Dans l’optique de rendre une bonne et saine justice, le législateur guinéen a prévu dans chaque situation de la chaîne pénale, des mesures qu’il faut appliquer.

L’un des reporters de votre quotidien en ligne a rencontré le magistrat Mohamed Lamine Diawara, substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de Dixinn, qui a accepté de nous parler du traitement des suspects dans le nouveau code pénal et code de procédure pénale guinéen.

Selon ce magistrat du parquet, tout au commencement de la chaîne pénale, le suspect désigne une personne soupçonnée d’avoir participé ou tenté de participer à la commission d’une infraction et n’est pas encore poursuivi. Parler donc de traitement des suspects, c’est à vrai dire poser le problème de cette question épineuse de la gestion de la garde-à-vue.

D’après lui, la grade-à-vue est une mesure de contrainte par laquelle un officier de police judiciaire retient dans les locaux de la police ou de la gendarmerie d’office ou sur instruction du procureur  de la République pendant une durée légalement déterminée et sous le contrôle de l’autorité judiciaire, toute personne à l’encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner  qu’elle  a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement.  La durée de la garde-à-vue dépend de la nature  de l’infraction et ne doit excéder 48 heures sauf prolongation autorisée par le procureur de la République sur demande de l’officier de police judiciaire.

Au terme de l’article 82 du code de procédure pénale, le suspect  ne peut être entendu librement sur les faits qu’après avoir été informé ;

  • De la qualification de la date et du lieu présumé de l’infraction qu’il est soupçonné d’avoir commis ou tenté de commettre.
  • Du droit de quitter à tout moment les locaux où il est entendu.
  • Le cas échéant, du droit d’être assisté par un interprète
  • Du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.
  • Si l’infraction pour laquelle le suspect est entendu est un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement, du droit d’être assisté au cours de son audition ou de sa confrontation par un avocat choisi par lui ou à sa demande désigné d’office par le bâtonnier de l’ordre des
  • De la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement de conseils juridiques dans une structure d’accès au droit, mention de toutes ces infractions données au suspect doit être faite au procès- verbal.

A défaut de raisons plausibles de soupçon, le suspect est entendu sans mesure de contrainte. Cette mesure doit constituer l’unique moyen de parvenir à l’un au moins des objectifs suivants :

  • Permettre l’exécution des investigations impliquant la présence ou la participation du suspect.
  • Garantir la présentation du suspect devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l’enquête.
  • Empêcher que le suspect ne modifie les preuves ou indices matériels
  • Empêcher que le suspect ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leurs familles ou leurs proches
  • Empêcher que le suspect ne se concerte avec d’autres personnes susceptibles d’être ses coauteurs ou complices
  • Garantir la mise en œuvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou délit.

La garde-à-vue s’exécute sous le contrôle du procureur de la République. Il apprécie si le maintien de la personne en garde-à-vue et le cas échéant, la prolongation de cette mesure sont nécessaires à l’enquête et proportionnées à la gravité des faits que la personne est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre.

Le procureur de la République assure la sauvegarde des droits reconnus par la loi à la personne gardée à vue. Il peut ordonner à tout moment que la personne gardée à vue soit présentée à lui ou remise en liberté (Art 86 du C.P.P)(Art 87) seul un officier de police judiciaire peut d’office ou sur instruction du procureur de la république, placer une personne en garde-à-vue.

Dès le début de la mesure, l’officier de police judiciaire informe le Procureur de la République par tout moyen du placement de la personne en garde-à-vue. Il  lui donne connaissance des motifs justifiant ce placement et l’avise de la qualification des faits. Le Procureur de la République peut modifier cette qualification, dans ce cas la nouvelle qualification est notifiée au suspect (art 90).

La durée de la garde-à-vue ne peut excéder 48 heures. Toutefois, elle peut être prolongée pour un nouveau délai de 24 heures au plus sur autorisation écrite et motivée du Procureur de la République.

Les officiers de police judiciaire sont astreints à la tenue d’un registre de garde-à-vue noté et paraphé au parquet. Ce registre est présenté à toutes réquisitions des magistrats chargés  du contrôle de la mesure (art 88). L’officier de police judiciaire doit mentionner sur le procès verbal l’audition de toute personne gardée à vue, le jour et l’heure à partir desquels elle a été gardée à vue ainsi que le jour et l’heure à partir desquels elle a été soit libérée, soit déférée devant le magistrat compétent.

Pendant les premières 48heures de la garde-à-vue, le Procureur de la République peut d’initiative ou même à la requête d’un membre de la famille du suspect, désigner un médecin qui examinera ce dernier à n’importe quel moment  des délais de  la garde-à-vue.

Après 48heures, l’examen médical sera de droit si la personne retenue le demande. Le certificat médical sera joint  au procès verbal dressé (Art 89). Si pour les nécessités de l’enquête l’OPJ est amené à garder à sa disposition un ou plusieurs suspects, il ne peut les retenir plus de 48heures.

Le Procureur de la République peut accorder prolongation d’un nouveau délai de 48heures à l’issue duquel les personnes ainsi retenues devront être immédiatement  conduites devant lui.

Les délais sus-notés peuvent être doublés :

  • En ce qui concerne les crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation
  • Pour tous les crimes et délits en période d’état de siège, d’état d’urgence
  • Pour les infractions de trafic de drogue, blanchiment et financement du terrorisme.

Les trois causes de doublement ne se cumulent pas (Art 134)

La personne placée en garde-à-vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire ou sous le contrôle de celui-ci par un agent de police judiciaire dans une langue qu’elle comprend :

  • De son placement en garde-à-vue ainsi que de la durée de la mesure et de la ou des prolongations dont celle-ci peut
  • De la qualification, de la date et du lieu présumé de l’infraction qu’elle est soupçonnée d’avoir commis ou tenté de commettre ainsi que les motifs justifiant son placement (Art 85)
  • Du fait qu’elle bénéficie :
  • Du droit de faire prévenir un proche et son employeur ainsi que, si elle est de nationalité étrangère, les autorités consulaires de son pays d’origine (Art 91) ;
  • Du droit d’être examiné par un médecin (Art 92 ;
  • Du droit d’être assisté par un avocat (Art 93 à 97) s’il y a lieu d’interprète
  • Du droit de consulter les procès-verbaux, certificat médical ou autres documents la concernant (Art 95)
  • Du droit de présenter des observations au Procureur de la République tendant à mettre fin à la garde-à-vue lorsque ce magistrat se prononce  sur l’éventuelle prolongation.

Ces observations peuvent être consignées dans un procès verbal à communiquer au Procureur de la République  avant qu’il ne se prononce sur la prolongation.

  • Du droit, lors des auditions, après avoir déchiffré son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire.

Si le suspect est sourd et qu’il ne sait ni lire, ni écrire, il doit être assisté d’un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maitrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec lui. Il peut également être reconnu à tout dispositif technique permettant de communiquer avec le suspect atteint de surdité (Art 90)

Si l’OPJ estime, en raison des enquêtes, ne pas faire droit à une demande, il en réfère sans délai au Procureur de la République qui décide s’il y a lieu d’y faire droit (Art 91)

Dès le début de la garde-à-vue, le suspect peut demander à être assisté par un avocat de son choix ou commis d’office par le bâtonnier. Cette désignation doit être confirmée par le suspect (Art 93)

A sa demande, l’avocat peut consulter les procès-verbaux et autres pièces et prendre des notes non des copies (Art 95). L’avocat peut communiquer avec le suspect dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien. La durée de cet entretien ne peut excéder 60 minutes (Art 94).

Le suspect peut demander que l’avocat assiste à son audition et confrontations. Dans ce cas, sauf pour l’identification, la première audition ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office (Art 96).

A titre exceptionnel, sur demande de l’OPJ, le procureur de la République peut autoriser  par décision écrite et motivée, le report  de la présence de l’avocat lors des auditions ou confrontations (Art 96).

L’audition ou la confrontation est menée sous la direction de l’OPJ ou de l’agent de la police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s’il y a lieu le bâtonnier aux fins de désignation d’un autre avocat. A l’issue de chaque audition ou confrontation à laquelle il assiste, l’avocat peut poser des questions. L’OPJ ou l’Agent de police judiciaire ne peut s’opposer à ces questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête. Mention de ce refus est portée au procès-verbal. A l’issue de chaque entretien avec le suspect et de chaque audition ou confrontation auxquels il a assisté, l’avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées. Ces observations sont jointes à la procédure. L’avocat peut adresser ces observations ou copies de celle-ci au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue (Art 97).

Sans préjudice à l’exercice des droits de la défense, l’avocat ne peut faire état auprès de quiconque pendant la durée de la garde-à-vue des entretiens avec la personne qu’il assiste ni des informations qu’il a recueillies en consultant les procès-verbaux et en assistant  aux auditions et  aux confrontations  (Art 98).

Si la victime est confrontée avec un suspect, elle peut demander à être également assistée par un avocat choisi par elle ou son représentant si elle est mineure ou à sa demande, désigné par le bâtonnier. La victime est informée de ce droit avant qu’il ne soit procédé à la confrontation (Art 99)

La garde-à-vue doit s’exécuter dans des conditions assurant le respect de la dignité de la personne (Art 100). Le suspect dispose au cours, des objets dont le port ou la détention sont nécessaires au respect de sa dignité (Art 101 alinéa 2)

Les fouilles intégrales du suspect doivent être faites dans un espace fermé par une personne de même sexe  que le suspect (Art 102). La fouille intégrale intervient à défaut de réalisation  de fouille par palpation ou d’utilisation de détection électronique (Art 102).

Les investigations corporelles internes sur la personne du suspect ne peuvent être réalisées que par un médecin requis à cet effet (Art 102). Le Procureur de la République qui dirige les enquêtes et celui du lieu où la garde-à-vue  est exécutée  sont compétents pour contrôler et prolonger la garde-à-vue (Art 104)

L’officier de police judiciaire établit un procès-verbal mentionnant :

  • Les motifs justifiant le placement en garde-à-vue.
  • La durée des auditions du suspect et des repos qui ont séparé ces  auditions, les heures  auxquelles  le suspect a pu  s’alimenter, le jour et l’heure à partir desquels  il a été soit libéré, soit déféré devant le magistrat compétent.
  • Le cas échéant, les auditions du suspect effectuées dans une  autre procédure pendant la durée de la garde-à-vue.
  • Les informations données et les demandes faites et les suites  qui leur ont été données.
  • S’il a été procédé à une fouille intégrale ou à des investigations corporelles internes.

Ces mentions doivent être spécialement émargées par le suspect. En cas de refus, il en est fait mention (Art 105).

Les auditions des suspects dans les locaux d’un service ou d’une unité de police  ou de gendarmerie, exerçant une mission de police judiciaire peuvent faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel qui ne peut être consulté  qu’en cas  de contestation avec  le contenu du procès-verbal et sur demande du ministère public (Art 109).

Lorsque des abus  constatés de la part des OPJ dans l’application de la garde-à-vue le procureur de la République en informe le procureur Général qui saisit la chambre de l’instruction pour annulation des actes posés alors que les droits du mis en cause avaient été violés. Cette juridiction peut prononcer en même temps le retrait temporaire de l’habilitation à l’auteur des abus. Le procureur général peut procéder au retrait définitif de l’habilitation. Si l’OPJ a commis une infraction, lI tombera sous les coups des articles relatifs aux infractions commises par tel fonctionnaire.

Entretien réalisé par Daouda Yansané, spécialiste des questions juridiques et judiciaires

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