Travaux publics : le Ministre Mohamed Traoré aux antipodes du changement prôné par son président (OPINION)
Au Ministère des Travaux publics, ça ne blague pas du tout. Un scandale de gros calibre empêche les routes de Guinée de changer d’habit. Vous savez pourquoi ? Une histoire de surfacturation pollue l’air au département.
Les principaux accusés : Elhadj Ousmane Bah, Mohamed Traoré et Benjamin Sandouno, respectivement ancien ministre d’Etat des travaux publics, ex-directeur du Fonds d’Entretien routier et directeur national de l’entretien routier. La chaîne est longue, nous dit-on. Lisez plutôt.
Scandale au Ministère de travaux publics : la Vérité du Fonds d’Entretien Routier (FER) ou de la poudre aux yeux des profanes ?
Depuis un certain temps, l’actualité est dominée par ce qu’il convient d’appeler « scandale financier ou encore de détournement avéré des fonds » entre le Ministère des Travaux publics et le Fonds d’ Entretien Routier.
Au vu des différents commentaires et interprétations diverses sur le sujet dans la presse et dans la rue, il devient nécessaire d’apporter des précisions pour éclairer la lanterne des uns et des autres sur le rôle des différents acteurs intervenant dans le processus de mise en œuvre des travaux d’Entretien routier avant de se prononcer sur les dossiers incriminés en question.
En effet, les différents acteurs intervenant dans le processus de mise en œuvre des travaux routiers en général sont :
L’Administration publique notamment le Ministère en charge de Travaux Publics, le Ministère de l’Economie et des finances à travers la Direction nationale des marchés publics) et l’Administration & contrôle des grands projets ;
les bailleurs de Fonds (BND, Partenaires techniques et financiers et autres Etablissements financiers comme le Fonds d’Entretien Routier etc.)
Bureaux d’Etudes et Missions de Contrôle
Entreprises contractantes.
Le Ministère en charge de Travaux Publics, selon les textes en vigueur, a pour mission, la conception, l’élaboration et la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière des travaux routiers et plus généralement des infrastructures de Transports terrestres. A ce titre, il assure la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre. Aussi, il assure la tutelle du Fonds d’Entretien routier (juge & partie). Au sein du même département, il y a une Direction nationale de l’Entretien Routier (DNER) qui s’occupe des activités de l’entretien routier.
Le Fonds d’Entretien Routier (FER) qui est un Etablissement Public à caractère Industriel et Commercial, placé sous la tutelle du Ministère de Travaux Publics, a pour mission d’encaisser et de gérer les fonds mis à sa disposions pour entretenir les routes. De ce fait, le Directeur général du Fonds est bel et bien l’Ordonnateur principal des Fonds.
Les bureaux d’Etudes, les missions de contrôle et les entreprises d’exécution des travaux proviennent du secteur privé et soumissionnent aux différents appels d’offres dans le cadre de réalisation des projets.
NB. Le Fonds d’Entretien routier étant un Etablissement public à caractère Industriel et Commercial est tenu à l’application des règles de la concurrence et des principes de la transparence. Les procédures de passation du marché sont celles du code de marché public.
La mise en œuvre des projets d’entretien routier fait intervenir les acteurs ci-dessus énumérés et passe par des étapes successives suivantes:
I- Processus de budgétisation :
1. L’élaboration du budget/Programme par les maîtres d’ouvrage en fonction des disponibilités financières au FER (Recettes annuelles prévisionnelles)
2. Consolidation du projet de budget par le FER qui sera soumis lors de la cession ordinaire du Conseil d’Administration pour adoption.
3. Elaboration du Plan de passation des marchés par les maîtres d’ouvrage
II- Passation des marchés
1. Suivant leur plan de passation des marchés préalablement approuvé par le FER, les maîtres d’Ouvrage préparent les dossiers d’appel d’offres qui sont soumis à l’approbation de la Direction nationale des Marchés Publics et au Fonds d’Entretien Routier.
2. Les appels d’offres sont ainsi lancés par les Maitres d’Ouvrage en vue de sélectionner les Entreprises, Bureaux d’études/Mission de contrôle.
3. Chaque contrat est signé conformément aux conclusions du rapport d’ouverture et d’analyse des offres de la Commission interministérielle de dépoilement par l’Entreprise, par le ou les représentant(s) du Maître d’Ouvrage et par le Directeur général du Fonds d’Entretien Routier.
III- Phase d’exécution des travaux :
Les Entreprises exécutent les travaux conforment aux clauses du contrat aux prescriptions techniques des cahiers de charges.
Les Bureaux d’études/Mission de contrôle étudient et/ou assurent le suivi et le contrôle rapproché des travaux.
Les Maîtres d’Ouvrage approuvent les décomptes et factures avant de les transmettre au FER pour paiement.
Le FER vérifie et paie les factures ou décomptes des travaux.
L’Ordonnateur a l’obligation de veiller non seulement sur l’application correcte des procédures de passation des marchés mais aussi de vérifier systématiquement tous les documents ou dossiers avant d’y apposer sa signature car il est le seul qui engage le FER vis-à-vis des tiers.
Dans le code de passation du marché public, il y a les dispositions d’actualisation des prix, d’avenant et de révision des prix :
L’actualisation des prix n’intervient souvent que lorsque le délai de validité des offres des soumissionnaires (90 ou 120 jours) expirent avant la signature des contrats. Cette clause d’actualisation est prévue dans le contrat initial avec la formule d’actualisation.
L’Avenant n’intervient que lorsqu’il y a variation de quantité des travaux pendant l’exécution desdits travaux. Cette variation de la masse des travaux est constatée et conclue par les parties prenantes à l’exécution du marché. Dans tous les cas, le cumul de ces avenants n’excèdera pas 30% du montant initial. Ce sont des modifications partielles du contrat initial et consignées dans un autre document joint.
La clause de révision des contrats intervient souvent dans les cas où les délais contractuels dépassent un an. Il doit être justifié par la fluctuation des prix des principaux matériaux ou intrants du projet.
En dehors des cas de figures ci-dessus, appliqués dans des conditions de transparence totale, nul n’a le droit d’apporter une quelconque modification à un contrat. A t-on le pouvoir d’agir autrement que d’appliquer les règles d’éthique et procédures claires de gestion de la chose publique ? Non ! Non ! Et Non ! C’est simplement de la poudre aux yeux des profanes. Pauvre de Guinée.
A la lumière de ce qui précède donc, il est aisé de comprendre que la gestion du denier public est régie par les lois, règles et procédures claires et précises de gestion et non par la seule volonté d’un individu ou d’un groupe d’individus de dilapider le fonds public.
A voir de près les documents incriminés, le déballage d’un haut cadre du département des TP, des agissements du Ministre actuel des TP, le fameux communiqué signé de l’intérimaire désigné à la tête du FER par Mohamed Traoré, il apparaît clairement que beaucoup d’intérêts sont en jeu. L’actuel Ministre des travaux publics est-il un passoir ou un entonnoir fabriqué de toutes pièces par certains gros bonnets du pouvoir actuel ? Rien n’est moins sûr. Vu la flagrance de ce dossier de scandale financier qui n’a pas besoin d’être audité, il faut juste trimbaler les auteurs devant la justice.
Comment comprendre qu’une personne de surcroit un gestionnaire du Fonds public, peut se permettre et à sa seule guise de modifier dans le noir le montant des contrats après un appel d’offres ouvert ? Et se targuer de démontrer par personnes ou presses interposées qu’il a fait gagner je ne sais quoi ? C’est pour dissimuler des milliards qu’il a empochés et qu’il veut continuer d’empocher ?
Le ridicule ne tue pas sinon comment l’acheteur peut demander au vendeur d’augmenter le prix de sa marchandise ? C’est de la magouille, du crime économique qui est sévèrement puni par la loi. C’est pourquoi il n’est étonnant de voir les fonctionnaires et gestionnaires des deniers publics devenus fortunés en Guinée.
Par ailleurs, être ingénieur dans un domaine ne fait pas de quelqu’un un homme intègre. Dans ce dossier de scandale, ça sent de la malhonnêteté couplée de l’incompétence
Qui ne se souvient pas de la tentative de détournement dans l’affaire de la contournante de Coyah ou encore dans celle des 13 milliards dont les auteurs ont été jugés et condamnés, certains jusqu’à 10 ans de prison ferme. Même s’il faut le signaler que d’autres personnalités haut perchées ont été malheureusement épargnées. La justice guinéenne est-elle devenue une justice à plusieurs vitesses avec marche arrière ? ça tout l’air.
En tout cas, les audits de gestions des anciens Premiers ministres et autres actes de récupération des patrimoines bâtis et non bâtis publics ne peuvent être crédibles que lorsque le pouvoir public se montre intransigeant et impartial à l’égard de tous les citoyens.
A cette allure, si le Président de la troisième République ne fait pas attention, le dernier espoir de changement sous sa magistrature volera en éclats. A bon entendeur salut.
Bangaly CAMARA
Technicien
Conakry, Guinée