loi sur les archives.

 

Que dit la loi sur des archives en République de Guinée ?

 

Cette loi qui a été adoptée et promulguée en 1995. La division comprend également une section service matériel et financier qui s’occupe de la gestion matérielle et financière de nos biens et aussi un service d’appui qui s’occupe de l’entretien et de la restauration des archives.

 

Quel est l’importance des archives pour un pays comme la Guinée ?

 

Les archives ont trois intérêts : intérêt administratif, juridique et historique. L’intérêt administratif, c’est que chacun de nous a besoin de ces archives pour gérer son quotidien. Quand on dit que l’administration est une continuité, c’est par rapport aux archives. Un Directeur qui est remplacé ne peut continuer son travail administratif que s’il a entre ses mains les documents que son prédécesseur lui laisse. Il peut savoir les projets en cours, ce qui a été fait et non fait. Les études, les rapports, les PV tous ce qu’on laisse ça permet de comprendre le passer et de pouvoir continuer l’administration. Votre pièce d’identité pour que vous vous appelez tel ou tel il faut prouver ce n’est pas écrit sur le front, on est obligé de présenter une pièce et ça commence par l’état civil, la date de naissance, l’extrait de naissance qui vous accompagne jusqu’à la mort. Partout où vous demandez un pas administratif, on vous demande d’abord de vous identifier à travers un document qui démontre que vous êtes tel et né tel jour ou à tel lieu, ça c’est pour l’administration. Si ces documents n’ont plus de valeur administrative, on n’a quand même besoin par exemple pour justifier comme preuve. Vous avez des litiges pour le problème de parcelle, on vous demandera de prouver à qui ça appartient et celui qui montrera le document authentique c’est à lui qu’appartient la parcelle. A titre de preuve, les archives ont un intérêt juridique et ça c’est des périodicités. Enfin, les archives historiques pour la documentation historique d’une nation, d’un service, d’une entité, d’une famille, d’un parti politique, d’une association. On garde ces documents pour que demain on puisse expliquer l’histoire de cette institution, de cette entité et ça c’est pour la recherche et la documentation historique. C’est ce que les chercheurs utilisent pour écrire l’histoire d’une nation. Aujourd’hui, on est en quête d’écrire l’histoire générale consensuelle de la Guinée. Ça ne peut pas se faire sans les archives. Il y a aussi la bonne gouvernance, la civilité. Il faudrait montrer aux enfants ce que c’est l’état civil pour qu’ils puissent respecter les documents lorsqu’il y a émeute. Dans les années 2000, il y a eu beaucoup de destruction des archives dans nos préfectures, dans nos communes, parce que les gens ne savent pas que ces documents parlent de leur vie à eux. Tout ce qui n’est pas écrit, on ne peut pas prouver. Il faut montrer un document pour prouver effectivement ça été fait et c’est la preuve.

 

Dans le cadre de la bonne gouvernance, comment vous pouvez prendre une bonne décision si vous n’êtes pas informé ? L’information c’est le pouvoir. Si vous n’êtes pas informé vous ne pouvez pas prendre la bonne décision. Vous pouvez signer  un acte aujourd’hui et ça trouve que c’est contraire aux dispositions antérieures, si vous étiez au courant, vous n’allez pas entreprendre cette décision ou cet arrêté.

 

Comment vous faites pour collecter ces archives ?

 

La loi nous autorise à recevoir les archives publiques. Qu’est-ce que les administrations centrales produisent ? Les ministères, les institutions nationales, les directions nationales, les établissements publics, les mixtes …etc. Ces documents au bout d’un certain temps doivent venir ici. Ce n’est pas à la création que ça doit venir ici aux archives nationales. C’est pour cela j’ai parlé des trois âges des archives. Le premier âge qu’on appelle les archives courantes, c’est ce que vous voyez dans mon bureau comme ça et c’est ce qu’on voie dans tous les bureaux. Vous trouvez des documents concrets, on les garde souvent pendant cinq ans voire dix ans tout autour. Au bout de dix ans, on dit ces documents je n’ai plus besoins et les enlève dans le bureau pour un petit coin jusqu’à ce que ces documents aient quinze, vingt, vingt-cinq et jusqu’à trente ans parfois. Pendant cette période de dix à trente ans, ces documents prennent le nom d’archives intermédiaires ou de pré-archivage. C’est qu’on fait le tri, on élimine tout ce qui est inutile et on garde tout ce qui est bon pour des générations futures pour l’histoire. A partir de trente ans ce sont ces documents qui rentrent ici aux archives nationales. Au niveau des ministères de chaque bureau vous avez des créateurs de documents ou qui reçoivent des courriers, des correspondances qui viennent où qu’on répond. Les gens constituent les dossiers d’affaires, quand les affaires sont clauses, on place le dossier souvent part année. La loi dit aucun service n’est autorisée à détruire un document public sans l’avis écrit du Directeur national des archives. On applique ici la politique nationale du gouvernement en matière d’archive. Cette loi interdit toute destruction d’archive public. Même la loi de 1992 ‘’la loi anti-casseur’’ est applicable aux archives. Ce sont des dispositions pénales qui sont dans la loi.

 

Expliquez-nous un peu ces âges ?

 

En principe, les archives sont reparties en fonction des âges. Archives courantes, archives intermédiaires et historiques ou définitives. On peut classer aussi les archives en fonction de leurs producteurs. Vous avez les archives communales, les archives préfectorales, régionales et nationales qui appartiennent à toute la nation. Les archives régionales de Kindia ne sont pas des archives nationales, ce sont des archives qui intéressent la région de Kindia. Les archives communales de Matam ou de Matoto sont des archives qui intéressent la commune, les habitants, de l’état civil et de toutes les activités concernant ces lieux-là. Vous avez les archives d’entreprises qui sont produisent par les entreprises. Vous avez aussi les archives industrielles. Chaque catégorie de producteur peut donner un nom à ses documents produits.

 

On peut placer les archives nationales en fonction de l’histoire de la nation. On peut les placer en plusieurs catégories selon notre passé. En Guinée nous avons deux catégories de fonds : vous aves les archives avant 1958 qu’on appelle le fond clos et les archives postérieures à 1958. C’est ce que nous avons produit à partir de notre indépendance en 1958. Ces archives sont appelées aussi des archives contemporaines qui portent le nom de la lettre W. Tous les documents qui viennent des départements, des services publics portent ces noms et aujourd’hui nous sommes à 400W. Cela veut dire qu’il y a 400 entrées d’archives des ministères vers les archives nationales. Pour faire ces entrées, nous sommes obligés de faire des missions d’inspections. Lorsque nous trouvons des documents menacés de destruction, nous sommes obligés de prendre et les conserver dans le dépôt national.

 

Y-a-t-il une collaboration entre la direction des archives et les tribunaux ?

 

Je viens de recevoir une réquisition du procureur de Kaloum pour justifier l’existence ou non d’un certain nombre de documents. Il y a une grande collaboration entre nous. Pour  les aider à placer leurs archives, je les envoie souvent des stagiaires qui les aide bénévolement à placer les archives dans les tribunaux et au ministère même. Ils ont même un stagiaire qui classe actuellement les dossiers à la cour d’appel.

 

Cette chance est donnée aussi aux particuliers de venir à la direction en cas de litige ?

 

Aucun problème ! Si le document existe ici et c’est publié dans le journal officiel, il a le droit de venir. On a installé un logiciel ici pour pouvoir vite faire la recherche.

 

Quelles sont les grandes innovations de cette direction méconnue de bon nombres de Guinéens ?

 

Le guinéen ne s’intéresse pas à son histoire. Les guinéens ne lisent pas, encore moins n’écrivent pas. Ce service existe depuis 1988. Le dépôt existe depuis 1914. J’ai trouvé ce service dans un état un peu lamentable. Il était sur le point de fermer. Les travailleurs vous en diront plus longuement. A mon arrivée ce service était peu fréquenté, parce que c’était sale. Dans tous les couloirs ici les documents étaient entreposés. Tout ce qu’on prenait dans les ministères on les déposait ici pour les magasins, mais ça ne pouvait pas rentrer dans le magasin parce ce n’était pas classé. J’ai fait le récolement général du fond des archives nationales.

 

J’ai fais des fiches sous excelle, j’ai formé des jeunes. On peut dire que beaucoup ont changé. D’abord j’ai remarqué la propriété. Personne n’ose plus mettre un bout de papier à terre, il y a des poubelles partout. Les bureaux au sein de nos locaux sont nettoyés trois fois par semaine. Tous les fonds entreposés dans les couloirs ont disparu. On a tout classé et faire rentrer dans nos magasins. Nos magasins sont climatisés. Avant, on ne pouvait pas faire une minute dans un magasin tellement qu’il faisait chaud. Aujourd’hui, tu ne peux pas faire plus de cinq minutes dans un magasin sans costume. Nous avons commencé à former le personnel, à prendre des stagiaires. Depuis mon arrivée nous sommes à la quatrième promotion. Nous recrutons les jeunes, on les forme et on les envois dans les services publics afin de classer les documents à ces niveaux. Depuis l’année dernière nous avons organisé la journée internationale des archives pour faire connaitre les archives.

 

Comme résultat nous avons eu la visite du chef de l’Etat le 24 décembre 2015. Nous avons évoqué la climatisation des magasins, des ordinateurs, numériseurs pour pouvoir numériser tous les documents qui sont sur papiers pour avoir une collection sauvegardée. J’ai demandé du lait pour le personnel et donne ça régulièrement pour éviter la maladie. Je passe par la croix rouge qui nous donne des gants, des alcools pour que le personnel travaille dans de bonnes conditions. On a eu deux pick-up. C’est la première fois que le gouvernement offre des véhicules de service qui nous permet maintenant de faire des inspections et contrôler la conservation des archives courantes partout où ils sont conservés.

 

Si on vous demandait votre bilan de l’année 2016, qu’est-ce qu’on peut retenir ?

 

Je les dis lors de la présentation des veaux de nouvel an, si vous avez vu un tableau qui est là-bas, j’ai été désigné comme meilleur travailleur. C’est le syndicat qui a pensé que j’étais à récompenser. Ce n’est pas à moi de faire le bilan. Je ne suis pas encore satisfait d’abord et je continue à travailler. Ce que je souhaite est que le Guinéen ait l’accès directe à l’information doit-il a besoin. Je veux que lorsqu’un citoyen est chez lui et clic sur notre site gagne des informations et l’imprime sur place sans se déplacé. Ma vision c’est l’informatisation intégrale des archives, la numérisation des archives à tous les niveaux pour les rendre accessibles au public. Aujourd’hui, j’ai un sentiment de fierté puisque les travailleurs sont satisfaits.

 

Quelles sont les difficultés rencontrées dans l’accomplissement de votre mission ?

 

D’abord c’est les moyens. On peut bien le dire, comme l’a dit l’ambassadeur délégué de l’Union Européenne, on peut se développer sans les moyens, mais on a besoin du minimum. Les véhicules aujourd’hui tout le monde en est fier. En  rentra je dépose le personnel. Je manque d’ordinateurs. Le chef de l’Etat l’a promis j’y crois et j’attends 2017 pour avoir le reste. Ça déjà commencé, car j’ai eu les véhicules, sppides et on m’a promis le reste pour cette année. J’ai confiance et j’attends. En dehors de ça, c’est demander aux personnels de travailler tout simplement. J’ai besoin de professionnel. J’ai besoin de former une relève pour que demain ils puissent continuer l’œuvre qu’on n’a entrepris. Ensuite, j’ai besoin d’une petite subvention qu’on peut gérer et contrôler. J’ai besoin des milliers de boites pour conserver les archives.

 

Quel message avez-vous pour conclure cet entretien ?

 

Je fais un appel à tous les citoyens de respecter le papier, de respecter le document. Nous sommes tous concernés par ces documents. Si on les détruits au fur et à mesure qu’on les créé ou qu’on les reçoive nous n’aurons pas d’histoire ou l’histoire sera falsifiée. Nous ne pourrons rien trouver et prouver. Je demande à l’Etat de donner les moyens pour conserver ces documents, sinon les gens les détruisent au fur et à mesure. Il faut que les gens apprennent à connaitre leur pays. La plupart des guinéens ne connaissent pas la Guinée, ils ne s’intéressent pas à l’histoire, ils ne cherchent pas à connaitre les institutions. Il faut que les gens chassent que les documents publics sont imprescriptibles et inaliénables et que toute destruction est punie par la loi. Il faut respecter les documents quel que soit le support. Que ça soit numérique, magnétique, micrographique ou du papier. Je demande aux Guinéens d’être curieux, s’intéresser à leur histoire et d’aller là où ils peuvent trouver la bonne information.

 

Entretien réalisé par Daouda Yansané

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