Le débat ethnique est plein dans le pays du président Alpha Condé. Tantôt, c’est le tour de telle ethnie d’occuper la présidence de la République, telle ethnie qui doit occuper la primature, telle ethnie ne doit pas être imam dans un milieu Sosso ou Peul, telle ethnie qui doit être maire ou président de CRD dans telle ou telle localité. Excusez du peu, la liste des interdits à l’endroit des ethnies, selon que l’endroit du pays où l’on se trouve est longue.
Les exemples font légion aussi bien dans la capitale Conakry que dans le pays profond. Les villes de Kindia et de Dubreka sont des exemples qui polarisent l’attention.
Dans la première ville, un élu du nom de Amadou Bah et appartenant au parti politique UFDG est accusé de proférer des injures à l’endroit de la notabilité de la cité des agrumes. Conséquence directe de ce crime de « lest majesté », c’est la réaction virulente de l’imam Ratib qui aurait déclaré que cet élu de l’UFDG ne sera pas maire dans la cité sous prétexte qu’il « serait étranger ».
El Mamoudou Camara puisqu’il s’agit de lui est traité de tous les petits noms d’oiseau par les partisans de l’UFDG sur les réseaux sociaux, dans les radios privées et autres débats à caractère ethnique.
Le principal parti d’opposition, l’UFDG est sorti de son gong pour déclarer haut et fort que la Guinée n’appartient pas à une ethnie ou une région. Ce n’est pas tout car une plainte serait même portée contre le religieux au tribunal de Kindia. Soit.
Dans la préfecture de Dubréka, la désignation du chef de quartier de Toumaniah pour être à la tête du conseil communal est loin de faire l’unanimité. Des jeunes en colère ont manifesté depuis le rond-point de Km5 jusqu’au centre-ville de Dubréka pour désapprouver le choix porté sur la personne de El Mamy Sény Bangoura, chef de quartier de Toumaniah qui figure sur la liste du RPG. Justement, c’est le parti présidentiel qui a remporté les élections communales à Dubréka.
Ce n’est pas tout car les jeunes en colère ont aussi barricadé le portail de la mairie pour empêcher que les élus n’entrent.
Ce mercredi, le chef coutumier de la ville ou le Sotikèmo, El Momo Damba rencontre les jeunes pour aplanir le différend.
A la lumière de ce qui précède, tout porte à croire que la Guinée n’est pas loin de la guerre ethnique avec le débat qui s’éternise.
Le sermon tenu mardi par l’imam Ratib de la grande mosquée Fayçal de Conakry lors de la fête de l’Aid El Kébir illustre parfaitement cette situation et l’état d’âme des guinéens.

A propos, l’analyse du Bâtonnier de l’ordre des avocats de Guinée, Me Mohamed Traoré reste d’actualité. Lisez plutôt.
En Guinée, le règlement du contentieux électoral relève de la compétence des juridictions, les Tribunaux de Première Instance pour les élections locales et la Cour constitutionnelle pour les élections nationales.
Le dernier accord politique entre les deux grandes formations politiques du pays auxquelles il faut ajouter désormais l’UFR pose un véritable problème quant à la valeur des décisions rendues par ces juridictions et le crédit qu’il faut leur donner. En tout cas, cet accord sonne comme une sorte de désaveu pour la Justice. Lorsque le principal parti de l’opposition guinéenne affirme par la voix de certains de ses responsables et militants que le « voleur » a reconnu le vol qu’il a perpétré alors que la justice avait quasiment entériné les résultats qui sont justement à la base de cette crise, il y a lieu de s’inquiéter. La finalité d’une décision de justice est de mettre fin à un litige. Mais si une décision de justice crée plus de conflits qu’elle en n’en résout, c’est l’équilibre de la société qui est en danger. Les décisions judiciaires rendues sur le contentieux des communales devraient permettre à la Guinée de tourner la page des contestations nées de ces élections. Mais force est de reconnaître qu’elles n’ont pas apporté de solutions. Qu’adviendrait-il quand les Guinéens seront face à des élections à enjeu plus important? La question se pose plus que jamais aujourd’hui

Ousmane Cissé