Après l’historique et la définition du ministère public, le substitut du procureur de Dixinn, Mohamed Lamine Diawara, a accepté de nous expliquer aussi le statut du magistrat du parquet. Dans cette partie, il nous parlé de la subordination hiérarchique et l’indépendance, l’irrecevabilité, l’indivisibilité et  l’irresponsabilité des magistrats du parquet.

Selon ce magistrat, la question du statut du des magistrats du parquet est entièrement délicate et suscite des débats animées.  Les réflexions sur le statut du parquet sont en réalité inséparables du débat  plus vaste sur la reforme de la justice pénale et la relation de la justice avec le pouvoir exécutif car il est remarquer  que l’indépendance de la justice est un idéal que toute l’humanité cherche à atteindre mais comment.

Magistrat à part entière, les membres du ministère public appartiennent au même corps que les juges du siège. Ils sont recrutés selon les mêmes modalités, formés au sein de la même école et prêtent le même serment : « Je jure de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder religieusement le secret des délibérations et de conduire en tout comme un digne et loyal magistrat »

Les magistrats du parquet font partie au même titre que ceux du siège, de l’autorité judiciaire. En tant que magistrat du parquet ils sont toutefois des « agents du pouvoir exécutif » et sont soumis au principe de la subordination hiérarchique. Les règles de nomination et le régime disciplinaire des magistrats du parquet ne leur garantissent en effet, la même indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif.

Tout magistrat du ministère public est soumis au statut particulier de la magistrature. Il appartient à la juridiction au près de laquelle il est nommé même si ses missions ne le conduisent qu’à l’exercice  de certaines taches précises.

Comme tout magistrat il est soumis à l’obligation de réserve et à l’interdiction du droit à la grève. Son statut reste cependant différent de celui du juge. Il ne bénéficie pas de garantie d’inamovibilité, même s’il convient de remarquer que cette différence essentielle à peu d’incidence dans la pratique quotidienne, les déplacements se faisant jusque là par des décrets concernant tous les magistrats.

Autorité de poursuite, il lui appartient en particulier de déclencher des poursuites à l’encontre des personnes qui ont commis une infraction. Il est représenté auprès de chaque juridiction répressive. Ce sont  les magistrats du parquet qui le représentent sauf exception comme pour les tribunaux militaires où ce rôle incombe à des militaires.

Comme critère de distinction du magistrat il y a lieu de retenir :

La subordination hiérarchique et l’indépendance

Exception faite du parquet général de la cour suprême, qui trouve une place à part le ministère public, constitue en Guinée une pyramide  hiérarchisée sous l’autorité du ministre d’Etat, ministre de la justice, garde des sceaux.

Auprès de chaque tribunal de première instance, le procureur de la république dirige un parquet composé d’un ou de plusieurs substituts  qui lui sont hiérarchiquement soumis. Il organise son parquet comme bon lui semble, répartissant les taches et services entre ses substituts. Lui-même agit sous le contrôle  et la direction du procureur général (auquel les avocats généraux et substituts  généraux sont soumis) qui travaille directement sous l’autorité du garde des sceaux.

Si l’autorité du garde des sceaux est affirmée sur l’ensemble des magistrats du parquet, il faut noter deux éléments modérateurs :

Dans les affaires individuelles, le ministre de la justice ne peut donner des instructions qu’aux procureurs généraux, à charge pour ces derniers de les répercuter si nécessaire  sur le procureur de la république cerné. L’article 37 du code de procédure pénale stipule ainsi que « le ministre de la justice peut dénoncer au procureur général les infractions à la loi pénale dont-il a connaissance, lui enjoindre par instructions écrites versées au dossier  de la procédure, d’engager ou de faire engager des poursuites, ou de saisir la juridiction compétente de telles réquisitions écrites que le le ministre juge opportunes ».

Le principe posé est donc celui des instructions écrites et versées au dossier, données au procureur de la république et ne pouvant tendre qu’à la poursuite d’une infraction et non à un classement sans suite.

L’effet obligatoire des instructions, quoique renforcée par la loyauté indispensable au bon fonctionnement de la pyramide, se heurtent à deux limites.  Chacun des procureurs dispose d’un pouvoir qui lui est propre et par exemple un procureur général ne pas agir en lieu et place d’un procureur de la République du ressort de la cour d’appel.

Si l’obligation de prendre « toutes réquisitions écrites jugées opportunes » existe, un adage hérité persiste à régenter l’action des parquetiers selon lequel « Si la plume est serve, la parole est libre », cet adage est aujourd’hui consacré par l’article 39 du code de procédure pénale.

Même si le lien hiérarchique  trouve quelques limites, ce n’est pas là qu’il faut rechercher l’indépendance  du parquet. Celle-ci n’existe pas à l’égard de la hiérarchie.

L’indépendance du magistrat du parquet est différente du magistrat  du siège. Dans l’exercice de ses fonctions, il ne dépend en fait ni du juge, ni du justiciable.

A l’égard du juge : il est acquis que ce dernier ne peut s’immiscer  dans l’action du parquet, ni lui donner une quelque instruction. La liberté des réquisitions écrites ou orales, l’orientation de la politique  pénale par le seul procureur de la république sont les éléments les plus visibles de cette indépendance.

A l’égard du justiciable : l’indépendance d’action du procureur de la république est le corolaire  du principe de l’opportunité des poursuites. Le chef du parquet ou les substituts ne sont jamais tenus de donner suite à une plainte. La plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction à la suite de laquelle, sauf réquisitions de non informer liées à l’absence d’infraction ou de possibilité de poursuite, le procureur de la République est tenu de requérir l’ouverture d’une information judiciaire.

Il y a des cas où  la poursuite  par le ministère public est subordonnée à une plainte ou un avis.

2- L’irrécusabilité

Subordonné hiérarchiquement et indivisible, le magistrat tenant le siège du ministère public à l’audience ne doit représenter que les intérêts de la société qu’il défend. Le récuser reviendrait à récuser l’ensemble du parquet et donc la société.

Il existe tout de même une hypothèse de récusation prévue lorsque le ministère public est partie jointe dans les affaires civiles. A la différence des magistrats du siège, pour lesquels  des causes de récusations sont prévues rien n’interdit donc, en principe à un magistrat du parquet de requérir dans une affaire  traitant d’un domaine dans lequel ses convictions  sont fortes, voire engagées ou dans lequel un membre de sa famille est partie. Si ce fonctionnement a pu être qualifié de contestable par certains, ce n’est qu’au regard de la liberté totale de parole par ailleurs reconnue au magistrat du parquet, qui peut lui permettre sans aucun reproche juridique ne soit recevable, de faire valoir ses convictions personnels.

Il faut cependant mettre en avant des pratiques de plus en plus rependues qui conduisent les parquetiers à s’autocensurer et à se déporter dans les affaires les concernant pour peu que les effectifs et le fonctionnement du service le permettent.

3- L’indivisibilité 

C’est sans aucun doute  l’élément le plus le caractéristique du ministère public et la réaffirmation quotidienne de ce que le travail qui se fait à ce niveau est toujours  un travail d’équipe. Il en résulte que le substitut n’a pas besoin d’attendre de la délégation  de son supérieur pour  agir et que chacun  de ses actes engage l’ensemble  du parquet. De la même manière, la personne du parquetier importe peu, pourvu que le ministère public soit toujours représenté et aucune décision judiciaire ne saurait entachée d’irrégularité au motif qu’un remplacement entre deux membres du parquet s’est opéré à l’audience au cours de l’évocation d’une même affaire.

Source d’efficacité et de rapidité, cette caractéristique conduit à ce que chacun assure les actes des autres membres de l’institution. Il va cependant de soi que les erreurs de l’un des membres du parquet  s’assurent collectivement, ce qui n’est pas toujours le plus aisé.  C’est aucun doute, le principe d’action qui exige le plus de vigilance de la part d’un chef  de parquet, mais aussi de tous les collaborateurs. Une grande clarté dans la définition de la politique pénale et des moyens de communication en interne sans cesse optimisés est nécessaire.

4-l’irresponsabilité

Ce vocable certes particulier n’a pas manqué d’alimenter les débats sur le statut du magistrat notamment lorsque celui-ci appartient au ministère  public. Il ne signifie cependant pas, bien évidemment, que chacun peut agir comme un irresponsable. Cette garantie découle seulement de l’indépendance expliquée ci-avant. Il ne s’agit en réalité que de garantir  au « décideur » de la poursuite que sa responsabilité ne sera pas mise en cause, même si la citation directe est suivie d’une relaxe ou si son réquisitoire introductif abouti plus tard à une ordonnance de non lieu. Il est simplement affirmé par le biais de la décision du parquet prise dans le respect de la loi et des libertés individuelles n’est pas un pré-jugement mais uniquement l’estimation du caractère « suffisant » des charges qui pèsent sur une personne laquelle continue de bénéficier de la présomption d’innocence jusqu’à éventuelle condamnation définitive.

De la même manière, il ne saurait  être fait grief au substitut d’audience d’avoir dit sa conviction de la culpabilité  d’un prévenu même si une relaxe s’ensuit.

Il convient aussi de rappeler que cette garantie n’englobe pas les fautes délictuelles ou disciplinaires éventuellement commises par le magistrat du parquet. Ce statut particulier best une garantie pour la société  ainsi représentée et pour tous les justiciables. Il protège aussi légitiment l’action du magistrat. Il est en tout état de cause destiné à garantir que les attributions spécifiques du parquet seront mises au service du bien commun.

A suivre.

Entretien réalisé par Daouda Yansané, spécialiste des juridiques et judiciaires

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