Mamadou Baadiko Bah, député et président du parti Union des Forces Démocratiques (UFD)
Monsieur le Président de l’Assemblée nationale, Honorables députés, chers collègues,
Chers compatriotes,
J’interviens sur le Projet de loi sujet en rubrique, uniquement pour souligner ma préoccupation quant à l’indispensable indépendance de cette vénérable institution et sur l’impérieuse nécessité de lui rendre ses lettres de noblesses. Malheureusement, le dispositif constitutionnel qui régit cette Cour, l’article 106 relatif à la désignation des membres de la Cour Constitutionnelle, a complètement verrouillé toute possibilité d’introduire un amendement au Projet de texte organique qui nous est présenté. En effet, cet article prévoit que le Président de la République nomme 3 membres et le Président de l’Assemblée nationale nomme 2. Le pouvoir politique en place est donc majoritaire d’office, avec 5 membres sur 9.
POUR UNE VRAIE COUR CONSTITUTIONNELLE – SALUTAIRE POUR LA DÉMOCRATIE ET LE PROGRÈS EN AFRIQUE
Quel Africain, soucieux du progrès, de la justice et de la force de l’Etat de droit sur le Continent africain, n’a – t-il pas ressenti un sentiment de fierté, après l’épilogue des élections présidentielles du 21 mai 2019 au Malawi ? Ces élections avaient été annulées par la Cour Constitutionnelle de ce pays, pour fraudes, irrégularités et non-conformité, alors même que c’est le pouvoir en place qui en était l’organisateur et le gagnant. A la reprise du scrutin le 28 juin 2020, c’est le candidat de l’opposition, Lazarus CHAKWERA qui a gagné ! Et la vie a continué ! Ce rappel nous montre jusqu’à quel point l’existence d’une Cour Constitutionnelle indépendante, est capitale pour la stabilité, l’alternance dans la paix et le progrès d’un pays.
Quel contraste avec la Guinée dont la Cour Constitutionnelle a la fâcheuse tendance à toujours donner raison, comme par hasard, au pouvoir exécutif, au moins sur les recours les plus importants. Je ne reviendrai pas sur la terrible bévue de la validation pure et simple du texte falsifié de la Constitution issue du référendum du 22 mars 2020. Et ce n’est pas tout ! Comment expliquer en effet que depuis son installation le 5 avril 2015, notre Cour Constitutionnelle n’ait pas été en mesure d’imposer à l’exécutif et à tout le personnel politique et administratif qui y est astreint, le dépôt de la déclaration de patrimoine ? Cette obligation sacrée est reléguée aux oubliettes, sans qu’aucune sanction n’ait jamais été prise. Pour ceux qui l’ont faite, la déclaration est restée confidentielle car non publiée au journal officiel, comme le prescrit expressément la Constitution ; elle est donc nulle et de nul effet. Le plus dramatique dans ce manquement est que pratiquement personne, dans la classe politique guinéenne, ne l’ait relevé, comme si de ce côté, il y avait un large consensus du système pour ne pas rendre compte de ses actes en matière de gestion de la fortune publique.
Or, comme nous le savons tous, le plus grand mal qui ronge notre pays et beaucoup d’autres pays africains hélas, depuis des décennies, par la faute de ses élites prédatrices et parasitaires, c’est l’enrichissement illicite, la prévarication, le détournement du bien public et la corruption en général. Ce sont ces fléaux qui sont à l’origine de la catastrophe politique, économique, sociale et morale que vivent aujourd’hui des millions et des millions de Guinéennes et de Guinéens, surtout parmi les plus jeunes. Il eût été impensable que cette impunité continue avec une vraie Cour Constitutionnelle, réellement indépendante du pouvoir politique et des puissances d’argent. Pour l’honneur de notre Cour Constitutionnelle, ce scandale qui n’a que trop duré, doit cesser rapidement.
J’espère ne pas abuser de votre temps en rappelant à ceux et celles qui ne le savent pas, que c’est le Capitaine Thomas SANKARA, Président du Faso qui, le premier en Afrique, a fait la déclaration de ses biens. Il avait même déclaré les petits bijoux offerts à son épouse en cadeau de mariage ! Il lui en a coûté la vie. Mais son sacrifice n’a pas été vain, car aujourd’hui tous les peuples africains exigent le même acte de foi de leurs dirigeants. Petit à petit cette norme éthique, combien salutaire, est en train de s’imposer partout en Afrique, car les peuples ne veulent plus être gouvernés par des voleurs et des prévaricateurs. Gare à ceux qui voudront y résister ! Leur cause est perdue d’avance car c’est une bataille d’arrière garde contre le progrès et la justice sociale.
Je vous remercie pour votre aimable attention.
Mamadou Baadiko Bah, député 9ème législature, Assemblée nationale Guinée