En prélude à l’organisation des élections communales annoncée pour le 04 février 2018, à l’instar des scrutins présidentiels de 2010 et de 2015, l’atmosphère politique sera polluée par l’émergence dans les différents quartiers de Conakry et dans les préfectures du pays des mouvements de soutien aux éventuels candidats des partis politiques en lice et pour les éventuels candidats indépendants.
Pour le compte des dernières présidentielles de 2015, ces mouvements les plus connus étaient le “Mouvement un coup KO” favorable à la réélection du Président Alpha Condé dès le premier tour, “Cellou Dalein 2015”, structure qui travaillait pour l’élection du Président de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), le “Mouvement Sidya Touré la solution” et le “Mouvement Tout Sauf Alpha” crée par des responsables de l’opposition. En Moyenne Guinée, fief de Cellou Dalein Diallo, le “Mouvement Diokken Alpha (suivons Alpha)”.
Ces mouvements, souvent composés de cadres des partis politiques, de fonctionnaires à la recherche de postes politiques, d’entrepreneurs à la quête de gros marchés, de jeunes désœuvrés, scolarisés et non scolarisés, utilisent des stratégies variées pour atteindre leurs objectifs. Les cadres se consacrent aux débats télévisés, aux conférences dans les universités, à la campagne de porte à porte, aux conférences de presse et militent au sein des partis politiques. Les jeunes désœuvrés, qui ne sont pas nécessairement membres de partis politiques, font la campagne sur les places publiques, à bord des véhicules et sont très actifs pendant les différentes phases du processus électoral à savoir durant la phase de la pré-campagne, de la campagne et même durant la phase post-électorale.
Pourtant, Ils ne sont pas forcément des militants des partis politiques. Toutefois, les élections leur offrent l‘opportunité de se faire de l’argent dans la mesure où une grande partie de la classe politique fait recourt à leurs services.
Les capacités de mobilisation des populations par ces mouvements lors des meetings et tournées de campagne font croire à certains candidats qu’ils sont très populaires et que les populations adhèrent à leurs projets de société. Quand ils perdent les élections, ils disent pourtant qu’ils ont été accueillis par des centaines de milliers de personnes pendant les tournées de campagnes sans se rendre compte que souvent ce sont les mêmes personnes que ces mouvements de soutien mobilisent pour les meetings des candidats contre des espèces sonnantes et trébuchantes.
Aussi bien à Conakry qu’à l’intérieur du pays, ces mouvements de soutien érigent des stands de fortune aux endroits stratégiques avec l’appui de cadres des partis politiques. Ces stands sont reconnus par le bruit de la musique faisant les éloges de leur candidat, les photos/affiches, les pancartes et les banderoles déployés. Aujourd’hui, leur influence est devenue de plus en plus grandissante dans la stratégie de mobilisation électorale des partis politiques et des candidats. Si, d’une part le service des mouvements de soutien participe à la création d’un “emploi à court terme” pour ces jeunes, d’autre part, ils contribuent à envenimer des tensions dans le pays, par exemple à travers les émissions interactives.
En Guinée, le chômage étant endémique, la création des mouvements de soutien est devenue un terrain de prédilection pour de nombreux jeunes pour gagner leur pain quotidien. En effet, un animateur pourrait gagner entre 25.000 GNF et 50.000 GNF par jour. Échapper à l’anxiété, dégager le souci et avoir de quoi se nourrir, tels sont entre autres les buts de ces animateurs. Certains aussi montent des projets sociaux, par exemple la saponification, dans le but de bénéficier de subventions.
Paradoxalement, ils profitent de tous les partis politiques. On peut voir un jeune initier et animer des activités de soutien pour deux formations politiques rivales et détenir des T-shirts et des cartes de membres de plusieurs formations politiques. L’essentiel pour eux, c’est avoir de l’argent sachant bien qu’après les élections ils ne comptent plus pour les politiques. Ils ne sont pas intéressés par les programmes des partis politiques et ne croient pas aux promesses électorales des candidats.
La quête de positionnement des cadres
Lors des meetings et autres manifestations politiques, ces mouvements sont instrumentalisés par des fonctionnaires ou des cadres des partis politiques (qui les financent) dans le but de montrer leur capacité de mobilisation et ainsi attirer l’attention du chef. En Guinée, on dit souvent que pour avoir un poste de responsabilité, il suffit de mobiliser les jeunes pour le président de la République ou pour un parti politique ou un candidat populaire et influent. Ainsi, sur les banderoles, on voit souvent des effigies de ministres, de directeurs, de cadres des partis placées à côté de la photo du Président suivi du slogan de campagne. « Le poids d’un cadre se mesure par la multitude des mouvements qui sont derrière lui », explique un observateur de la scène politique guinéenne.
Au sein d’un même camp politique, des rivalités entre des personnalités politiques peuvent occasionner des affrontements entre mouvements de soutien. Ces rivalités, qui dégénèrent parfois en violences meurtrières, sont entretenues par des cadres qui se disputent les positionnements politiques dans l’appareil de l’Etat ou les opportunités d’affaires.
Selon plusieurs jeunes initiateurs, pour organiser un seul mouvement de soutien, il faut mobiliser au moins 50 millions de francs guinéens. Soutenir un mouvement veut dire financer toutes ses activités du début à la fin. Les T-shirts, les bracelets, les équipements de sonorisation, les casquettes, les banderoles, les hangars, les voitures, … La classe politique dans son ensemble, mouvance et opposition confondues, dégage des montants colossaux pour entretenir ces mouvements de soutien. Il y a souvent des allégations de détournements des fonds destinés aux mouvements de soutien par des cadres des partis politiques, des responsables des mouvements et autres intermédiaires. C’est dire que chacun a sa part du gâteau dans la vie de ces structures.
Aly Badara Condé