La justice a ordonné depuis le 21 mai dernier la mise en liberté de Saikou Yaya Diallo et Robert Kaliva Guilavogui dit Kpakpataki.

Le premier par une ordonnance de la présidente de la première chambre de contrôle de l’instruction la Cour d’appel de Conakry, le second par une ordonnance d’un juge d’instruction du Tribunal de Première Instance de Mafanco.

L’ordonnance rendue au niveau de la Cour d’appel de Conakry et celle rendue à Mafanco devaient être exécutées respectivement par le procureur général et par le procureur de la République de Mafanco. Nous sommes aujourd’hui le 23 mai. Les deux inculpés sont toujours en prison. Le dimanche et le lundi seront des jours fériés. Ce qui veut dire qu’ils risquent d’être détenus jusqu’au mardi au moins.

Cette situation pose le problème de l’exécution des décisions de justice en matière pénale. Il existe au sein des parquets une pratique qui pose véritablement problème.

En effet, lorsqu’une juridiction pénale rend une décision de non lieu, de relaxe ou d’acquittement, bref, une décision entraînant la mise en liberté d’un détenu, l’exécution de cette décision est subordonnée à la signature et à la délivrance d’un ordre de mise en liberté par le procureur. Par ce moyen, ce magistrat peut faire obstacle à l’exécution d’une décision en dehors de toutes les voies légales. Ainsi, de par sa seule volonté, il peut bloquer l’exécution d’une décision de justice. Ce risque est plus grand lorsqu’il n’est pas d’accord avec la décision qui a été rendue ou qu’il n’a pas reçu le feu vert de » l’Autorité » pour la mise en liberté du malheureux détenu.

Dans le dossier de Saikou Yaya Diallo, le procureur général se trouve devant un obstacle très sérieux. Il n’a aucune possibilité d’exercer un recours contre l’ordonnance qui a été rendue par la présidente de la deuxième chambre du contrôle de l’instruction de la Cour d’appel. Cette décision est insusceptible de recours dit l’article 294 du CPP. Mais il prend la responsabilité de ne pas l’exécuter en se mettant ainsi hors la loi parce qu’il y a un blocage qui viendrait de quelque part.

La même situation s’était produite dans le dossier de Ibrahima Diallo et de Sékou Koundouno, deux autres responsables du FNDC. Ces derniers n’ont été libérés que le lendemain de l’ordonnance qui les avait mis en liberté.

L’enseignement que l’on peut tirer de ces affaires, c’est que les décisions portant mise en liberté d’un détenu ne suffisent plus.

Leur exécution dépend du bon vouloir du procureur dont on sait qu’il relève, en tant que magistrat du parquet, de l’autorité du ministre de la Justice. Et quand on sait que la fonction de ministre est éminemment politique, il y a lieu de s’inquiéter du sort des citoyens engagés dans des activités qui dérangent le pouvoir.

La même réalité se pose par rapport au dossier de Robert Kaliva Guilavogui. Ce dernier, tout comme Saikou Yaya Diallo, a bénéficié d’une ordonnance de mise en liberté sous contrôle judiciaire. En ce qui le concerne, le  procureur de Mafanco avait la latitude d’exercer un recours contre l’ordonnance qui a été rendue. C’est son droit le plus absolu. Aux dernières nouvelles, il n’a pas fait appel mais il n’exécute pas l’ordonnance qui a été entreprise. Voilà la situation à laquelle se trouve confrontés le Collectif des avocats des membres du FNDC.

La loi, expression de la volonté générale, doit être reléguée au second plan au profit de la volonté politique ? Face à ces difficultés, les avocats de la défense entendent saisir l’Association des Magistrats de Guinée afin qu’elle invite les magistrats placés devant de telles situations à prendre leurs responsabilités car il s’agit de la liberté des citoyens qui est en jeu.

Me Mohamed Traoré

Membre du collectif des avocats des membres du FNDC