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Dans un entretien accordé au Reporter de votre quotidien en ligne, Mohamed Diawara, juge d’instruction au tribunal de première instance de Kaloum s’est exprimé sur la particularité d’un magistrat par rapport aux autres fonctionnaires. Il a également évoqué l’erreur judiciaire, l’interférence du pouvoir exécutif dans une affaire judiciaire et autres aspects.

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Affiches Guinéennes: Bonjour Monsieur DIAWARA.

Monsieur DIAWARA : Bonjour Monsieur YANSANE.

Affiches Guinéennes: Bien qu’ayant à date un statut particulier, on ne cesse de confondre les magistrats aux fonctionnaires. Pouvez-vous nous relater la spécificité de votre profession?

Monsieur DIAWARA : Nous sommes des agents publics rémunérés par l’État au même titre que les fonctionnaires. Mais nous disposons d’un statut distinct de celui des fonctionnaires. Cette particularité permet la protection des missions spécifiques qui nous sont confiées.

Le statut des fonctionnaires est régi par la loi N° L/2001/028/AN du 31 décembre 2001 portant statut général des fonctionnaires tandis que celui des magistrats est fixé par la loi organique N° L/2013/054/CNT du 17 mai 2013 portant statut des magistrats. Sur ce point, je dois préciser que conformément à l’article 3 de la loi 028, le statut général des fonctionnaires s’applique aux magistrats sauf  pour les dispositions contraires au statut particulier de la magistrature.

Notre statut s’appuie essentiellement sur des principes constitutionnels et des exigences visant à garantir la compétence, l’indépendance, l’impartialité, l’intégrité, la neutralité des membres du corps judiciaire.

Nous avons  à ce titre le devoir de probité, de loyauté, de respect de la loi et de la protection de la dignité et des libertés individuelles.

Sous la pression de l’opinion publique et de quelques témoignages plus que douteux, le juge est par erreur, capable de condamner ceux que l’opinion publique croit coupables d’une infraction alors qu’ils sont en réalité innocents. Quel est votre point de vue sur ce point ?

Monsieur DIAWARA : Oui ! Tout à fait. C’est pour cette raison que notre métier demande une grande compétence. Une bonne dose d’indépendance et de courage dans la prise des décisions.

Voulez-vous faire cas aux erreurs judiciaires ? C’est bon de préciser. Ecoutez, nous rencontrons des erreurs judiciaires dans toutes les juridictions du monde.

J’avoue que nous exerçons un métier à haute responsabilité qui requiert l’éthique : l’écoute et l’analyse minutieuse. C’est pourquoi, conscients de la gravité de nos décisions et du danger qu’elles présentent en cas d’erreur, nous avons le devoir d’écouter attentivement les parties au procès ainsi que solliciter les avis des experts dans tous les domaines qui échappent à notre connaissance.

Vous conviendrez avec moi que bien étant jeune et moins expérimenté, il faut l’avouer de même que l’homme le plus honnête ou le plus sage peut être victime de la justice. De même, l’homme le plus malhonnête ou le plus meurtrier peut être déclaré non coupable par la justice. Cette situation peut sans nul doute exister. D’où l’erreur judiciaire, « le pire des crimes » selon Roland Agret, Fondateur d’action justice. Une association visant à aider les personnes condamnées ayant subi des dysfonctionnements judiciaires.

Après avoir apporté ces précisions au public sur l’erreur judiciaire, dites-nous Monsieur DIAWARA quelle solution a été préconisée par les professionnels du droit et/ou de la justice pour amenuiser ce genre de problème dans les Cours et Tribunaux?

Monsieur DIAWARA : Pour bon nombre de personnes, l’erreur judiciaire est la condamnation d’un innocent. Or cette interprétation est trop étroite. Car l’erreur judiciaire, c’est également la relaxe ou l’acquittement d’une personne coupable.

Il peut arriver que des erreurs judiciaires soient commises par une juridiction. Car le juge suit toujours un raisonnement cohérent. Mais rend des décisions erronées à partir du moment où il s’est appuyé sur des bases fausses.

Dans la gestion d’une procédure judiciaire, il arrive très souvent que le juge entende des non-professionnels, notamment l’inculpé, la partie civile, les témoins. Et des professionnels, notamment les experts et enquêteurs.

Partant de l’expérience, il est évident que tous consciemment ou inconsciemment, trompent la justice. Pour faire face à ce genre de problème, chaque juridiction doit faire en sorte qu’elle ait une bonne administration  de  justice en son sein.

J’avoue que la justice est faite par les hommes et pour les hommes. Donc elle peut se tromper à partir du moment où l’erreur est de la nature de l’homme. Mais nous devons travailler hardiment, consciencieusement, professionnellement pour éviter les erreurs judiciaires.

Permettez-moi de rappeler que l’erreur  commise par la justice est plus souvent une erreur de fait qu’une erreur de droit.

Soyez persuadés d’une chose, si intègres que nous soyons. Si expérimentés qu’on nous suppose. Nous pouvons nous tromper dans l’interprétation des faits qui nous sont soumis. C’est pourquoi, la plupart des systèmes, qu’ils soient romano-germaniques ou anglo-saxons,  sont dotés des mécanismes correctifs appelés voies de recours.

L’erreur d’un juge peut être reconnue et réparée au moyen des voies de recours dont dispose le justiciable.

Encore une fois, que cela n’échappe à aucun justiciable, toute personne a le droit de contester une décision de justice qui la concerne. Autrement dit, toute personne insatisfaite d’une décision de justice rendue, peut demander le réexamen de l’affaire en exerçant la voie de recours y afférente. Ainsi, si une décision est rendue à Dabola et qu’une partie n’est pas d’accord, elle peut saisir la Cour d’Appel de Kankan pour que son affaire soit revue en sa faveur ou contre elle selon la décision des juges d’appel.

Comment qualifier pénalement l’interférence autoritaire du pouvoir exécutif qui aboutirait à l’annulation ou à la modification des décisions de justice ?

Monsieur DIAWARA : Ecoutez, dès que le pouvoir exécutif  s’immisce dans une procédure judiciaire à l’effet d’annuler ou de modifier la portée des décisions de justice, nous nous retrouvons sans nul doute face à une forme de déni de justice également appelé dans d’autres pays du monde, déni de droit.

Ecoutez, le déni de justice ou déni de droit, n’est pas seulement le refus par une juridiction de statuer sur une affaire qui lui est soumise ou son refus de juger une affaire, alors qu’elle est habilitée à le faire ou encore par extension, le retard excessif  mis par des juges à statuer.

Au sens politique du terme, il désigne l’interférence autoritaire du pouvoir exécutif pour annuler ou modifier la portée des décisions de justice.

Les juges sous influence, une telle situation existe-elle toujours dans ce monde du troisième millénaire?

Monsieur DIAWARA : Soyez un journaliste d’investigation. Veuillez m’excuser si je vous blesse.  Il ne m’appartient pas de vous apprendre ce que nous vivons en Afrique ou ailleurs. Vous êtes mieux placés pour nous informer sur ce point (rires…).

Je l’ai toujours dit. Encore une fois, je le réitère. Dans l’exercice de nos fonctions, nous ne devons pas du tout nous laisser influencer par qui que ce soit. J’insiste et je persiste à nouveau, nous ne sommes soumis qu’à la seule autorité de la loi. « En tant que gardiens des droits et libertés des citoyens, nous ne devons céder à aucune pression, aucune influence d’où qu’elle vienne », disait l’éminent magistrat Sénégalais KEBA M’BAYE, s’adressant aux juges.

J’avoue qu’hors les cas prévus par la loi et sous réserve de l’exercice du pouvoir disciplinaire, nous ne pouvons être poursuivis ou inquiétés en aucune manière, en raison des actes que nous accomplissons dans l’exercice de nos fonctions ou à l’occasion de cet exercice.

Aucun compte ne peut nous être demandé au sujet des décisions  que nous rendons  ou auxquelles nous participons. Ni aucune instruction ne peut nous être donnée pour le règlement des affaires qui nous sont soumises. Il revient à chaque magistrat de préserver sans cesse la dignité et l’honneur de notre profession. Donc, il est normal que nous nous armions du courage et de détermination. Sinon, nous disparaitrons, non pas en tant que magistrats, mais en tant que pouvoir judiciaire.

Après avoir parlé brièvement de l’agent public et de la corruption, veuillez nous dresser Monsieur DIAWARA, le portrait-robot de magistrat que vous souhaitez pour l’humanité ?

Monsieur DIAWARA : Je pense que le phénomène de corruption existe dans tous les secteurs et dans tous les pays du monde. C’est un fléau auquel il faut faire face avec rigueur, persévérance et responsabilité. J’avoue que ce phénomène est un acte contraire à l’éthique et à la déontologie de toutes les professions du monde. La commission d’une telle infraction par un agent public constitue une faute disciplinaire. A celle-ci, il faut ajouter des sanctions à caractère pénal.

La lutte contre la corruption et infractions assimilées, la mauvaise gouvernance et les crimes économiques  ne pouvant réussir sans le concours précieux des magistrats, je souhaite pour l’humanité des institutions judiciaires puissantes, animées par des magistrats intègres, impartiaux, dynamiques, audacieux et respectueux des normes juridiques.

Merci Monsieur DIAWARA

C’est à moi de vous remercier.

Entretien réalisé par

Daouda Yansané,

Spécialiste des questions

Juridiques et judiciaires

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