Nomination de Mathurin Bangoura et de Blaise Gomou : Lettre de Pottal-Fii-Bhantal au Ministre de la justice
Lettre de Pottal-Fii-Bhantal au ministre de la justice et aux juges en charge de l’enquête sur les crimes de Septembre 2009.
C’est avec consternation que Pottal-Fii-Bhantal a appris la nomination de Mathurin Bangoura au poste de gouverneur de la région de Conakry ainsi que celle de Blaise Gomou, au poste de magistrat militaire. Pour rappel, Mr. Mathurin Bangoura était membre du CNDD alors que Mr. Blaise Gomou fut en charge des opérations de maintien de l’ordre le jour des massacres de 2009. Tous les deux officiers ont été inculpés suites aux enquêtes sur les crimes contre l’humanité de Septembre 2009. Leurs nominations sont une moquerie aux victimes des massacres et à la justice. Elles établissent sans équivoque le fait que Mr. Alpha Condé a décidé de faire de l’impunité une méthode de gouvernement afin de s’assurer le soutien de criminels dans les forces de sécurité. Suite à ces nominations, le silence du garde de-sceaux que vous êtes et celui des juges en charge de l’enquête est une présomption de complicité de votre part. Dans tout pays avec un minimum de respect pour la justice, vous auriez protesté par démission – avec l’équipe des juges en charge de l’enquête. Ce serait un moyen de rejeter l’opprobe qui désormais entoure votre mission ainsi que l’infamante charge sur votre conscience d’être complices d’un déni de justice dans des crimes contre l’humanité qui ont fait de la Guinée un état paria et hors-la-loi. Ce qu’on note au contraire de votre part, c’est un ensemble de pratiques et un répertoire de tactiques qui indiquent clairement que vous cautionnez le déni de justice. Depuis votre nomination, vous n’avez eu cesse de faire des promesses sur l’imminence des jugements des accusés. En même temps, vous multipliez les excuses sur les difficultés financières de l’état quant à leur retard. Pottal-Fii-Bhantal avait demandé qu’un tribunal spécial soit érigé à Conakry sous les auspices de la CPI qui prendrait en charge l’organisation des procès. Une telle démarche ne demande que l’accord du gouvernement guinéen. Vous avez rejeté cette proposition en invoquant la souveraineté nationale de la Guinée. Une autre de vos manœuvres est d’entretenir l’idée qu’un procès ne peut être initié qu’avec l’arrestation de tous les coupables et la découverte de tous les faits. Ainsi, comme l’illustrent les récentes nominations, des officiers inculpés depuis 2012 continuent à narguer les victimes et la justice. Vous passez outre une tradition juridique établie qui fait du procès une occasion privilégiée, pour non-seulement établir les faits, mais aussi de déterminer leur ampleur – avec de nouvelles inculpations ou des élargissements. Votre cabinet entoure les enquêtes d’une opacité inacceptable. La liste des trois juges en charge de l’enquête est tenue secrète sous un prétexte de sécurité et d’indépendance. En réalité, étant donné le fait que la plupart des accusés sont des hauts-fonctionnaires jouissant de surcroit de la protection du chef de l’état, ce secret expose les juges à plus de pression, en dehors de l’appréciation de l’opinion publique et des victimes. Par exemple, ils peuvent être demis et remplacés incognito. Cette pratique relève plus de l’occultisme. Elle entérine le spectre des jugements à l’emporte-pièce des époques de terreur de passé. Elle ruine le principe de l’instruction judiciaire qui cherche à garantir une découverte sereine afin de favoriser l’indispensable confiance des guinéens en la justice. Enfin, vous avez indiqué que vous êtes à la recherche de fonds afin d’assister les victimes. Pour louable que l’idée peut paraitre, elle ne relève pas de vos compétences. Des services sociaux et des spécialistes sont plus à même de mener de telles tâches. Les victimes n’attendent de votre département que la justice. Toute autre action d’assistance de votre part n’est qu’un conflit d’intérêt qui indique une compréhension erronée de votre mission, si ce n’est de fait, une tentative de corruption des victimes. La mission suprême de tout agent judiciaire est de servir la nation. Si les contingences politiques interfèrent avec cette mission – pour l’accomplissement de laquelle l’argent du contribuable est utilisé- il est de son devoir, mais surtout de son honneur, de se démettre. On note toutefois avec regret que les réactions véhémentes des victimes et des organisations des droits l’homme suite à la nomination de Mathurin Bangoura et de Blaise Gomou vous laissent indifférents. Vous avez décidé – avec l’équipe des juges – de subordonner votre devoir citoyen à des intérêts partisans. Plus qu’un simple parti-pris ou une convenance politique, votre démission contribue à faire de la justice de notre pays un système de règlements de comptes. On peut mentionner à cet effet la supervision des parodies de procès et de condamnations suite à l’attaque du domicile de Mr. Alpha Condé ainsi que le zèle avec lequel des crimes commis, suite à des altercations dans les rangs de l’opposition, sont poursuivis. Vos pratiques ruinent le rôle capital de la justice dans la lutte de nos citoyens pour éradiquer la violence politique dans notre pays. Pilier de toute société viable, la justice reste le seul moyen pour reconstruire le tissu social de la nation. Mais vos actions contribuent à la saborder ; et, de ce fait à maintenir la Guinée dans l’ornière de la faillite politique, de la prévalence de la corruption et de l’impunité dont résultent la misère des citoyens et les divisions sociales. Le jugement de l’histoire sera sévère en votre encontre. La commission Centrale de Pottal-Fii-Bhantal Fouta-Djallon
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