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Un moment décisif  pour la démocratie en Afrique, selon John Kerry  

En mai dernier, j’ai partagé un moment extraordinaire. J’ai eu le privilège, avec de nombreux dirigeants africains, d’être témoin de la première passation de pouvoir démocratique et pacifique entre deux partis au Nigeria.

Je m’étais rendu plus tôt dans l’année à Lagos afin de souligner que, pour les États-Unis, le Nigeria est un partenaire stratégique de plus en plus important avec un rôle crucial à jouer dans la sécurité et la prospérité de la région. J’ai aussi déclaré qu’il était impératif que ces élections établissent un nouveau modèle pour la démocratie à travers le continent. 

Il ne fait aucun doute qu’il s’agit d’un moment décisif pour la démocratie en Afrique. Plus tard, ce mois-ci, quatre pays – la Guinée, la Tanzanie, la Côte d’Ivoire et la République centrafricaine – doivent organiser des élections présidentielles, et peu après nous espérons voir des élections au Burkina Faso. Les populations d’Afrique doivent saisir cette occasion pour faire entendre leurs voix, et les dirigeants de tout le continent doivent être à l’écoute.

Les défis sont réels. Depuis des décennies, la pauvreté, la famine, la guerre et un leadership autoritaire freinent l’avènement d’une ère de prospérité et de stabilité en Afrique.

Ces défis et d’autres ne doivent pas être sous-estimés, mais nous ne devons pas non plus ignorer les gains qui sont en train de se réaliser.

En Afrique, comme partout, on constate un désir ardent de gouvernements légitimes, honnêtes et efficaces. Il ne fait aucun doute que les progrès en matière de gouvernance démocratique entraîneront des bénéfices dans tous les autres domaines qui nous préoccupent.

Au Burkina Faso, des citoyens courageux et déterminés ont par deux fois affirmé leur volonté en s’opposant avec succès aux tentatives d’écourter le processus démocratique : l’année dernière, lorsque l’ancien président a essayé de modifier la limitation des mandats et de prolonger ses 27 ans au pouvoir ; et à nouveau le mois dernier, quand les Burkinabés se sont unis pour contrer une tentative ratée de coup d’État par des éléments du Régiment de sécurité présidentiel.

En République démocratique du Congo, nous avons vu des citoyens parler franchement, parfois en prenant de grands risques, en faveur d’élections transparentes, opportunes et crédibles.

Et nous avons observé cette même soif de démocratie en dehors de l’Afrique. L’Indonésie, le Sri Lanka et le Panamá ont récemment tenu des élections ouvertes, bien organisées, qui ont amené de nouveaux dirigeants au pouvoir et renforcé les institutions démocratiques.

La difficulté dans les prochaines élections en Afrique sera de répondre à cette demande de démocratie et d’être à la hauteur des critères espérés et mérités par les Africains. Les pays où se dérouleront des élections présentent des différences importantes tant sur le plan de leur histoire que sur celui des circonstances, mais chacun d’eux a la possibilité d’améliorer son bilan démocratique et de promouvoir la croissance économique et le partage de la prospérité.

La Côte d’Ivoire peut définitivement classer l’élection difficile et violente de 2010 dans son passé et reprendre sa position de leader régional.

La Tanzanie se prépare à sa quatrième passation de pouvoir entre des présidents élus depuis son indépendance.  En respectant la limitation à deux mandats fixée par la Constitution tanzanienne et en se retirant du pouvoir, le président Jakaya Kikwete crée une dynamique et une saine compétition parmi ses successeurs potentiels.

La Guinée émerge du fléau de la maladie à virus Ebola, mais ses citoyens exigent aussi un processus électoral permettant de faire entendre leurs voix.

Entre-temps, le gouvernement de transition du Burkina Faso s’efforce de consolider son engagement envers la démocratie par le biais d’élections transparentes et opportunes.

Les élections sont d’une importance capitale, mais qu’on ne s’y méprenne pas, les élections ne peuvent être le seul moment pour les citoyens de façonner leur avenir. Ceux-ci doivent pouvoir participer avec leur gouvernement et leurs concitoyens à des discussions et des débats politiques pas seulement le jour du scrutin, mais tous les jours.

Le respect de la limitation des mandats est tout aussi important. La modification des constitutions nationales par les dirigeants dans un intérêt personnel ou politique ne bénéficie à aucune démocratie. En outre, un candidat perdant doit à son pays d’accepter le résultat du scrutin et de jouer un rôle constructif dans la recherche et la mise en œuvre de solutions à des problèmes communs.

Une élection présidentielle libre, équitable et pacifique ne garantit pas le succès de la démocratie, mais elle constitue l’un des instruments les plus importants pour mesurer les progrès de toute nation en développement. Les pays qui vont bientôt organiser des élections ont la possibilité de consolider leur bilan démocratique et de permettre à un continent tout entier de se rapprocher de la réalisation des aspirations solides – et tout à fait légitimes – de ses populations de faire entendre leurs voix.

Les États-Unis demeurent engagés à apporter leur aide pour réaliser ces aspirations.

Tribune par John Kerry, secrétaire d’Etat américain

Washington, D.C.

Le 6 octobre 2015