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Journée internationale des droits de l’homme: le message de Sékou Koundouno à la junte (tribune)

Il n’y a pas de démocratie sans libertés individuelles et collectives, et réciproquement. La junte qui s’est emparée du pouvoir en Guinée a allègrement piétiné ces libertés. Pour preuve, comme chacun peut le constater, la situation s’est profondément dégradée après le 5 septembre 2021.

Les acteurs clés de la démocratie, comme les leaders politiques et autres activistes de la Société civile qui avaient retrouvé la liberté d’exercer sereinement leurs activités, sans craindre la répression d’un régime dictatorial sont encore injustement kidnappés et mis en otage à la Maison centrale de Conakry par le président du CNRD. La transformation de l’essai a viré au cauchemar pour les militants pro-démocratie.

Le gouvernement de transition a resserré l’étau pour étouffer la société guinéenne et toutes les voix dissonantes. Désormais, les fondements d’un respect durable et incontesté de ces libertés sont inexistants, la justice c’est la nébuleuse CNRD, la Guinée est rapidement retombée dans l’autoritarisme après seulement quelques mois d’un faux espoir.

Les Guinéens ne veulent plus d’un pays où les partis politiques d’opposition craignent de s’exprimer ou de se réunir, où les organisations de la Société civile qui défendent la démocratie ou les droits de l’Homme sont réprimées, où la presse est placée sous contrôle du gouvernement et les journalistes indépendants sont surveillés, où des syndicalistes et des grévistes sont arrêtés pendant des manifestations et où la justice ne respecte pas les avocats et les droits de la défense.

Depuis ce 5 septembre, la Guinée respire mal. Le gouvernement de transition a posé des actes ignobles pour bafouer le respect de la loi. Des leaders du FNDC Oumar Sylla alias Foniké Menguè, Coordinateur National du FNDC et Ibrahima Diallo, Responsable des Opérations du FNDC ont été kidnappés et pris en otage, la presse rappelée à l’ordre par la fameuse HAC infectée, les partis politiques sont menacés de nouveau de se réunir et mener librement leurs activités et la justice est téléguidée, chosifiée voire même désacralisée.

Le peuple guinéen perçoit tout cela parfaitement très mal et se montre déterminé à reconquérir sa souveraineté. Au même moment, il se demande : est-ce que cela va durer ? Le gouvernement de transition a-t-il suspendu ces libertés seulement pour instaurer la dictature des armes ? Est-il sincère dans la refondation de l’État guinéen et de la démocratie ?

Le peuple guinéen avait déjà eu de grands espoirs en 2008. Mais ces espoirs ont été enterrés avec les corps des 157 victimes du stade puis 155 avec le régime Alpha Condé et 13 victimes sous l’emprise du CNRD.

Alors, il se demande :
Comment ces espoirs se sont-ils vite envolés en éclats avec une nouvelle déception.

Le peuple guinéen attend donc des actions fortes de la part du gouvernement de transition. Celui-ci a affiché sa volonté dans sa prétention à refonder l’État guinéen, notamment en luttant contre la corruption et pour l’union nationale. Cette transition doit être l’occasion d’un retour rapide et sérieux à l’ordre constitutionnel normal à plusieurs niveaux.

Nous appelons le gouvernement de transition à créer des garde-fous pour empêcher la Police ou la Gendarmerie de procéder à des arrestations arbitraires et extrajudiciaires. Nous appelons le gouvernement à réformer la Haute Autorité de la Communication afin qu’elle devienne une vraie institution au service de la protection des journalistes et des organes de presse, en particulier quand ils enquêtent sur des cas de violations de droits de l’homme ou de corruption, et qu’elle cesse d’être un outil de contrôle de leur travail.

Nous appelons le gouvernement à réformer le système judiciaire afin que les droits de la défense soient mieux respectés, que les militants politiques ou les leaders de la Société civile ne puissent plus être condamnés et détenus pour le simple exercice de leurs activités.

Nous appelons le gouvernement de transition à mieux protéger les libertés syndicales. Nous appelons le gouvernement de transition à réformer la justice afin que les violations de droits de l’homme fassent systématiquement l’objet d’enquêtes judiciaires.

Les mouvements citoyens souhaitent le succès de la transition malgré un constat alarmant et le retour à un gouvernement civil dans un contexte apaisé et dans un État débarrassé de l’autoritarisme et de la corruption. Les mouvements citoyens soutiendront les autorités de la transition tant qu’elles agiront en ce sens et ils se montreront force de proposition.

En tant que défenseurs des libertés et de la démocratie, ils scruteront et dénonceront les moindres écarts à ces objectifs. Connaissant l’histoire de notre pays, il est difficile d’apporter un soutien inconditionnel à un gouvernement de transition. Celui-ci doit être jugé sur les actes qu’il pose. Du 5 septembre à ce jour, les actes majeurs posés par le CNRD et son gouvernement sont décevants et traumatisants.

 

SEKOU KOUNDOUNO

RESPONSABLE DES STRATÉGIES ET PLANIFICATION DU FNDC