Me Cheick Sako, Ministre de la Justice, Garde des sceaux, invité du bulletin du gouvernement (BDG), fait un large tour d’horizon sur les sujets du moment dont certains défraient les chroniques :

– le département de la justice, comptable de nombreuses réformes depuis 2014 ;

– l’OHADA ;

– quelques affaires juridiques ou judiciaires qui défraient les chroniques.

 Bonjour Monsieur le Ministre ; Qu’entend-t-on par OHADA ?

 L’OHADA qui comprend actuellement 17 Etats Parties, est l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires en Afrique. Le système juridique et judiciaire de l’OHADA vise à garantir la sécurité juridique des affaires en adoptant un droit commun des affaires dont l’interprétation est confiée à une seule instance juridictionnelle, la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA). Pour réaliser ses objectifs, l’OHADA s’est dotée de quatre institutions :

 – la conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement ;

 – le Conseil des Ministres ;

 – la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ;

 – le Secrétariat Permanent.

 Par ailleurs, il a été institué un établissement de Formation (ERSUMA), école régionale supérieure de la magistrature.

 Voilà pour l’essentiel ; on peut juste ajouter que malgré quelques années d’absences (2005 à 2007), la Guinée pourtant membre fondateur, était d’abord revenue sous le Gouvernement Souaré en 2008, puis dès le début du premier mandat du Président de la République Alpha Condé et depuis 2014, nous sommes à jour de toutes nos cotisations. Nous ne sommes plus à la lisière de cette organisation que nous n’avons pas encore eu à présider. C’était trois jours après ma nomination en janvier 2014, que le Président de la République m’avait demandé d’aller à Ouaga, à la réunion ministérielle de l’OHADA. J’y avais constaté la place assez marginale de notre pays à l’époque, à une rencontre des 17 ministres de la justice et 17 ministres des finances, qui décidèrent à l’unanimité que la Guinée rentre dans le bureau comme deuxième rapporteur, le Cameroun avait pris la présidence et l’année suivante en 2015, notre pays était premier rapporteur en Côte d’Ivoire qui présidait. Et l’année dernière,  en 2016, le Congo présidait, tandis que la Guinée avait la Vice-présidence ! Donc, logiquement, cette année nous devrions  présider l’OHADA. Il y’aura deux ou trois réunions ministérielles ; la première en début juin, la seconde en octobre et vraisemblablement un dernier en janvier. Nous profiterons de cette présidence pour faire beaucoup de formations en Guinée, liées au droit commercial, aux problématiques de l’arbitrage, et à tout ce qui touche le cadre  des investissements.

 Monsieur le Ministre, il y a eu des réformes en Guinée ces dernières années ! Pouvez-vous nous faire un petit point de la situation depuis votre prise de fonction en janvier 2014 ?

 Ecoutez, il serait long de vous retracer tout ce qui a été fait comme réformes depuis trois ans et quatre mois maintenant mais, l’essentiel est que les six premiers mois ont concerné les organes, que nous avons mis en place !

 -Le statut particulier des magistrats, a permis de sortir les magistrats de la fonction publique, pour leur donner un statut particulier, comme leurs homologues magistrats dans la sous-région, et en France.

 -Puis, il y’a eu le Conseil Supérieur de la Magistrature, organe disciplinaire !

 -Le tribunal militaire !

 -La cours constitutionnelle !

-La commission internationale OHADA, etc.

Ces réformes majeures avec tous les réaménagements permettent de mieux gérer des problèmes de lutte contre l’impunité, la formation des magistrats, la formation des OPJ,  et depuis que je suis là effectivement, non seulement des formations sont faites sur place, mais nous faisons également venir des formateurs de l’étranger, pendant que nos magistrats partent en formation dans la sous-région, ou à l’étranger,  en France ou aux Etats Unis.

 Monsieur le Ministre, notre pays connait depuis quelque temps, une vague de violence, et des lynchages. Qu’en dites-vous ?

Notre pays vient de loin mais,  sa justice qui joue bel et bien son rôle, ne peut pas tout régler d’un coup de baguette magique. Ces phénomènes nous étaient inconnus sous la première République, et même au début de la seconde république. Ils datent du milieu de la deuxième république et maintenant, ils surviennent subrepticement comme il y a quelques temps, à Siguiri, Kouroussa, Yomou, Kissidougou !  La Justice joue son rôle et sévit par rapport à ça, c’est-à-dire que, quiconque sera arrêté dans un mouvement de masse, de violence, subira les rigueurs de la loi ! C’est indiscutable et sur ce plan-là, le président de la république a été très clair ! Il condamne  fermement les violences collectives, ou de masses, souvent dirigées  sur des personnes physiques, ou sur les biens. Ceux qui ont été arrêtés à Siguiri sont actuellement en prison ; je crois même qu’ils ont été jugés ! Ceux de Kissidougou vont être jugés bientôt et ceux  de Yomou sont également détenus. Les guinéens doivent donc savoir qu’en Guinée, il y’aura tolérance zéro à ce niveau-là ! On ne peut pas accepter une situation de violence volontaire générée ou créée par des citoyens du pays.

 Par ailleurs, en 2016, j’avais proposé quatre codes (donc quatre lois distinctes) : -le code pénal, -le code de procédure pénale, -le code civil, -le code de justice militaire. Malheureusement, le programme de l’assemblée nationale était assez serré et on n’avait  pas pu programmer d’avantage.

 L’année dernière, les deux premiers codes ont été adoptés, le code pénal, et le code de procédure pénale ; une avancée majeure dans notre pays. J’en adresse mes vifs remerciements à nos députés de la république.

 Périodiquement, dans les pays de tradition juridique latine, il y’a des réformes sur des codes majeures (en gros tous les cinq à dix ans). Il faut absolument que la législation en matière judiciaire soit en conformité avec l’évolution de la société. Chez nous, une commission comprenant  – des magistrats, -des représentants de la société civile, -des OPJ, -des représentants des droits de l’homme, -des femmes, est revenu sur le code pénal. Il y’a beaucoup d’avancées !

 Par exemple on a supprimé les cours d’assises, parce que non seulement elles revenaient cher, mais aussi,  elles accumulaient des retards dans les affaires criminelles. Des personnes en  préventifs  pouvaient attendre entre trois et sept ans, et parfois dix ou 11, et cela  n’est pas acceptable. Le choix entre deux solutions a penché en faveur de la suppression des cours d’assises, pour permettre  aux tribunaux de première instance d’être compétents  en matière criminelle. La compétence transférée aux tribunaux, leur  permet de siéger une fois par semaine (une fois par mois selon les cas),  et de rapprocher le citoyen de la justice ; à Boké le weekend dernier, nous avons ouvert les audiences criminelles et l’avancée majeure est que le rythme passera à une affaire criminelle par semaine contre plusieurs années dans le cas d’une cours d’assise.

 Et c’est le lieu d’insister sur les dispositions particulières contre toutes les formes de violence faite aux femmes et aux enfants dans les familles et en dehors des familles.

 La torture physique est également criminalisée.

 Quelles sont, Monsieur le Ministre, les dispositions prises contre les insécurités et le banditisme, y compris en col blanc car, notre pays est particulièrement éprouvé par la corruption et les détournements de budgets ?

 Me SAKO : Ecoutez ! Moi j’ai donné des instructions fermes au niveau du parquet général ! Nul citoyen n’est protégé dans notre pays. Tous ceux qui commettent des infractions, y compris d’ordre financier, ou des détournements, et autres malversations, seront rattrapés par la justice plus tôt que tard. Beaucoup de cadres sont actuellement  inculpés ; certains sont en prison. La corruption est malheureusement généralisée dans notre pays, mais la lutte n’aura aucune trêve. Le gouvernement actuel est totalement engagé dans cette lutte contre la corruption et le Président de la République a été clair là-dessus ; c’est un phénomène généralisé dans notre pays, et son éradication risque de prendre du temps, d’autant plus que pratiquement, tous les pays de la Planète sont atteints par ce mal dont l’ampleur est trop  grande chez nous.

 Lorsque la CENTIF fait une enquête sur un citoyen et qu’ensuite le procureur de Dixinn est saisi, je suis informé et quelles que soient les personnes concernées, nous engageons les poursuites par leurs auditions par un magistrat instructeur, qui les inculpe. Cependant, il y’en a très peu en détention préventive dans les prisons parce que on leur demande de rembourser, et de poursuivre les remboursements tant que demeure l’infraction.

 Actuellement, la loi contre la corruption est en train d’être finalisée. Nous espérons la présenter pendant cette  cession des lois.

 Monsieur le Ministre, où en sommes-nous pour la Haute Cour de Justice?

 Je vous rassure bien que c’est la dernière institution qui s’ajoutera très bientôt à toutes les autres. On est lancé dans une course de fond car on ne peut pas faire l’économie de cette institution. Le Ministre chargé des relations avec le Parlement en a parlé, lors de l’ouverture de la dernière session des lois mais  ou la session budgétaire en octobre, le ministre chargé des relations avec le parlement en a parlé également ; donc il y a une commission qui y  travaille également mais elle est composée essentiellement de  députés, en fonction de leurs activités.

 Monsieur le Ministre, où en est la construction de la prison de Yorocodia ?

 Vous savez que les travaux ont démarré depuis plus  d’un an et demi, mais actuellement, on a quelques difficultés avec l’entrepreneur espagnol ! Je dois rappeler que cette prison est conçue essentiellement sous les fonds espagnols dans le cadre d’un  partenariat privé public (PPP) ;

 -Public : Ministère de la justice,

-Privé : entreprise espagnole.

 J’ai trouvé ce projet ; l’entreprise avait été choisie et la convention était déjà prête. J’ai simplement managé sur le plan juridique, pour voir si l’Etat Guinéen n’était pas lésé et effectivement, après analyse du dossier de convention, nous avons vu que les intérêts de l’Etat étaient préservés, pour la simple raison que l’Etat ne participait pas financièrement ! On cédait les lieux de l’ancienne prison, actuellement dans un bail de soixante-cinq ou soixante-dix ans, qu’il destinait à autre chose (comme ça existe en côte d’ivoire ou dans d’autres pays) mais l’ancienne prison n’était cédée qu’à la livraison de la nouvelle. Cette condition étant posée, le Ministre des Finances et moi-même, avons signé, sous le contrôle des grands projets. Par la suite, l’entrepreneur Espagnol a commencé à travailler, avant de rencontrer  des problèmes avec ses banquiers. Et c’est ce qui expliquerait l’arrêt momentané des travaux.

 Nous l’avons interrogé, afin qu’il nous indique officiellement ses difficultés, afin de lui trouver éventuellement un remplaçant pour que les travaux puissent reprendre, pour que cette prison puisse voir le jour dans notre pays.

 Monsieur le Ministre, où en est le dossier sur la disparition du journaliste Chérif Diallo ?

 Sur ce problème de la disparition du journaliste Chérif Diallo, j’ai déjà été interpelé à l’époque et je vais vous répéter la même chose ! Il y a une procédure qui est lancée devant le tribunal de Dixin. Cette procédure est la même comme partout dans le monde. Quand il y a disparition de personne, on ouvre une information et dans le cas d’espèce l’information est d’ordre criminel. La procédure est assez longue parce que le parquet travaille avec les OPJ ; un juge d’instruction est saisi et ils reçoivent des informations qu’ils exploitent etc. Le hasard peut même parfois intervenir pour aider !! En tout cas, le dossier n’est pas du tout négligé comme nous l’avons dit à la famille par le biais de leur avocat.

 D’une manière générale, les choses avancent et la priorité est maintenant à l’applicabilité. Ces temps-ci, des audiences criminelles se tiennent dans les tribunaux de première instance pour lutter justement contre l’impunité, les cas de violences, et contre toutes les choses inacceptables.

 Je me suis trouvé à Boké ce weekend, pour y ouvrir l’audience criminelle au tribunal de première instance. Kindia avait déjà commencé ces audiences criminelles ; Mamou également, ainsi que  Mafanco, Kaloum et Nzérékoré, avec le procureur général de Kankan. Il est important que le citoyen guinéen sache  qu’il y’a une justice dans ce pays, et qui marche bien, contrairement à ce que disent certains oiseaux de mauvais augure. La Justice est là pour répondre à l’attente des populations ; je les rassure là-dessus.

 Monsieur le Ministre, où en est le dossier du stade du 28 septembre ?

 Ecoutez ce dossier suit également son cours. Une personne majeure a été extradée il n’y a pas longtemps, elle a été auditionnée et on va s’acheminer vers des confrontations qui seront organisées. Cependant, je ne me mêle pas de la procédure, je reste simplement informé de ce qui se passe ; je suis là pour donner les moyens aux magistrats pour faciliter leur travail pour que cette affaire puisse aller assez rapidement. Nous espérons aboutir dans les mois à venir finir avec l’instruction et entamer la préparation de ce procès qui j’espère aura lieu vers la fin de l’année.

Source: Cellule de Communication du Gouvernement