Selon le bon vouloir du président Alpha Condé, Mohamed Saïd Fofana et Kassory Fofana ont tous deux des places dans le navire. Parce qu’ils lui seront, visiblement, tous deux utiles. Cependant, si pour le chef de l’Etat, l’attelage parait logique, il est possible qu’au niveau de l’opinion publique, le bénéfice escompté ne soit pas au rendez-vous.

Sans oublier, bien entendu, des grincements de dents au sein même de la famille présidentielle.
Conformément à ce que prévoyaient bien de confrères ce matin même, le président Alpha Condé, par un décret lu ce soir sur les ondes des médias, a nommé l’ancien ministre de l’économie et des finances et leader du parti Guinée Pour Tous (GPT) à la tête du tout nouveau Conseil présidentiel des investissements et des partenariats publics-privés (CPI PPP), une structure décidément taillée sur mesure pour Kassory Fofana.  
Mohamed Saïd Fofana, un PM des chrysanthèmes
Le leader de GPT n’atterrit donc pas à la primature, mais c’est tout comme. Parce qu’à priori il va dépouiller son cousin Mohamed Saïd Fofana de la substance de sa mission. A ce dernier, il ne reste plus que les chrysanthèmes. Il peut donc désormais se livrer à plein temps à son sport favori. Par ce que, sans nécessairement le crier sur tous les toits, le président Alpha Condé ne lui laisse plus que le volet politique de sa mission, en l’occurrence la campagne dans le pays profond.  Courtois et particulièrement rodé aux techniques pour aborder les sages, il peut être d’une certaine utilité dans la réconciliation entre le pouvoir et certaines entités électorales.
Kassory Fofana, comme Fodé Bangoura
Quant à Kassory Fofana, il peut enfin se féliciter de sa patience. Une première fois pressenti comme premier ministre au lendemain des élections législatives, il ne s’était pas offusqué de la feinte de dernière minute du président Alpha Condé. A présent, il récolte les fruits de cette façon très guinéenne de faire de la politique.
Pour avoir sagement attendu son tour, il hérite d’un Conseil créé exclusivement pour lui. Laissant à l’autre, la partie folklorique, il se chargera du volet le plus noble de la mission. En effet, le Conseil au sommet duquel il trône depuis ce soir « a pour mission de promouvoir le dialogue direct entre l’Etat, le secteur privé et la société civile, pour identifier et prévenir les obstacles à l’investissement et les questions, qui requièrent l’intervention du gouvernement. En vue d’améliorer le climat d’investissement en République de Guinée ».
Cela signifie que c’est désormais lui qui rencontrera et discutera avec les grands argentiers qui veulent investir en Guinée. Plus charismatique, il pourrait même, contrairement à l’autre, être amené à sortir du pays et à représenter la Guinée au niveau des grandes rencontres économiques de par le monde. Dans l’accomplissement de cette mission, il n’aura de compte à rendre qu’au chef de l’Etat. De même, en termes de ressources, il n’a pas de soucis à se faire. Son budget est intégré à celui de la présidence de la République. Il peut donc dépenser sans compter. Car le budget en question devrait être revu à la hausse, à l’issue de la loi des finances rectificatives 2014. Avec autant d’atouts, s’il n’est pas un premier ministre bis, Kassory Fofana peut tout de même se percevoir comme un petit président. Comme du temps de Fodé Bangoura.
Possibles désapprobations
Avec un tel tandem, le chef de l’Etat espère gagner sur tous les bords. Mais il est à craindre qu’il ait mal jugé les choses. Parce qu’il n’est pas évident que l’opinion publique apprécie nécessairement cette approche. Déjà, la reconduction de Mohamed Saïd Fofana n’avait pas été favorablement accueillie. Or, avec la venue de Kassory Fofana, les populations guinéennes risquent de voir en la personne du président Alpha Condé, un leader qui, incapable de renoncer à ses visées électoralistes, n’aura pas poussé le cran au point de se débarrasser d’un premier ministre qui ne sert que ses intérêts politiques.
De même, en ces moments d’Ebola où l’effort de tout le monde est requis, on comprendrait mal la création de structures parallèles qui ne peuvent qu’en rajouter au train de vie de l’Etat. En lieu et place de la mise en place de ses organes fantômes qui risquent bien de se marcher les uns sur les pieds des autres, on se serait davantage attendu à des mesures de compression des dépenses.
Au-delà de l’opinion publique, le chef de l’Etat pourrait même se heurter à une certaine désapprobation dans sa propre famille politique. En effet, dans le contexte très ethnicisé du débat politique, certains membres du RPG-arc-en-ciel originaires d’autres régions de la Basse Guinée pourraient ne pas admettre que deux « Morianais » se retrouvent comme par magie au sommet de l’Etat!
Des militants natifs de la Haute Guinée aussi pourraient ne pas apprécier. Surtout que Kassory Fofana dont il est question était, il y a peu, au nombre des adversaires coriaces du régime. Ceux qui sont particulièrement sur le front de la propagande, au compte du parti au pouvoir, pourraient vivre cette nomination comme une négligence des efforts qu’ils consentent au nom du parti. C’est dire donc que le chef de l’Etat pourrait avoir ouvert une boite à problèmes. Sinon un panier à crabes…

Source : GuineeConakry