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Déclaration commémorant la Journée mondiale de la liberté de la presse Mardi 3 mai 2022

La Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (la Commission), à travers la Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique (la Rapporteure spéciale), se joint à la communauté internationale pour commémorer la Journée mondiale de la liberté de la presse, célébrée chaque année le 03 mai.La Journée mondiale de la liberté de la presse sert à rappeler aux États la nécessité de respecter leur engagement en faveur de la liberté de la presse.  Elle est également l’occasion d’évaluer l’état de la liberté de la presse, de défendre les médias contre les atteintes à leur indépendance et de rendre hommage aux journalistes qui ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions.[1]

Cette année, la Journée mondiale de la liberté de la presse est commémorée sur le thème « Le journalisme sous l’emprise du numérique ».  Ce thème met en évidence les défis émergents en matière de liberté de la presse à l’ère numérique, qui ont un impact sur le journalisme et la liberté d’expression.

Il ne fait aucun doute qu’Internet est devenu une partie intégrante du journalisme.  Cependant, malgré ses nombreux avantages, il n’est pas exempt de défis.   Les frontières entre les activités en ligne et hors ligne s’estompant de plus en plus, les attaques contre les journalistes, qui se produisaient déjà hors ligne, se produisent également de plus en plus en ligne.

La violence en ligne est devenue une nouvelle ligne de front en matière de sécurité du journalisme et se caractérise par des menaces physiques, des violences sexuelles, du harcèlement et des intimidations en ligne et des abus verbaux.[2]

Bien que les journalistes masculins soient également victimes d’abus en ligne, les abus dirigés contre les journalistes féminines ont tendance à être plus graves.  [3]Les rapports montrent que les femmes journalistes sont de plus en plus souvent et de manière persistante confrontées au harcèlement et aux abus sexistes en ligne.  [4]Ce phénomène peut être défini comme la combinaison des éléments suivants : un harcèlement et des abus en ligne souvent brutaux et prolifiques, y compris des attaques ciblées impliquant fréquemment des menaces de violence physique et/ou sexuelle ; des violations numériques de la vie privée et de la sécurité pouvant exposer des informations d’identification et exacerber les menaces de sécurité hors ligne auxquelles sont confrontés les femmes journalistes et leurs sources ; et des campagnes de désinformation coordonnées exploitant la misogynie et d’autres formes de discours de haine.[5]

L’impact de ces agressions en ligne peut avoir un effet étouffant sur la liberté d’expression et la liberté de la presse outre le fait d’avoir un impact direct sur la sécurité des journalistes.

Outre ces défis, les journalistes et autres professionnels des médias travaillant dans un certain nombre de pays africains ont été affectés par les coupures de d’Internet et des médias sociaux.

Les perturbations et le manque d’accès à Internet et aux médias sociaux violent le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information, contrairement à l’Article 9 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples (la Charte africaine) et peuvent avoir de graves conséquences sur la liberté de la presse en créant aux journalistes des difficultés pour s’acquitter efficacement de leur travail.[6]

En cette occasion mémorable, il convient d’aborder un autre sujet de préoccupation, à savoir l’augmentation exponentielle de la surveillance sur l’ensemble du continent.  Il convient de noter les multiples rapports d’États déployant des technologies de surveillance dans leur juridiction.  La Rapporteure spéciale prend note de l’augmentation constante des outils de reconnaissance faciale qui suivent et identifient les individus à leur insu.  [7]En outre, un certain nombre d’États ont installé des caméras de surveillance permettant la reconnaissance faciale, qu’ils prétendent utiliser pour la prévention de la criminalité.  Ces systèmes seraient utilisés pour suivre à la trace et pirater à distance les journalistes et les critiques de l’État.  [8]Ces technologies de surveillance permettent d’accéder à des données et de les traiter sans le consentement des concernés et contreviennent au droit à la vie privée.

Alors que nous célébrons la Journée mondiale de la liberté de la presse, dont le thème est « Le journalisme sous l’emprise du numérique », nous devrions profiter de cette occasion pour réaffirmer notre engagement envers l’importance de la liberté de la presse, outre le fait de reconnaître le rôle clé joué par les médias pour assurer le plein respect du droit à la liberté d’expression, promouvoir la libre circulation des informations et des idées, aider les individus à prendre des décisions éclairées et faciliter et renforcer la démocratie.[9]

La Rapporteure spéciale saisit cette occasion pour rappeler aux États parties à la Charte africaine leur obligation de prévenir, protéger et remédier aux attaques contre les journalistes, notamment en les protégeant de la violence, des menaces de violence et des diverses formes de harcèlement, comme le stipule le Principe 20 de la Déclaration de principes sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique (la Déclaration).  La Rapporteure spéciale réitère le principe selon lequel « les mêmes droits que ceux dont jouissent les personnes hors ligne doivent être protégés en ligne, conformément aux normes et au droit international des droits de l’homme,[10]affirmant ainsi que les dispositions du Principe 20, sur la sécurité des journalistes et autres professionnels des médias, s’appliquent également aux menaces en ligne contre les journalistes.

En outre, la Rapporteure spéciale exhorte les États parties à prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir, respecter et protéger le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information en assurant l’accès à Internet et aux services de médias sociaux, notamment en s’abstenant de limiter et/ou de perturber cet accès.

Enfin, la Rapporteure spéciale souhaite mettre l’accent sur le Principe 41 de la Déclaration qui stipule que « les États ne doivent pas se livrer à des actes de collecte, de stockage, d’analyse ou de partage indiscriminés et non ciblés des communications d’une personne, ni les tolérer » et que « les États ne doivent se livrer à une surveillance ciblée des communications que si elle est autorisée par la loi, conforme au droit et aux normes internationales en matière de droits de l’homme et fondée sur une suspicion spécifique et raisonnable qu’un crime grave a été ou est en train d’être commis ou pour tout autre but légitime ».

En cette Journée mondiale de la liberté de la presse, la Rapporteure spéciale félicite tous les journalistes et autres professionnels des médias qui travaillent sans relâche pour dire la vérité au pouvoir, enquêter sur les allégations, contribuer au débat public et le renforcer, et fournir aux citoyens les informations dont ils ont besoin pour prendre les meilleures décisions possibles concernant leur vie.

 

Source: Commissaire Ourveena Geereesha Topsy-Sonoo

Rapporteure spéciale sur la liberté d’expression et l’accès à l’information en Afrique