La prévention durable des conflits nécessite un investissement réel et à long terme dans la culture de la paix. Cela suppose aussi la mise en place effective  des institutions fortes  formelles et informelles dédiées à la résolution non violente des conflits. 

C’est justement le combat que mène le Centre FECPA à travers son projet « Sous le Baobab avec les Femmes », sur financement de l’ambassade des Etats Unis en Guinée. Dans cet entretien que nous a accordé le premier imam de la grande mosquée de Conakry et co-président du comité de réflexion sur la Réconciliation nationale, on note l’importance de la présence des femmes dans le processus de Réconciliation. Il évoque clairement le rôle des femmes dan la Réconciliation nationale.

Centre FECPA : En tant que co-président du comité de réflexion sur la Réconciliation  nationale, que pensez-vous de la place des femmes dans la Réconciliation nationale ?

El hadj Mamadou Saliou Camara : La participation des femmes dans le processus de dialogue et de réconciliation nationale  permet de mieux comprendre les causes des conflits. Cela nous amène aussi à saisir les alternatives possibles. Elle renforce également les réponses aux besoins divers des populations et contribue au maintien durable de la paix. Même dans notre religion, les femmes ont contribué  à une prise de conscience ainsi qu’au développement  des nations. Les femmes ont joué un rôle majeur dans la religion, elles peuvent aussi le faire pour notre nation. Mon message s’adresse aux femmes en général et celles de la Guinée en particulier. Les femmes ont un grand rôle dans le processus de Réconciliation. Premièrement, les femmes doivent toujours parler dans l’oreille des hommes pour qu’ils évitent tout acte de violence. Si toutes les femmes sensibilisaient leur époux et enfants, nous les hommes nous comprenons mieux que quiconque.

Pensez vous que les hommes écoutent réellement les femmes ?

Oui, moi je pense que les hommes sont souvent à l’écoute des bons conseils de leurs femmes. Si vous prenez 100 hommes, vous verrez que les 80% de ces hommes comprennent les conseils des femmes. Donc, le premier rôle des femmes consiste à sensibiliser dans les foyers, les quartiers, les villes et autres. La violence n’a jamais construit un pays. Deuxièmement, Les femmes doivent être dans toutes les structures ayant trait à la réconciliation et au dialogue. Si des commissions nationales, préfectorales, sous préfectorales ou les districts  sont installées sans les femmes, nous pensons que cela serait une faute et n’aboutira qu’à l’échec. Les femmes ont beaucoup plus de souci pour la paix que nous les hommes.

Pourquoi selon vous les femmes se soucient plus de  la paix que les hommes ?

Quand il y a conflit dans un pays, elles sont les premières victimes et les enfants aussi. Un homme peut fuir en laissant son enfant, mais une femme n’ira pas sans son ou ses enfants. Dans l’histoire de l’islam, il y avait une cité appelée Sabaï. La cité de Sabaï est  entre le Golf et la  Syrie. Là-bas, c’est une femme qui était reine. A Sabaï, on adorait le soleil. Quand  Moulouk Souleymane a appris qu’ils adoraient le soleil, il leur a convoqué en leur disant d’être musulman. Ce jour, la reine a appelé ses combattants  et son gouvernement en leur faisant part de la décision de Moulouk Souleymane. Mais, les hommes ont décidé  de mourir les armes en main contre Moulouk Souleymane. La reine, elle a décidé autrement, elle a dit non au combat. Elle dira à ses hommes d’accepter de rencontrer Moulouk Souleymane pour qu’il avance des arguments pour justifier son envie de les convertir à l’Islam. Après la rencontre, la reine et ses hommes étaient pressés d’accepter la proposition de Moulouk Souleymane. A Sabaï, les hommes étaient prêts  à se battre et à mourir avec tout ce que cela engendrait comme perte pour leur ville. Mais la reine dame a prôné  le dialogue qui a fini par triompher. Il y a aussi des dirigeants qui décident souvent à faire du mal. Ce sont leurs  épouses qui les guident sur le droit chemin. C’est pourquoi, un chef doit être avec son épouse. Je n’ai jamais appris que pendant les violences, qu’un homme a été violé par une femme. C’est toujours un homme ou un groupe d’homme qui tue et viole la ou des femmes. Cela me pousse à dire que le rôle des femmes dans la réconciliation doit être de 70% et les hommes occuperont les 30%.

70%, n’est ce pas un pourcentage très ambitieux pour la participation des femmes dans ce processus ?

Oui, mais je pense qu’elles méritent cela parce qu’elles prônent la paix contrairement aux hommes. Les hommes sont à la base des violences. Très rarement, une femme appelle à la violence. La femme n’aime pas le conflit bien avant qu’il  n’éclate. Et si ce  conflit éclate, elle est la première anxieuse,  tant que le conflit est en cours. En Gise d’exemple. Tu es Condé, je suis Camara. Tout enfant que tu mettras au monde portera le nom de famille Condé. Moi aussi, c’est la même chose. Tous mes enfants sont Camara. Cependant, ta fille peut mettre au monde un enfant Millimono, Diallo, Soumah, Gomez ou Camara. Si mon fils épouse ta fille, l’enfant qu’ils auront sera Camara et non Condé. C’est pour te dire combien  les femmes sont indispensables dans les structures qui parlent de paix, de dialogue ou de Réconciliation. L’autre nuit, je regardais la télé, j’ai vu un groupe de femme qui parlait de dialogue. Quant j’ai apprécié, entre temps, j’ai vu une femme blanche aussi qui a parlé et on m’a dit que c’est son pays qui donne de l’argent pour faire des choses dans le sens de la paix en Guinée. Je me suis dit c’est bon et j’ai posé la question et la part de l’Etat ? Personne ne m’a répondu. J’ai compris que l’Etat n’a pas donné sa part.

Pensez-vous  que l’Etat s’implique pour la Réconciliation ?

Je pense plutôt que quand on te lave le dos, lave-toi le ventre. Que l’Etat donne des fonds aux femmes  pour qu’elles chantent la paix et non la politique des politiciens qui nous divise. Si c’est la paix, on refuse d’aider les femmes et si c’est la campagne électorale, on commande des habits pour elles. Mon frère, le jour qu’il ya trouble par leur  faute, ils mettent leur familles dans des vols spéciaux en direction des pays qui financent maintenant la paix chez nous. J’ai peur pour mon pays. Troisièmement, j’invite les femmes de Guinée à respecter la femme à travers elles mêmes. Si une femme ne s’habille pas correctement, elle ne peut être écoutée  par des gens. Que nos filles ne servent pas à animer les boites de nuit, qu’elles ne soient pas des moteurs à alimenter les folles ambiances bizarres et contrairement à leur religion. Si les femmes ne veuillent pas sur leurs comportements, c’est son enfant ou ses enfants qui perdront d’ici bas et ailleurs »           

 

                                                        Source:  Centre FECPA