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COVID-19/Éducation : allons-nous vers une nouvelle génération sacrifiée ?

On ne pourra pas dire que pour sauver l’année scolaire en Guinée, le gouvernement n’a rien fait. Des mesures sont prises pour assurer la continuité des cours en ces temps de COVID-19. Mais parce qu’en matière de politique publique, la volonté seule ne suffit pas à garantir l’efficacité des mesures proposées. Il est permis de se demander si les cours à distance privilégiés par le gouvernement n’auront pas pour effet de sacrifier, une fois encore, une génération de jeunes guinéens déjà malmenée par un système d’éducation précaire et médiocre ?

En matière d’éducation, le plan du gouvernement guinéen ressemble à un amateur de football qui élabore un plan pour gagner une compétition, mais qui ne veut pas voir qu’il s’est volontairement amputé les deux jambes, et ce, depuis très longtemps. Au paroxysme de l’aveuglement, l’amateur feint d’ignorer qu’il n’a pas ces deux jambes et continue, indifférent à son handicap, d’élaborer des mesures. Comme si ces mesures se suffisaient à elles-mêmes ! Il en est de notre amateur comme du ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation (MNEA) : adopter des cours à distance sans prendre en considération les contraintes logistiques, financières et sociales qui rendent impossible la réalisation des cours en ligne au niveau national.

En imitant ce qui se passe ailleurs, sans l’adapter à la réalité guinéenne, le MENA n’a pas conscience des inégalités qu’elle continuera de creuser entre une minorité d’élèves « connectée » et cette grande majorité de ceux « déconnectée », qui, facteur aggravant, n’a pas le luxe d’un ordinateur, d’un téléphone intelligent, d’une passe internet, voire même d’une télévision. De même, comment ne pas voir que la disparité des ressources matérielles et technologiques entre Conakry et les sous-régions représente un facteur d’injustice qui devrait inviter à des solutions plus réalistes.

Ce réalisme impose de commencer par des constats préliminaires : les manifestations contre le double scrutin législatif et référendaire ont paralysé les débuts de l’année scolaire, de sorte qu’on peut se demander si le nombre de semaines réellement étudié et la quantité des matières vue suffisent pour « sauver » l’année scolaire ; pour les classes d’examen, les possibilités d’organiser des examens nationaux seront liées à l’état de la situation sanitaire, qui demeure encore très inquiétante ; sur l’étendue du territoire national, il n’est pas possible de faciliter l’accès aux cours en ligne, les élèves  guinéens n’ayant pas un accès égal à l’électricité et aux ressources technologiques nécessaires au bon fonctionnement d’un cours à distance ; outre les privations des ressources matérielles et financières auxquelles sont confrontés les enseignants, ceux-ci ne pourront pas bénéficier, dans l’immédiat,  d’une formation de qualité permettant de dispenser les cours en ligne. Au regard de ces constats, différentes mesures, aux conséquences prévisibles, peuvent être envisagées : déclarer une année blanche ; si on maintient les cours en ligne, alors annuler les examens nationaux par souci d’équité ; donner des cours présentiels uniquement aux classes d’examen, en réorganisant la distribution des étudiants par classe de 15 ou 20. Pour ce faire, on pourra solliciter les classes non utilisées dans chaque établissement scolaire ou collaborer avec les écoles primaires des quartiers pour rendre disponibles des locaux. Enfin, déterminer la quantité de matière vue depuis le début de l’année et organiser les examens nationaux en conséquence.

Mais, l’observation selon laquelle les consignes de distanciation sociale ne sont pas respectées en Guinée pourrait conduire à envisager simplement de rouvrir les écoles et compter sur l’immunité de masse pour endiguer la propagation de la COVID-19. Il reste qu’en l’état actuel de la situation de morbidité dans laquelle se trouve la Guinée, toute option aura des conséquences négatives sur le destin des élèves guinéens. Les cours en ligne, encore plus ! Il importe donc que le MENA prenne en considération les intérêts et la réalité des Guinéens dans ses prises de décision. Car, des politiques publiques qui ne reposent pas sur un savoir et un respect de la vie des citoyens sont ruine de l’âme.