Malgré la noblesse de la profession, le métier d’avocat est mal compris par bon nombre de Guinéens.  Pour le savoir, il suffit de faire un tour dans les différents quartiers de Conakry. Certains qualifient les avocats de tous les noms d’oiseaux. Et pour inverser cette perception des gens, le reporter de votre quotidien en ligne a rencontré l’un des avocats du barreau de Guinée, qui a bien accepté de parler de cette profession, son importance et sa place dans un État démocratique.

Dans cet entretien, nous avons parlé des qualités pour devenir avocat, obligations qui incombent à l’avocat et le sens de certains actes que pose un avocat dans sa mission de défense.

Lisez !

Guineelive.com : S’il vous plait présentez-vous à nos lecteurs ?

Je suis Aboubacar Sylla avocat à la cour.

C’est quoi un avocat ?

L’avocat, c’est un auxiliaire de justice qui fait profession de donner des consultations, rédiger les actes et défendre les intérêts de ceux qui acceptent de lui confier leur cause.

Quelles sont les qualités pour être  avocat en Guinée ?

Pour parler des qualités de l’avocat, il faut d’abord parler de la probité morale et intellectuelle. L’avocat doit avoir une bonne formation et une certaine indépendance vis-à-vis de ses Clients, des Magistrats et des Institutions.  Cela dit il doit respect à toutes ces personnes.

Appartenant à un ordre, il doit obéir aux règles déontologies qui régissent la profession à savoir, la probité morale, intellectuelle, la délicatesse.

En clair, pèsent sur lui droits et obligations. Dans l’exercice de la profession et en dehors doit avoir un comportement exemplaire empreint de dignité, de probité morale et intellectuelle.

Dans un Etat organisé, quel rôle joue un avocat ?

Dans tous les Etats de droit, l’avocat constitue la garantie même du respect de la loi, du droit, des principes qui sont généralement consacrés par les textes régissant la vie sociale, économique, culturelle et politique etc.…L’avocat c’est la sentinelle de l’État de droit. C’est la sentinelle, de la liberté, du respect des lois, des principes généralement par la constitution et d’autres textes subséquents.

Par son intervention, il participe au renforcement de la justice, de l’équité par conséquent de la paix sociale, la sécurité juridique, un critère encourageant pour les investisseurs nationaux et étrangers.

Quel rapport entretient un avocat vis-à-vis de son client et de ses confrères ?

D’abord pour le Client ça doit être des rapports de confiance et respectparce que c’est quelqu’un qui vous a choisi parmi tant d’autres pour vous confier sa cause. Donc, vous lui devez respect et courtoisie. Dans la conduite de son affaire vous lui devez information à chaque étape de la procédure des actes que vous posés.

S’agissant des rapports avec le confrère, c’est une obligation de respect des règles déontologiques. Les confrères méritent naturellement respect et courtoisie. Faire en sorte que vous ne confondez pas votre confrère à son client, quel que soit l’adversité qui vous oppose. Faire en sorte que le confrère soit informé de votre constitution à ses cotes et contre lui.

Respecter à son égard, le sacro-saint principe du contradictoire, ne pas par exemple plaider à son insu.

On dit souvent que pèse sur l’avocat une obligation de moyens et non de résultat. Dites-nous comment et pourquoi cette affirmation ?

Vous savez, l’avocat c’est comme le médecin, il est appelé par le client comme je vous le dis, à lui prodiguer des conseils, rédiger des actes, l’assister ou le représenter en justice, définir la stratégie judiciaire.

Cela dit, l’avocat n’assure pas le succès à son client. Il mettous les moyens légaux  pour la réussite mais il ne peut pas à 100% dire vous allez gagner parce vous m’avez constitué, l’Avocat sait qu’il est là pour faire appliquer la loi, il a donc une certaine collaboration à la manifestation de la vérité.

Lorsque le comportement de son client est contraire à la loi, naturellement son client va perdre. Mais vous êtes là pour faire en sorte que si c’est lui qui a raison,  son droit soit reconnu. Mais lorsque ce n’est pas lui et que c’est possible de trouver des raisons pour amenuiser sa responsabilité pour que cela aussi soit fait.

L’obligation de résultat, c’est comme lorsqu’on paie le transport à un chauffeur de taxi, il est obligé de vous prendre d’un point A pour un point B. C’est une obligation de résultat. S’il n’arrive pas, il est obligé de vous rembourser. Mais les médecins et l’avocat ont l’obligation de tout mettre en œuvre pour qu’il y ai succès. Mais lorsqu’il n’y a pas succès et que la preuve est faite que l’avocat ou le médecin ont mis tous les moyens qu’il fallait, c’est-a-dire qu’ils ont agi en bon père de famille, ça veut dire que si le résultat n’est pas là, leur responsabilité n’est pas engagée. L’obligation de résultat, lorsqu’on vous demande de faire quelque chose, il faut forcement aboutir au résultat. Alors que l’obligation de moyens, c’est user de tous les moyens légaux pour que l’objectif soit atteint et lorsqu’il n’est pas atteint, la responsabilité de celui qui est commis ne peut pas être engagée. Donc, à contrario, sa responsabilité peut être engage s’il est prouvé qu’il n’a pas mis tous les moyens en œuvres pour aboutir au succès.

En Guinée, beaucoup de personnes  ont un mauvais regard sur les avocats. A Conakry par exemple, certains disent que l’avocat transforme  la vérité en mensonge et inversement pour satisfaire son client. Quel est votre avis sur cette déclaration ?

C’est vrai ! C’est une idée très rependue,mais, la réalité est tout autre.

Il arrive souvent que l’Avocat soit en face d’un Client qui, même quand il a tort, a intérêt qu’on sache comment et pourquoi il a tort.

Il arrive qu’ayant tort le Client ne soit pas seul comptable de la responsabilité qu’il peut partager avec la société, la famille, ou la victime, dans un tel cas, le résultat peut être différent.

Seul l’Avocat peut jouer ce rôle en apportant une nouvelle grille de lecture des faits en confrontant les faits aux textes qui sont des paroles gelées qui ont besoin d’être réchauffées à la lumière des circonstances, contrairement au Juge arc-boute à défendre la loi en l’état, brut.

L’Avocat n’est pas seulement heureux lorsqu’il gagne un procès, mais aussi quand il aide une femme bafouée à retrouver son honneur, une partie civile à faire le deuil, un accuse à accepter sa culpabilité par conséquence sa condamnation.

Ce rôle n’est pas facile à comprendre par le commun du mortel car pour ce dernier, un accusé dont le crime est prouvé n’a pas droit à la défense.

Dans tous les cas, l’Avocat est celui qui est appelé à défendre celui que toute la société veut lapider.

Lorsqu’un accuse ou un prévenu entoure de gardes, menottes aux mains entre dans une salle d’audience, qu’il n’a plus de repère, ayant perdu toute espoir en face de lui les Magistrats, la société représentée par le Procureur, il n’a plus que son Avocat pour faire entendre sa raison à lui. Là se trouve tout le sens de la présence de l’Avocat à cote de son Client.

Les gens ont du mal à comprendre le sens de la plaidoirie. C’est quoi la plaidoirie d’un avocat ?

Après tout interrogatoire et toute discussion à la barre, la procédure a voulu donner la chance aux parties de convaincre les Magistrats des cours et tribunaux en charge du dossier.

Par cet exercice, l’Avocat essaye de faire entendre la vérité de son Client sur la base des faits, du droit, de la doctrine, de la jurisprudence et de sa culture générale aux Magistrats qu’il veut rallier à sa cause.

La plaidoirie est comme un coup de fusil qui doit atteindre sa cible. Pour être efficace elle doit être cohérente, fondée sur les arguments juridiques solides.

L’avocat par cet exercice cherche à rallier le Tribunal ou la cour à la cause de son client.

Nous apprenons souvent qu’en matière civile, l’avocat représente son client.  Mais au pénal, il l’assiste. Que signifie cette assertion ?

Oui, en matière civile comme vous le dites, l’avocat représente entièrement son client. Ça veut dire  même en l’absence de son client, il peut défendre sa cause. Sauf exceptionnellement, lorsque le magistrat ou la juridiction décide d’écouter personnellement le client.

En matière pénale, on dit que l’avocat assiste son client. En fait, la responsabilité pénale étant personnelle, l’Avocat n’a pas le monopole de la défense, il la partage avec son Client qui a en face de lui la société représenté par le procureur

Quelle lecture faites-vous sur la profession d’avocat en Guinée ?

Vous savez  la profession d’avocat a évolué dans ce pays. Avant, on parlait d’avocat populaire, c’était des fonctionnaires qui jouaient ce rôle. Depuis il y a euun changement considérable, surtout avecla promulgation de la loi 014 du 26 mai 2004 portant réorganisation  de la profession d’avocat en République de Guinée. Ce métier s’est libéralisé comme dans les autres pays.

L’accès à la profession a été réglementé, des stages et formations sont régulièrement organisés par le conseil de l’Ordre ayant à sa tête un Bâtonnier élu pour deux ans.

L’institution du CAPA et stage est devenu obligatoire avant l’inscription du postulant au tableau.

Aujourd’hui, malgré tout la culture de l’avocat s’installe chez nos citoyens (personne physique et morale).

La plupart des avocats passent des contrats avec des sociétés, et personnes physiques pour assurer leur défense à tout moment et en tout lieu.

L’Avocat à travers les conventions de conseils, d’assistances et de représentation en justice n’agit plus seulement en pompier mais en conseiller d’abord.

En clair, pour certains l’avocat est consulté pour éviter des problèmes pas seulement pour jouer au pompier.

Maitre, depuis un moment on vous retrouve dans plus part des dossiers sensibles de notre pays, qu’est-ce qui vous amine ?

Je suis un modeste avocat, amoureux de la justice mais surtout de la défense.

C’est vrai que depuis un moment, je bénéficie de la confiance de nos concitoyens et certains de mes confrères pour défendre leur causeet/ou pour être à leurs côtes.

Chaque fois que c’est le casje fais en sorte de mériter la confiance. Malgré ma passion dans la défense des plus faibles, ma conception de l’avocature reste la collaboration à la vérité.

Vous faites partie des auxiliaires de justice. Quel est votre regard sur la justice guinéenne ?

S’agissant la justice guinéenne, il y a eu une certaine évolution. On peut retenir essentiellement le toilettage des textes, la formation et le recrutement du personnel judiciaires (Magistrats, Greffiers) sans oublier l’effort dans la revalorisation salariale.

Cela dit, la justice a besoin encore de moyens considérables pour mettre les Magistrats dans les conditions adéquates de travail. Les auxiliaires de justice que nous sommes, sont confrontés au quotidien aux difficiles conditions de travail des Magistrats.

On aime souvent dire que la justice est lente, elle ne peut pas être aussi rapide parce que les moyens font défaut.

Par ailleurs, l’ingérence des pouvoirs publics dans le judiciaire est malheureusement encore une réalité. Dénoncé cette réalité ne suffira pas, pour faire cesser le phénomène,  les Magistrat doivent prendre leur responsabilité pour faire de leur indépendance consacrée par nos textes une réalité.

 

Quel est votre message pour des gens qui vous liront à travers nos colonnes ?

Je souhaite que les citoyens qui auront l’occasion de lire cette interview comprennent que l’avocat guinéen est aujourd’hui armé pour assurer sa défense.

Que la justice malgré ses problèmes est animée par des femmes et des hommes qui ont conscience de leur rôle dans la société et font des efforts pour rapprocher la justice des justiciables.

J’invite les citoyens à solliciter plus tôt les Avocats, ne pas attendre que les litiges naissent, ceci pourra les éviter la perte de temps et d’argent

 

Entretien réalisé par Daouda Yansané

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