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Barrage de Souapiti : le coup de gueule d’Elhadj BAH de l’UDS

En tant que chargé des questions stratégiques et des relations avec la presse de l’union pour la Défense des Sinistrés de Souapiti (UDSS), je me permets de réagir sur les arguments avancés par monsieur GUILAVOGUI chef du département environnement du programme d’aménagement du barrage hydro-électrique de  Souapiti (PAHS). Des propos tenus lors de son interview sur les ondes de RFI en date du 20/04/2020 au micro de Carol Valade. L’objectif de ma réaction est de prouver l’amateurisme, l’incohérence, les mensonges, l’exclusion des populations, le non-respect des normes nationales et internationales entrainant la violation des droits, le non-respect des directives et recommandations des bailleurs, la corruption et le non-respect des engagements de la part du PAHS sous l’œil protecteur du ministre de l’énergie Taliby Sylla et de son gouvernement. Je précise bien que mes répliques porteront essentiellement sur les propos tenus par monsieur Guilavogui lors de cet interview croisé et réalisé suite à la publication du Rapport de Human Rights Watch (HRW) incriminant le programme d’aménagement du barrage hydro-électrique de Souapiti (PAHS) et le gouvernement guinéen sur la situation désastreuse des sinistrés de Souapiti.

Avant de rentrer dans les détails, il convient  de rappeler qu’au cours de cette interview croisée, l’UDSS était représentée par notre porte-parole Maître Camara, HRW représentée par Monsieur Jim Wormington et le PAHS représenté par  Monsieur Guilavogui. J’insiste bien que je ne réagis que par rapport aux propos de Mr Guilavogui car je partage les avis des représentants de l’UDSS et de HRW. Cependant je ne partage pas les arguments infondés, incohérents, injustifiables et  invérifiables avancés par monsieur Guilavogui. Pour commencer, je vais reprendre les propos de Mr Guilavogui, cela va nous permettre de bien comprendre le contexte de ma réaction.

Monsieur Guilavogui responsable du département environnement  du PAHS  dans sa prise de parole, pour se défendre, face au rapport de HRW les incriminant sur les conditions désastreuses des populations sinistrées affirme : « aucune étude de faisabilité, nous avons estimé qu’il faille attendre jusqu’à ce que la mise en eau soit finie, pour une meilleure compréhension des contextes au niveau local et ensuite déclencher les activités ».  Il continue sans gêne «  Les sites sont choisis d’un commun accord, rien n’est imposé, la principale conséquence qui serait survenue, c’est une spéculation foncière. Les populations à réinstaller sont parties avec les colas  pour obtenir les domaines sur lesquels elles vont vivre. Cela est conforme aux coutumes et traditions de la localité ». 

Dans ses arguments, il tente de faire croire que tout va bien du côté des sinistrés sauf quelques retards enregistrés et que sa direction (PAHS)  fait bien le nécessaire malgré l’existence des éléments tangibles prouvant le contraire sur le terrain et dans le rapport de HRW. Monsieur Guilavogui en perte d’idées, défend l’indéfendable ensuite pour masquer leur mauvais travail, il ramène tout dans le domaine coutumier. Ce qui lui permet stratégiquement de mettre de côté les normes et les procédures régissant un tel projet. Sans faire exprès, il a montré ses limites et  la non  maitrise des différentes étapes d’un cycle de projet en faisant croire qu’aucune étude n’est nécessaire au préalable. C’est après les faits et une fois on est dans la merde qu’on doit agir et trouver des solutions sans aucune planification prouvant ainsi :

Leur amateurisme, l’incohérence et  le mensonge dans son discours et dans les faits  

Dans ce passage il confirme l’état d’amateurisme de l’équipe projet, leur incapacité de prévoir, de planifier, d’anticiper, de respecter le cycle de projet pour pouvoir ajuster au bon moment afin d’éviter tout problème majeur au cours de l’exécution du projet en anticipant. A mon avis tout projet nécessite un agenda prévisionnel et des actions à mettre en place dans un endroit bien précis au préalable. C’est une occasion pour moi de lui rappeler, tout d’abord que les notions de l’Agenda (délai), des tâches (actions à mettre en place), les acteurs (groupes des personnes interagissant autour du projet), de territoire (lieu du projet)  et de l’environnement (contexte sociologie, économique, culturelle pour ou contre-projet, …) du projet sont incontournables dans la réalisation d’un projet de développement comme Souapiti.  Selon lui, dans de tel projet il faut réagir ou agir instantanément sans aucune projection, aucune étude préalable, aucune prévision et deviner la suite des évènements sans anticiper à l’avance. Une fois devant les faits,  c’est à ce moment sous la pression qu’on pourra trouver les solutions de façon anarchique sous-entend-il. Leur façon de faire a causé le désastre qu’on observe aujourd’hui chez les populations riveraines de Souapiti. Leur façon d’agir a entrainé des milliers de malheureux, de milliers d’affamés, des milliers de dépendants, de sans-abris… Je tiens à leur (PAHS)  rappeler, qu’un grand projet comme Souapiti pesant près d’un milliard et demi de dollars nécessite obligatoirement un certain niveau de professionnalisme. Il faut de la rigueur, des principes,  des savoirs faires et savoirs êtres pour atteindre les objectifs assignés dans un délai souhaité sinon c’est l’échec.

L’exclusion des populations  et  manque de transparence envers elles

Il faut leur (PAHS) rappeler que depuis le début du projet, les riverains souffrent de manque d’implication, d’information, de transparence dans la gestion d’un projet les concernant. Plusieurs courriers et plusieurs démarches ont été effectués pour interpeller le PAHS et le Gouvernement sur le caractère exclusif et opaque de l’équipe projet à l’égard des riverains. Les violations répétées des droits et le sentiment d’exclusion permanent envers les citoyens impactés sont des éléments qui peuvent enfreindre au bon déroulement du projet. Le manque de transparence qu’on a toujours dénoncé a généré un sentiment de méfiance vis-à-vis du PAHS et du Gouvernement. En bafouant les droits à l’inclusion et à l’information des citoyens, son équipe met ainsi un système de gestion opaque avec tous ses corollaires.  Pourtant ces droits sont reconnus par les normes nationales, régionales, internationales et font partie des exigences des bailleurs de fonds. Il est important de rappeler à Monsieur Guilavogui, à son équipe et au Gouvernement que, jusqu’à présent, les gens ne savent pas ce qui leur a été remboursé, ce qui leur reste à rembourser, ce qui a été pris en compte dans le remboursement, les bases des calculs… Les gens se demandent sur quelle base le projet à effectuer les remboursements ? Tout a été flouté et actuellement les gens n’ont rien à manger car ils ont perdu leurs cultures et l’Etat n’a pas réalisé ses promesses d’assistance alimentaire. Tous ces éléments mettent en évidence l’exclusion des populations et l’opacité de la gestion du projet.

Les mensonges et  le non-respect des engagements du PAHS

Dans son argumentaire Monsieur GUILAVOGUI enchaine les promesses comme d’habitude : «  nous allons favoriser l’intensification de l’agriculture vers des superficies plus petites mais avec des rendements plus élevés, nous allons promouvoir les aspirants pêcheurs. C’est une occasion de promouvoir ce qu’on appelle la pisciculture par endroit ».

Sur ce passage il est important de lui préciser, que depuis le début du projet en décembre 2015, le PAHS et le Gouvernement n’ont cessé de multiplier les promesses mais jusqu’à présent aucune n’a été réalisée. Ce qui les rend aux yeux des populations impactées, des menteurs. Je suppose que l’intensification de l’agriculture, le développement de la pisciculture et de l’élevage nécessitent tout d’abord  des études de faisabilité, de la disponibilité des ressources (Terre, eau…), des acteurs impliqués… Cela nécessite obligatoirement l’implication de toutes les parties prenantes notamment  les bénéficiaires. C’est pour cela je mets au défi jusqu’à preuve du contraire, le PAHS et le gouvernement de pouvoir nous présenter des terres ou endroits qui seront  destinés à ces activités énumérées par Monsieur GUILAVOGUI. Si ces projets existent qu’ils (PAHS et Gouvernement) nous fournissent l’étude les concernant. Jusqu’à preuve du contraire, nos populations n’ont jamais connu l’existence des tels projets, ni les délais de la mise en œuvre de ces projets, ni les endroits identifiés à cet effet. Le PAHS ne peut pas nier cela car nous avons adressé à plusieurs reprises des courriers demandant de telles informations (les futures projets ou projets encours). Ces courriers n’ont jamais été répondus, malgré l’engagement du PAHS de répondre à tous nos courriers. Un engagement pris dans le document « cadre de réunion mensuel » établi entre l’UDSS et le PAHS pour faciliter la collaboration et permettre la transparence sur toutes les étapes du projet pour l’ensemble des populations. Selon cet accord, le PAHS est dans l’obligation de répondre nos courriers dans un délai ouvrable de dix jours. Cela n’a jamais été le cas ce qui constitue une violation flagrante de leurs engagements vis-à-vis de l’UDSS et des populations.  Cette violation prouve encore une fois l’absence de crédibilité sur leurs promesses et engagements. Un « cadre de réunion » proposé par leur organisme et violé par eux-mêmes. Cette violation prouve clairement leur mauvaise foi d’associer les populations riveraines dans toute prise de décisions. Comment peut-il prétendre à l’existence de tels projets sans que les bénéficiaires n’en soient informés ni associés?  De tels projets ne devraient-ils pas être planifiés à l’avance ? Pour que ces projets soient durables ne devraient-ils pas être inclusifs ? Pourquoi depuis tout ce temps les populations et leurs représentants sont exclus du jeu ? Pourquoi violer des accords et prétendre que « …tout est en commun accord, rien n’est imposé, …. » ?   Ce sont tant de questions qui méritent des réponses pour une meilleure compréhension de la situation.

Non-respect des normes nationales et internationales entrainant la violation des droits

Dans son argumentaire au lieu de nous parler comment son organisme doit respecter les normes, les droits des populations car  c’est ce qu’on leur reproche, Mr Guilavogui s’est mis à égrainer des promesses. Au lieu de nous décrire concrètement comment le projet doit procéder aux expropriations, et aux réinstallations, … suite à ce projet d’intérêt public, il enchaine les promesses fictives  comme d’habitude. Il ferait mieux d’expliquer les contreparties et les mécanismes des expropriations, de réinstallations, de dédommagements déjà existants. En l’absence de normes clairement définies et mécanismes connus au préalable, le PAHS improvise ses propres règles d’expropriation et de réinstallation, basées sur l’amateurisme. La direction du PAHS et le gouvernement  refusent  aux populations la protection que leur accorde la loi et violent ainsi les directives des bailleurs. Il convient de rappeler à Mr Guilavogui que toutes les normes nationales, régionales, continentales protègent les populations impactées par ce type de projet. Monsieur Guilavogui doit se référer à l’article 13 de la constitution guinéenne, au code civil guinéen dans son article 534, du code foncier et domanial Guinéen qui protègent le droit à la propriété et définissent les mécanismes d’expropriation. Il doit également revoir les directives de la CDEAO pour le développement d’infrastructures hydroélectriques, la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples qui garantissent le droit de propriété et définissent les mécanismes à suivre en cas d’expropriation dans le cadre d’un projet d’utilité publique. Par le fait, qu’aucune  indemnité parcellaire n’a été versée  sur l’ensemble des 342 km2  qui seront inondés, le PAHS a sciemment violé les droits des populations en bafouant les normes nationales et internationales.

Non-respect des directives et recommandations des bailleurs 

Tous les bailleurs de fonds exigent dans ce type de projet, une implication active et effective des populations dans la prise de décision relative aux ressources foncières et naturelles les concernant. Ils exigent à ce que ces populations aient le droit de tirer bénéfice des activités se déroulant sur leur territoire ancestral. Il faut leur rappeler également que les bailleurs de fonds notamment la Banque Africaine de Développement (BAD) et la Banque Mondiale (BM) conditionnent les fonds d’un projet de développement principalement sur le développement durable, la transparence et le respect des droits des communautés. Il convient de leur rappeler aussi l’engagement de la Chine d’inclure le développement durable, la transparence et le respect des droits des communautés dans tous ses projets relevant du programme  BRI « Initiative Ceinture et route » (Belt and Road Initiative), l’un des principaux bailleurs de ce projet. Ces directives et engagements ne peuvent être respectés dans l’exclusion des communautés impactées par ce projet. C’est une évidence que le PAHS et le Gouvernement n’ont jamais voulu nous reconnaitre ces droits. Ils refusent de nous associer dans la prise de décision des projets nous concernant. Il faut qu’ils sachent clairement une chose,  nous ne sommes pas des animaux pour qu’on décide à notre place et nous dicter le chemin qui nous mènera au bonheur sans nous demander notre avis.

Corruption et non-respect des engagements du PAHS et du Gouvernement

Ils ont un mécanisme bien rodé connu de tous. Ça consiste à mettre de côté la majorité des populations et prendre quelques leaders d’opinions déjà acquises à leur cause pour décider à la place de la population. Des pratiques que l’UDSS a dénoncées en permanence. Des illustrations parfaites de ces pratiques enregistrées lors des choix des localités devant abriter les déplacés mais également lors des constructions des bâtiments. Dans le premier cas, les responsables de projet ont proposé une forte somme d’argent à des leaders locaux et de leur construire des bâtiments à leur guise pour convaincre le reste de la population d’accepter la proposition du nouveau lieu devant les abriter. Ce nouveau lieu est donc choisi par avance, par l’équipe projet sans les associer. Dans le second cas, dans la plupart des localités, ils ont construit des bâtiments avec plus de pièces pour les leaders locaux afin que ces derniers influent sur le reste de la population pour qu’il accepte la proposition de l’équipe du PAHS. Dans le troisième cas c’est au niveau des passations des marchés de construction des infrastructures, tous les marchés sont passés de gré à gré. Je me limite à ces trois cas illustratifs mais il faut savoir que  c’est la partie émergée de l’iceberg de la corruption dans ce projet. Ce projet est caractérisé par une corruption généralisée sous toutes ces formes. La nature des infrastructures construites à cet effet,  prouve l’existence de corruption à tous les niveaux. C’est pour cela d’ailleurs quand  Mr Guilavogui affirme que « les sites sont choisis d’un commun accord, rien n’est imposé,… » . Ça ne m’étonne pas de leur part mais je me demande de qui se moque-t-il ? Lorsqu’on sait toute leur manipulation envers ces pauvres populations qui n’ont rien demandé de plus que ce qu’on leur doit.  Ce n’est pas étonnant quand on sait le nombre de cas de corruption enregistrés lors des recensements mais également lors des remboursements partiels de certains biens. Si ce qu’il affirme est vrai qu’il nous fournisse la liste des personnes associées dans chaque localité et le dispositif mis en place pour que ces personnes soient représentatives de la communauté.  S’il n’est pas d’accord avec les éléments que j’ai avancé qu’il apporte les preuves me contredisant.  Je suis d’accord qu’on respecte et valorise nos pratiques coutumières mais dans un projet comme Souapiti cela seul ne suffit pas, il faut un minimum de procédures, des règles, de professionnalisme pour assurer la bonne conduite d’un tel projet. Par contre, je ne suis pas d’accord si c’est pour détruire les preuves de corruption,  de sa traçabilité ou bien pour justifier l’opacité de la gestion que le PAHS se barricade derrière des pratiques coutumières au lieu de justifier de manière simple et transparente leurs pratiques.

Pour finir, il convient de rappeler le Gouvernement et le PAHS, tant qu’ils ne feront pas les choses dans les règles nous n’allons pas lâcher l’affaire. Car ce sont nos droits et les droits des futures générations qui sont bafoués. Ce sont notre héritage et celui des générations futures qui sont confisqués. Ce sont les mémoires et les tombes de nos aïeux qui sont souillés. Il est claire que nous allons continuer le combat jusqu’au dernier vivant parmi nous. Parce que c’est notre survie, notre richesse, notre dignité, notre patrimoine qui sont en jeux. Nous sommes déterminés à user de toutes les voies légales nous permettant de mener le combat jusqu’au bout. Même après ce Gouvernement si les problèmes ne sont pas résolus, les prochains  gouvernements nous retrouverons dans ce combat. Nous sommes prêts à mener ce combat quel que soit le temps que cela prendra  et le prix à payer jusqu’à rétablissement de nos droits bafoués. Que cela soit claire nous ne cèderons pas aux intimidations et ne laisserons pas  nous distraire par des promesses qui ne seront jamais respectées. Nous voulons du concret à la hauteur de nos droits. S’ils (Gouvernement et PAHS) ne sont pas d’accord sur ce qu’on leur reproche, au nom de l’UDSS je leur lance le défi d’organiser un débat contradictoire à leur convenance dans n’importe quel média afin d’éclairer l’opinion et de situer les responsabilités de chacun sur les graves problèmes liés à ce projet.

 

Elhadj BAH

Guineedemocrate.centerblog.net