DamantangCamara12L’opposition dite Républicaine on le sait a refusé la main tendue du gouvernement dans le cadre du dialogue politique en vue d’organiser des élections libres, apaisées  et transparentes.

Après la rencontre de Paris la semaine dernière, l’opposition est passée à la vitesse supérieure cette semaine en appelant à une journée ville morte jeudi sur toute l’étendue du territoire national.

Pour avoir la réaction du gouvernement, nous avons rencontré ce mardi matin à son bureau, le Ministre de l’enseignement technique, de la formation  professionnelle et de l’emploi et porte-parole du gouvernement. Avec Albert Damantang Camara, nous avons passé aux peignes fins l’actualité du moment, le  souci du gouvernement dans l’éradication de la fièvre Ebola, la relance de l’économie nationale et la préservation de la paix, la quiétude sociale entre autre. Lisez plutôt.

Guineelive : Monsieur le Ministre qu’en est-il exactement avec les négociations dans le cadre du dialogue politique avec l’opposition ?

Albert Damantang Camara : ce dont je vais parler, c’est au niveau du gouvernement au moins. C’est d’être toujours constant  dans notre souci  de rouvrir le dialogue à ceux qui veulent bien y participer et même à ceux qui ne veulent pas y participer en leur offrant un certain nombre de propositions et de cadre pour qu’ils viennent autour de la table  discuter des problèmes qui concerne les guinéens.

Mais malheureusement, nous avons eu le déplaisir d’enregistrer le refus de l’opposition de participer à ce dialogue si un certain nombre de condition ne sont pas réunis. Ce qui n’est pas fait pour construire dès l’instant où en acceptant de dialoguer, on doit pouvoir dialoguer sans poser de condition.

Pour notre part, nous avons une position constante, nous voulons que la loi soit respectée, nous voulons que les institutions soient respectées. Nous sommes prêts au dialogue dans le cadre du respect de ses institutions et de la loi et nous  ne mettons jamais de conditions pour aller au dialogue avec une référence pour que ce dialogue se fasse avec les guinéens.

Seulement  Monsieur le Ministre pas plus d’hier lundi, l’opposition avait appelé à une journée ville morte pour le jeudi.  Qu’est-ce que le gouvernement a fait, quelle est votre lecture de la situation ?

Je crois qu’aujourd’hui, personne ne dira qu’il ne connaît pas la situation qui existe en Guinée, la situation sanitaire qui prévaut et les mesures qui ont été prises pour juguler et c’est possible  pour éradiquer la maladie à virus Ebola. Tout ce qui peut venir pour contrecarrer cette volonté doit  en principe être évité. Maintenant si certains prennent la responsabilité d’initier des mouvements qui peuvent amener des remous, des violences parce qu’on sait très bien quand on dit journée ville, ceux qui font la journée ville morte empêchent des gens qui veulent aller travailler.

Certains axes  sont même fermés à  la circulation au niveau de la capitale et enfin ça se résume  à la fin par des violences. Tout ce qui peut amener ce type d’agitation n’est pas recommandé. Mais je vous l’ai dit, c’est de leur responsabilité, nous, nous restons constant dans notre position de respecter la loi, des institutions et des libertés fondamentales en espérant que nous saurons les aménager de manière à éviter tout trouble.

On aurait souhaité que l’opposition le comprenne parce que avec toutes les informations qui sont diffusées et par nous, par le monde entier et par nos partenaires, tout le monde est conscient de la situation et on n’a pas besoin de concertation particulière par rapport à ça.

Il y a aussi d’autres moyens de faire aboutir ses  revendications, notamment en s’asseyant  autour d’une table et en posant tous les problèmes

Mais monsieur le Ministre, l’opposition  exige l’application intégrale  des accords du 3 juillet 2003 pour aller au dialogue. Est-ce que l’opposition ne met pas ainsi en application sa déclaration de Paris ?

Cette déclaration, je l’ai déjà dit et je le répète, est totalement disproportionnée par rapport aux enjeux qui sont ceux de la Guinée aujourd’hui. Je ne sais pas comment on saute d’une situation où on essaye d’avoir un chronogramme électoral après que la CENI l’ai donnée pour arriver à déclarer que le président est illégitime et qu’il ne peut pas rester au pouvoir et qu’il faut une nouvelle transition, etc, etc.

Cette manière de passer d’une étape à une autre, passer moi du terme « sans transition » me semble un peu bizarre, c’est le terme approprié.  Ils ont pris cette décision, ils ont fait cette déclaration, on ne sait pas ce qui est derrière, nous, on s’en tient à ce qu’ils ont dit.

Maintenant, ils viennent pour dire qu’ils veulent  le dialogue mais sous condition : le respect intégral des accords du 3 juillet. Mais nous, on a aucun problème avec les accords du 3 juillet.  A date, ils sont respectés, il y a certaines étapes qui prennent du temps à être appliquées, notamment l’indemnisation des victimes par ce que,  il y a une procédure judiciaire derrière, il y a une évaluation, tout ça, ce sont des éléments concrets qui sont en cours d’application. Alors, je ne vois pas pourquoi on impose ça, mais on peut l’évaluer autour d’une table rapidement.

Les autres conditionnalités, c’est ce que l’on va débattre autour d’une table, alors si jamais, elles sont rompues, on va parler de quoi à la table de négociation puisque c’est de ça on va débattre.

Si on veut dialoguer vraiment  on vient dialoguer, on ne pose pas de conditions. Maintenant si c’est une manière de détourner l’attention et de distraire l’opinion publique nationale et internationale, c’est dommage parce que ça ne fera pas avancer de toutes les manières la crise dans laquelle on est en train de s’enfoncer  petit à petit.

Certains analystes politiques  pensent que l’urgence sanitaire décrétée par le chef de l’Etat à une visée purement politique pour empêcher l’opposition de manifester. Qu’en dites-vous ?

Cette urgence sanitaire décrétée répond à une situation particulière. Je veux dire que personne en Guinée ne peut nier que depuis un certain temps, il y a une recrudescence des résistances dans une zone bien donnée de la Guinée, la basse côte, ça, c’est le premier élément.

Entre temps, il y a eu également le confinement  des populations en Sierra Léone qui a entrainé des mouvements de population par-delà des frontières. Il y a eu également  des troubles à Forécariah qui a fait que la gendarmerie était obligée d’ intervenir.

Il y a aussi le fait que beaucoup de citoyens ont relâché leur vigilance, les gens ne se lavent plus les mains correctement.

On continue à aller dans les funérailles, à transporter des corps d’une localité à une autre. Il fallait cette piqure de rappel là et des mesures  plus contraignantes pour obliger et amener les citoyens à  prendre conscience qu’Ebola n’était pas fini et qu’il faut redoubler d’effort pour arriver à la fin de cette maladie. Donc, c’est un ensemble de circonstance qui a poussé le chef de l’Etat à prendre cette décisoion.

Ceux qui veulent voir en ça une volonté de contrecarrer l’opposition, je pense que c’est totalement inapproprié. Ça ne répond pas à la logique qui devrait sous tendre l’action de tous les guinéens, qu’on soit tous ensemble pour lutter contre Ebola.

D’ailleurs moi, j’aurais cru qu’en marge de leur réunion de Paris, ils allaient trouver des moyens  d’appuyer et  de soutenir l’action du gouvernement dans cette urgence sanitaire renforcée. Apparemment, ils n’ont pas parlé de ça pour des raisons qui leur appartienne. Mais depuis qu’il y a Ebola en Guinée, des mesures que nous avions prises, il y avait déjà un plan d’urgence sanitaire.

On n’a jamais interdit une manifestation, ça ne leur a pas empêché de tenir un ou deux meetings, je ne vois pas en quoi cette décision a écalé sur le programme  de l’opposition. Il faut qu’on cesse d’être nombriliste et penser que tout ce que le gouvernement fait c’est pour contrecarrer l’opposition.

On a quand même des priorités, notamment la santé publique des citoyens.

Alors Monsieur le Ministre est-ce que  si l’opposition organise une journée ville morte, vous allez empêcher ?

Non, il y a des procédures pour ça. Il y a un  gouverneur qui autorise ou interdit les manifestations sur la base d’un certain nombre de critères. Mais les journées de ville morte, ce n’est pas une marche, ce sont des gens qui sont censés être resté à la maison, je ne sais pas quelle est la procédure, c’est l’administration du territoire et la sécurité qui gère ça.

Ce qu’on souhaite, c’est que ceux qui veulent observer une journée ville morte le fasse et que ceux qui veulent aller travailler puisse aller travailler. Si cela est respecté en principe, il n’y aura aucun problème.

Justement Monsieur le Ministre comme vous l’avez dit, ceux qui  veulent observer la journée ville morte empêchent  le plus souvent ceux qui veulent aller travailler.

 Quel message avez-vous à l’endroit de la population ?

En général, ceux qui ne veulent pas travailler ne sont même pas des travailleurs.

Le problème, c’est que quel que soit le message qu’on  lance, l’opposition met des enchères a un tel niveau que notre message n’est plus audible. Quand vous faites croire à des jeunes ou à des personnes qui n’ont pas toutes les informations à leur disposition que le président est illégitime, qu’il faut le faire partir par tous les moyens, vous chauffer vos militants à blanc, vous les faites croire qu’ils sont des pestiférées, que personne ne veut d’eux, quel est le discours que nous, nous allons tenir alors que  nous sommes décrédibiliser au niveau de cette franche importante de la population pour que eux ils reviennent à de meilleurs sentiments, la question est là.

Est-ce que ce n’est pas dans le débat,  dans le discours que certains opposants doivent prendre la responsabilité d’éviter de mettre la barre à un niveau où le retour est très difficile ?

On a vu dans ce pays chaque fois qu’il y a eu confrontations avec les forces de défense et de sécurité, ça se passe très mal, malheureusement.

Je pense qu’en homme conscience que nous sommes, on devrait absolument éviter ces genres de situation. Or, les journées villes mortes, je le répète malgré le fait qu’elles soient villes mortes débouchent pour la plus part du temps  sur des affrontements parce que ceux qui font des journées villes mortes veulent empêcher ceux qui veulent travailler, gagner leur pain à la sueur de leur front. En Guinée, nous ne sommes pas dans une société où vous avez un système d’assurance social, d’assurance maladie ou lorsque vous restez à la maison, il y a des mécaniques qui font que vous pouvez gagner de  l’argent, il y a de l’assistance sociale qui fait que vous pouvez gagner de l’argent, non.  Chaque guinéen est obligée de sortir chaque jour pour aller  chercher son argent. Si vous l’empêcher de le faire un jour, il en paye le prix le lendemain.  Quand vous le faite violemment, non seulement il  en paye  le prix mais aussi  il paye aussi dans son intégrité physique, patrimonial, ainsi de suite. Est-ce que la situation de la Guinée est arrivée à ce stade-là, moi je ne le crois pas surtout qu’on n’a pas fini d’épuiser toutes les voies de recours.

Si on s’était assis pour discuter et qu’à la suite de  ces discussions, l’opposition se rend compte qu’il n’y a pas de voie de recours, on aurait peut-être je ne peux pas comprendre mais  avoir une explication  qui les pousse à faire des manifestations qui peuvent déboucher sur la violence. On n’est pas arrivé à ce stade-là, c’est dommage qu’on aille directement à ça mais, on peut le comprendre puisque à Paris ils ont dit que le président est illégitime.

Dès l’instant que vous dites que votre interlocuteur est illégitime, c’est vrai que vous ne pouvez pas vous asseoir autour de la même table  avec lui pour dialoguer.

 

Propos recueillis par

 

Almamy Kalla CONTE

 

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