Sur le fondement des dispositions de l’article 51 de la Constitution, le Président de la République a saisi la Cour constitutionnelle d’une demande d’avis au sujet d’un projet de constitution qu’il envisage de soumettre à référendum.
Le 19 décembre 2019, la Cour constitutionnelle a rendu l’avis n°002/ 2019/ CC.
La Cour constitutionnelle déclare qu’elle » est d’avis que le Président de la République dispose des pouvoirs constitutionnels tirés des dispositions combinées des articles 2 al. 2, 21 al. 1, 27 al. 1 et 45 al. 1 de la Constitution pour initier tout projet de constitution à soumettre à référendum « .
De nombreux juristes se sont réjouis du fait que la Cour constitutionnelle ait relevé dans son avis que l’article 51 de la Constitution ne pouvait être considéré comme la base juridique d’un projet de changement de constitution comme cela avait été soutenu par certains juristes.
La Cour constitutionnelle dit clairement qu’… » il est juridiquement impossible que les projets de loi prévus à l’article 51 puissent être assimilés à l’établissement d’une nouvelle constitution et aucune méthode d’interprétation ni exégétique ni sociologique ne peut permettre de ressortir la possibilité d’élaborer une nouvelle constitution sur le fondement de l’article 51; que toute autre interrogation conduit à dénaturer à la fois le sens et la portée de l’article 51; qu’en conséquence, la procédure prévue à l’article 51 n’est pas juridiquement opérante en la matière ; »
Même si le débat sur le fameux article 51 qui a sans doute battu le record du texte juridique le plus lu et lu commenté au cours de l’année 2019 est ainsi tranché, l’avis de la Cour constitutionnelle soulève quand même des interrogations?
En effet, si elle admet que le texte sur le fondement duquel elle a été saisie est inopérant en raison du fait qu’il vise le référendum législatif et non le référendum constitutionnel, sur quelle disposition elle s’est alors fondée pour donner son avis? Cet avis a été donné par rapport à quel texte ? Étant entendu que son avis doit être absolument basé tout au moins sur un texte constitutionnel.
Il est clair que si le projet que le Président de la République envisage de soumettre à référendum concernait une loi ordinaire ou une loi organique, l’appréciation de la Cour constitutionnelle se ferait par rapport à la Constitution actuelle et porterait aussi bien sur la régularité de l’initiative du référendum que sur le contenu du projet de constitution. Ce qui est compréhensible puisque la conformité d’une loi ordinaire ou d’une loi organique s’apprécie par rapport à la constitution.
Mais, en ce qui concerne un projet de constitution, il n’existe pas de référence textuelle pour apprécier la conformité dudit projet.
Si l’article 51 est inapplicable, quelle autre disposition constitutionnelle a servi de base à la délimitation de l’étendue de l’appréciation de la haute juridiction ?
En tout cas, elle n’indique pas la disposition constitutionnelle sur laquelle elle se fonde pour limiter son appréciation à l’initiative du référendum constitutionnel puisqu’en la matière aucun texte n’est prévu.
Or, la Cour constitutionnelle est la garante de la Constitution. Elle n’est pas une assemblée constituante. Elle est soumise elle-même à la Constitution qu’elle est chargée d’interpréter.
En attendant d’avoir des réponses à ces questions, j’adresse mes vœux de nouvel an à toutes et à tous.
Que l’année 2020 puisse donner à la Guinée des hommes et des femmes capables d’affirmer l’indépendance des institutions dont ils membres et de briser les liens de l’inféodation au pouvoir executif.
Me Mohamed Traoré, avocat à la Cour