A l’issue d’une longue journée de médiation avec les chefs d’Etats mauritanien et guinéen ce vendredi, le président sortant de Gambie a finalement déclaré lors d’une allocution à la télévision nationale, en pleine nuit ce 21 janvier, qu’il acceptait de quitter le pouvoir.

« Je crois en l’importance du dialogue et en la capacité des Africains à résoudre eux même les défis de la démocratie. C’est pourquoi j’ai décidé aujourd’hui de quitter la direction de cette grande nation », a déclaré le président sortant. Dans une allocution à la télévision nationale, Yahya Jammeh a dit qu’il voulait « préserver la vie de ses concitoyens » et qu’il refusait qu’une « seule goutte de sang soit versée ».

« J’ai une immense gratitude pour tous les Gambiens qui m’ont soutenu pendant 22 ans pour construire une Gambie moderne », a-t-il déclaré, assurant que sa décision « n’a pas été dictée par quoi que ce soit d’autre que l’intérêt suprême du peuple gambien et de notre cher pays ». Et de conclure : « Je me soumets uniquement au jugement de Dieu le tout puissant. Je vous remercie tous et que dieu continue de bénir notre patrie. »

De plus en plus isolé, lâché par sa propre armée et puis sous la pression des troupes de la Cédéao, qui menaçait d’une intervention militaire, Yahya Jammeh a fini par céder et par accepter une résolution diplomatique de la crise en Gambie.

Le président gambien Yahya Jammeh, lors d’une réunion avec une délégation de chefs d’Etat africains, en médiation sur la crise post-électorale gambienne, à Banjul, le 13 décembre 2016. © REUTERS/Stringer

Qu’est-ce qui lui a été promis pour qu’il quitte le pouvoir ?

Vendredi 20 janvier, les présidents mauritanien et guinéen ont passé toute la journée à négocier avec Yahya Jammeh pour qu’il laisse son siège au nouveau président élu, Adama Barrow. Une médiation de la dernière chance qui a donc, finalement, porté ses fruits. Si pour l’instant on ne connaît pas le contenu de l’accord qui a été conclu, ni quel est le pays qui offrira l’asile à Yahya Jammeh, quelques détails ont tout de même fuité.

L’ex-président de 51 ans a fait savoir qu’il souhaitait rester dans son pays. Une option catégoriquement refusée par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao). Il avait également fait savoir qu’il souhaitait pouvoir transmettre le pouvoir à Adama Barrow.

Autre condition de Yahya Jammeh : avoir des garanties de sécurité pour lui, mais aussi pour son entourage, composé des cadres et des fonctionnaires qui l’ont accompagné, mais aussi de ses soldats et de ses hommes qui lui sont fidèles, constituant en quelque sorte sa garde personnelle. D’après des sources onusiennes, l’un des enjeux des discussions ces dernières heures était de trouver des mécanismes qui permettraient à ces hommes d’éviter de subir les foudres éventuelles d’une vendetta organisée au sein de l’armée avec le changement de régime qui se profile.

Ainsi, il existe une très forte pression de la part de soldats sur Yahya Jammeh pour qu’il obtienne des garanties de sécurité pour ses hommes. Après il y a aussi les garanties de sécurité peut-être personnelles pour l’ex-président. Sera-t-il ou non l’objet de poursuites internationales ? Ce sont des choses qui ont été discutées à Banjul. Et il a dû obtenir les assurances qu’il recherchait.

■ Où Yahya Jammeh va-t-il s’exiler ?

Sur ce point, plusieurs pistes : la Mauritanie, le Maroc, peut-être dans un premier temps la Guinée puisque le président Alpha Condé a passé la nuit à Banjul. Ou encore l’Arabie saoudite qui semble-t-il avait envoyé des signaux, invitant Yahya Jammeh à se rendre sur son territoire.

Les choses devraient se dénouer dans les prochaines heures.

■ La Cédéao, une force efficace dans la résolution de la crise gambienne ?

La Cédéao a beaucoup évolué ces dernières années. Si l’on reprend les précédentes opérations, notamment l’Ecomog qui avait été envoyé au Liberia, elle s’est dotée de mécanismes à la fois politiques et militaires.

Par ailleurs, rien n’aurait été possible dans la résolution de cette crise gambienne sans le volontarisme et l’activisme du Sénégal qui était réellement le pays en pointe et qui donnait le ton. Même si le président du Nigeria Muhammadu Buhari était médiateur officiel, les canaux passaient forcément par les diplomates sénégalais et par le président Macky Sall.

Un convoi militaire quittant la frontière avec la Gambie, près du village de Toubacouta au Sénégal, le 21 janvier 2017. © AFP/SEYLLOU

Des pressions militaires à la frontière nord de la Gambie

Pour ce qui concerne cette coalition militaire, tout est dans le nom de cette coalition : restaurer la paix. Et tant que cela ne se sera pas le cas, cette pression sera constante. Le dispositif en place depuis jeudi soir sera maintenu.

Ces militaires de la force africaine, environs 7000 hommes, sont prêts à intervenir si Yahya Jammeh refuse de quitter le pouvoir, s’il ne respecte pas l’engagement qu’il a pris cette nuit.

Concrètement encore ce matin, la Gambie est prise en étau : des troupes terrestres entourent le pays, un navire nigérian est positionné au large, des avions également du Nigeria sont prêts à décoller de Dakar où se trouve d’ailleurs l’état-major de cette force.

 RFI