Dans les juridictions, souvent lors d’un procès pénal, civil et autres, les prévenus, accusés ou les défendeurs comprennent très mal le rôle des magistrats du parquet (procureurs et substituts).

Vu sa mission de défenseur de d’ordre public et la protection de toute personne dans la société qui se sente lésée dans ses droits, certains le confondent à l’avocat de la victime.

Pour mieux cerner la place et les attributions des magistrats du parquet (procureur et ses substituts), le reporter d’Affiches Guinéennes a rencontre Mohamed Lamine Diawara, substitut du procureur de Dixinn, qui a accepté de s’exprimer sur ce sujet.

Avec lui, nous avons d’abord fait l’historique et la définition du ministère public et s’ensuivra les attributions et le rôle des magistrats du parquet.

Selon Mohamed Lamine Diawara, le ministère public n’est pas une création artificielle du législateur correspondant  à une  fonction théorique, mais  le produit de l’histoire ou plus exactement le produit de la pratique judiciaire  au cours d’une lente évolution plusieurs fois séculaire.

D’après lui, les procureurs et les avocats du roi furent nommés pour la première fois par une ordonnance du 25 mars 1303 en recevant une pension. A partir de 1498, les procureurs eurent le privilège de représenter  exclusivement  le souverain et leur fut interdit d’occuper pour des particuliers ou des communautés. Delà, sont nées la distinction des fonctions  de parquet de la profession d’avocat.

Ensuite, dit-il, ils occupent auprès de la juridiction, sur l’estrade des juges, une place dans un petit parc ou parquet  différent du plancher  de la salle d’audience ou se tenaient les avocats. Ils eurent le devoir d’agir lorsque l’ordre dont le roi était le représentant suprême était en cause.

« En 1579, l’ordonnance de Blois, consacrant un usage constant leur prescrit d’engager des poursuites dans tous les cas où il y avait crime, même s’il n’y avait pas de plainte. Alors la procédure criminelle accusatoire, où l’accusé devait fournir la preuve de son innocence cède la place à la procédure inquisitoire ou l’accusateur le (parquet) doit faire la preuve de la culpabilité. Ainsi la notion de défense de l’ordre public triomphe sur l’idée de la vengeance personnelle de la victime, grâce au remarquable progrès de l’institution judiciaire.

Audelà de la simple querelle d’historiens, cette histoire souligne la filiation des Magistrats du parquet avec les gens du Roi. Leurs rôles respectifs sont bien différents cependant », explique-t-il.

Avant de dire : « Si les gens du roi sont  Magistrats dès le moyen âge, ils  ne se sont cependant chargés  que de la défense des intérêts royaux. La révolution s’en méfiera et scindera en deux leurs anciennes fonctions : des commissaires nommés par le Roi seront à cette époque  chargés de l’exécution des jugements, tandis que le recours à l’élection permettra de designer l’accusateur public.

Ces fonctions retrouveront vite une unité, mais le parquet est conçu comme l’instrument du gouvernement, même si les procureurs sont des magistrats. Le XIXème  siècle voit les  misions du ministère public évoluer  et  adopter des pratiques devançant les reformes législatives. La profonde mutation du ministère opérée depuis lors afin de garantir progressivement un peu plus d’indépendance au ‘’parquetier’’ ne cesse d’alimenter les débats les plus vifs  sur son rôle et son statut ».

D’après le parquetier, avec l’événement de la république et en vertu de la séparation des pouvoirs, les magistrats du parquet comme ceux du siège tiennent leurs pouvoirs directement de la loi. Dans le déroulement de la carrière, les niveaux hiérarchiques sont systématiques et les places  aux audiences le sont également.

Si les parquetiers cèdent volontiers le pas à leurs collègues du siège, conforment à la tradition, s’ils se lèvent et se découvrent quand ils parlent aux juges, ils n’en tiennent pas moins jalousement à leur qualité de magistrats authentiques.

Ce n’est pas le menuisier, c’est la loi qui les a investis de l’imperium en vertu duquel, ils décident de l’opportunité des poursuites et portent librement la parole aux audiences. Depuis des siècles, les  magistrats du ministère public siègent aux cotés de leurs collègues qui jugent. Ils entendent y demeurer. Il  serait aussi déraisonnable de placer, au nom d’une étymologie mal interprétée, le procureur sur le parquet que  d’installer l’avocat derrière les barreaux. Ce n’est pas seulement la place d’un lutin qui est en cause, mais la nature profonde d’une institution.

Parlant de la définition du ministère public, il a dit qu’on doit la définition du ministère public à la loi du 16 au 24 Aout 1790 en son article 1er qui dispose que « le Ministère Public est une magistrature spéciale établie auprès de certaines juridictions à l’effet de représenter la société et, en son nom, de faire observer dans les jugements à rendre les lois qui intéressent l’ordre général et de faire exécuté les jugements rendus ».

Sous cette définition froidement juridique, se cache une institution originale qui d’après PORTALIS : « donne un organe à la loi, un régulateur  à la jurisprudence un appui consolant à la faiblesse opprimée, un accusateur redoutable aux méchant, une sauvegarde à l’intérêt général, enfin, une sorte représentant au corps entier de la société ».

Et comment ne pas reconnaitre avec Monsieur le conseiller GOYAT que les magistrats  du parquet : « ont encore, en dehors  de l’audience, en matière civile, pénale, commerciale, disciplinaire et en matière d’administration judiciaire de nombreuses attributions si variée que toute définition d’ensemble est impossible et dont la moins belle n’est certes pas d’assurer la protection des incapables et des personnes sans défense ».

N’en déplaise à ceux qui prétendent qu’un magistrat du parquet ‘‘ ne fait pas du droit’’, sa compétence s’exerce dans des domaines de plus en plus divers, de plus en plus complexes l’obligeant à acquérir des connaissances juridiques électriques, la maitrise d’un chef d’entreprise, le dynamisme d’un organisateur, le tact du psychologue et la finesse du moraliste. Il est aussi de notoriété qu’un magistrat du parquet est un homme bousculé par la multiplicité et l’énormité de ses taches.

A suivre

Entretien réalisé par Daouda Yansané

664 44 23 43/655 12 95 20