Le Comité de réconciliation nationale par la voix de sa présidente a bien voulu nous donner son point de vue par rapport à la situation socio- politique qui prévaut en ce moment dans notre pays, notamment sur la lenteur qui entoure la tenue des prochaines élections législatives. Pendant que les Guinéens réclament une réconciliation nationale, les tensions politiques croissent de jour en jour entre l’opposition et le pouvoir. Quel appel, le Comité de Réconciliation Nationale (CNR) lance-t-il aux acteurs politiques ?
Djamilah Nènèkhaly Condétto : Bonjour monsieur Condé, votre question me fait à présent sourire….Le peuple de Guinée n’a jamais été aussi opposé à lui-même qu’en période électorale. L’entente cordiale entre les individus et les différentes ethnies entre elles doit prévaloir sur devoir de vote. ..Nous avions eu peur c’est vrai il y’ a quelques mois, certains faits ayant été exagérés par les politiques à la veille des élections présidentielles pour tout simplement faire passer » le vote ethnique « . L’opposition a joué avec le feu en tentant d’avoir des voix, voulant jouant sur un semblant de division entre ethnies pour remporter tout simplement les élections. De tous temps, dans tous les pays démocratiques, il s’ensuit des débats contradictoires entre le pouvoir et l’opposition, ce qui est tout à fait normal pour qu’un pays ne verse pas dans la dictature comme ça avait été le cas en Guinée avec un unique parti-état. L’opposition et le pouvoir doivent absolument éviter de recourir à des discours à tendances ethniques négatives, car les conséquences en seront désastreuses dans une population à majorité analphabète. Nous le savons tous, le manque d’éducation, de civisme peut entraîner des situations de désastre. L’opposition et l’autorité doivent avoir avant tout en mémoire qu’ils sont les guides, les éducateurs de citoyens, que les mots d’ordre négatifs qu’ils lancent souvent sont interprétés de la même façon par la population. Le Guinéen est assez grand d’âme de par sa foi, sa culture pour ne pas se livrer à des actes regrettables. La tension connu avant et pendant la période électorale ne résulte que d’une certaine peur, méfiance de l’autre, car c’était bien là le slogan de nos politiciens ; » Vote pour ton ethnie, car si l’autre là prend le pouvoir, tu n’auras plus la parole «. Marrant, n’ est-ce pas, on s’est bien fait avoir ! , et cela évidemment continue toujours à cause d’élections pas terminées.
Quelques temps après sa prise de fonction à la tête de la Guinée, le président Alpha Condé a confié aux chefs religieux les travaux préparatoires de réconciliation nationale. A ce jour rien ne semble être fait sur le terrain. Votre réaction ?
Nous constatons que ce Comité n’est qu’une toute petite cellule (2 religieux) chargée de définir des orientations en vue de la création d’une institution permanente celle-là, pour la réconciliation nationale. Dès le lendemain de la mise en place dudit comité, mon ONG et moi avions tt de suite pris contact avec l’ un des co-présidents, nous nous sommes également déplacé auprès d’ eux dans l’espoir qu’ ensemble nous mènerons une étude en collaboration avec d’ autres associations et ONG, les sages, les personnes ressources de différentes communautés et de toutes les couches sociales pour des solutions à court, moyen et long terme. Nous avions eu des contacts prometteurs, mais malheureusement qui n’ont donné aucune suite. Il est plus qu’évident de livrer une campagne de paix, de dialogue, de tolérance etc. en anticipant sur des évènements malheureux à venir comme celui de Guéckédou. Le Comité de Réflexion pour la Réconciliation Nationale mis en place par le PRG, le ministère de la ligue des droits de l’homme ainsi que tous les autres acteurs directement concernés par la violation des droits doivent mettre en application un système d’apaisement des cœurs afin de calmer les ardeurs, les passions.
Peut-on facilement réconcilier les Guinéens quand on sait que l’ethnie est devenue un facteur de campagne électorale par les leaders politiques ?
Les Guinéens sont condamnés à s’entendre car nous avons tous généralement des parents d’origines ethniques différentes. L’ethnie est un facteur de campagne pour des leaders d’opposition qui ne voient par là que le seul moyen de faire pression sur leurs militants en faveur de leur élection. Quel message, quel projet développer à quelques citoyens démunis en manque d’instruction, cherchant leur pain à manger que celui de vouloir le monter contre son voisin. Allahou Akbar….heureusement que l’instruction n’est pas tout et qu’il reste encore un peu, (sinon plus) de bons sens chez les militants pour ne pas se laisser berner par des politiques assoiffées de pouvoir. Nous devons faire face et front contre les divisionnistes pour n’avoir qu’un seul but qui est celui du renforcement de la cohésion sociale visant au développement de la Guinée. Plus que jamais, la société civile, de par sa proximité avec les citoyens doit montrer sa neutralité en cette veille de campagne en posant des actions neutres car elle porte en elle les aspirations légitimes de ses mandants.
En Guinée, nombreux sont des citoyens qui se constituent en association de victimes de tel ou de tel évènement, d’un pouvoir à un autre. Pensez-vous qu’avec la création d’un ministère chargé des droits de l’Homme ces victimes pourront un jour connaître à travers un procès la vérité ?
Nous saluons ; mon Comité et moi la création du ministère de la ligue des droits de l’homme et des libertés publiques en espérant qu’il saura contenter les victimes dans leurs demandes sans occulter leurs revendications. Néanmoins, monsieur Condé, permettez-moi d’être pessimiste quant à son efficacité si il s’avère que ce département ne puisse jouir pleinement de son indépendance totale dans tout ce qu’elle voudra entreprendre pour les victimes et la défense des citoyens persécutés. Il est impérieux pour lui de trouver les voies et moyens pour des solutions satisfaisantes. Celui qui était à même de rétablir les victimes dans leurs droits était celui de Lansana Conté, pour les vexations, les crimes du 1er régime. Des plaintes en effet ont été introduites, il n’y a jamais eu de procès pour ne serait-ce qu’établir et rétablir certaines vérités pour les victimes et bien sûr les accusés.
Il y’a des Guinéens qui pensent que pour vous faire entendre en tant que CNR et participer activement au processus de réconciliation nationale , qu’il faut être au contact des citoyens dont la majorité vit sur le territoire national ?
Mon ONG a toujours été présente dans tout l’épisode des élections présidentielles en Guinée, avant, durant et après, à travers une campagne de paix visant à sensibiliser le public sur des valeurs morales. Nous continuerons encore à le faire pendant toutes les périodes électorales si bien évidemment nous parvenons à avoir comme les autres fois les moyens de nos ambitions comme cela avait été le cas il y’ a quelques mois. Pour cela, nous avions eu à l’époque le soutien de l’opinion et des autorités qui n’ont jamais lésé sur les moyens pour nous aider dans notre tâche, sachant l’impact de notre campagne dans un contexte houleux qu’est celle des élections.
Quelles propositions faites-vous pour une sortie de crise socio politique pouvant conduire le pays aux élections législatives sans affrontement entre les militants des différents partis politiques ?
A mon sens, il serait judicieux pour prévenir des conflits, du devoir des autorités de satisfaire aux exigences de l’opposition pour un certain nombre de points litigieux. Il serait anti-démocratique de ne pas tenir compte de leurs revendications, et anti-démocratique qu’un seul parti aille seul aux élections comme nous l’avions entendu, autant mieux alors tout annuler, ce qui dispenserait le pays de frais de campagne. L’ADP et l’alliance ayant prêté serment malgré leur recours introduit auprès de la Cour Suprême, l’autorité donnerait également une bonne leçon de compréhension en tendant une oreille à l’opposition afin d’éviter le pire pour la population. Alpha Condé étant le président de tous les Guinéens, militants de l’opposition confondus, il gagnerait en prenant en compte ce que veut une partie de son peuple se réclamant de l’opposition. Ils sont aussi des guinéens.
Propos recueillis par
Aly Badara Condé