En analysant les chiffres que nous avons à notre disposition, nous nous rendons bien compte que plus de 90% des guinéens sont exclus du réseau bancaire. Toutefois, nous convenons bien avec vous que le système bancaire guinéen devrait contribuer s’il le faut moins que les Institutions de Microfinance (IMF) à l’émergence des micro-entrepreneurs car, ces dernières sont considérées comme étant la finance de proximité c’est-à-dire, accessible à ceux qui n’ont pas la possibilité de remplir les critères pour obtenir un compte en banque. 

Et pourtant, en examinant le rapport annuel BCRG de l’année 2020, l’on constate que malgré leurs implantations jusqu’au dernier village de la Guinée, les services offerts par les IMF ne couvrent qu’une faible portion des besoins de financement de l’économie. A titre d’illustration, l’encours des crédits des IMF s’est établi à GNF 698,5 milliards à fin 2020 contre GNF 706,4 milliards à fin 2019, en baisse d’un point de pourcentage. De l’autre côté, les crédits que le système bancaire octroyés à l’économie à fin 2020 ont atteint GNF 13 886,5 milliards contre GNF 8 220,17 à fin décembre 2017. De plus, à l’image du système bancaire guinéen, les crédits à court terme sont plus importants dans l’encours global des crédits distribués par les IMF et cela est dû à l’inexistence des ressources de moyen et de long termes. De plus, 54, 2% de ces crédits du réseau bancaire étaient orientés vers le secteur de commerce contre seulement 12,6% pour le secteur agricole (cf. rapport annuel BCRG, 2020).  C’est qui à notre sens très déplorable.

Si de nos jours les banques implantées en Guinée parviennent à mieux exploiter les faibles ressources financières à leur disposition pour distribuer des crédits en majeur partie de très courte durée, c’est grande partie grâce à leur connaissance de la prise de risque. Pourtant, vu que notre pays n’est pas doté d’un marché financier à l’image de certains pays ouest-africaine, le marché monétaire dont nous disposons devrait être en mesure de répondre surtout aux besoins pressants des autorités en matière d’utilisation de l’épargne collective pour des fins d’investissements publics rentables notamment en ce qui concerne les Infrastructures Economiques et Sociales (IES).

Mais, avec ce taux de bancarisation qui s’avère très faible, il va de soi que la plupart de ses clients concernés ne détiennent point de comptes épargnes quoi que nous n’ayons pas le nombre de clients disposant de ce type de compte pour le justifier en raison des difficultés rencontrées au cours de cette recherche. Ce n’est pas pour rien que la capacité de notre pays à financer une plus grande part de son besoin de développement à partir des ressources intérieures est voué à l’échec. C’est pourquoi, nous recourons comme à l’accoutumée au financement extérieur comme le démontre nos différents budgets.

De notre point de vue, il y aurait de nombreuses causes à cette faible bancarisation en Guinée notamment la faiblesse des revenus conformément à la théorie keynésienne. A ce facteur, nous pouvons ajouter d’autres éléments notamment, la culture de cash, les services financiers inadéquats, le manque de confiance au système bancaire, la faible densité du réseau bancaire ou encore l’éloignement des agences des populations (cas de certains clients qui font des km pour arriver dans l’agence bancaire la plus proche), les exigences de dépôt et de solde minimum élevés pour certains citoyens etc.

De plus, en Guinée, de nombreuses banques requièrent également une importante documentation pour ouvrir un compte en plus de ceux standards. Cette situation trouverait son explication dans leur volonté de mieux connaitre le prospect ou encore le client comme l’indique leur jargon le KYC (Know Your Customer ou encore en français connaissance du client). C’est pourquoi même si certains agents économiques disposent d’un peu d’argent dans ce pays, il peut y avoir qu’une faible incitation à épargner et cela quel que soit le taux d’intérêt proposé.

En Guinée, la plupart des activités économiques se déroulent dans le secteur informel. De nombreux ménages ont des économies mais qui ne sont pas domiciliés dans des banques. Certains guinéens qui ont les moyens conservent encore la plus grande partie de leur épargne sous forme de biens immobiliers malgré tout le risque que cela implique dans notre pays.

Beaucoup de petits commerçants préfèrent confier leur argent à un percepteur susu. Du coup, ces percepteurs passent à l’étal pour recueillir leur contribution quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle, suivant les conditions définies à l’avance et cela sans aucune formalité écrite. Leur activité est simplement fondée sur les rapports personnels et de confiance. Cependant, bon nombre de commerçants dans des petits marchés de Conakry en ont fait les frais avec la disparition de ces jeunes qui après avoir amassé une forte somme des mains des clients sous-réserve qu’ils auraient eu un fonds de roulement pour le démarrage de leur activité ou pour emprunter le chemin de l’aventure.

De l’autre côté, certains grands commerçants détiennent des caveaux à l’image de ceux des banques dans leur lieu de commercialisation sous prétexte que les banques leur font perdre beaucoup de temps lorsqu’ils s’y rendent pour effectuer des transactions. D’autres estiment qu’ils ne peuvent point fermer leur magasin ou laisser leurs marchandises sans surveillance dans le marché pendant qu’ils vont à la banque pour passer une bonne partie de la journée.  Comment pouvons nous espérer nous développer dans cette situation ?

Nous pensons pour ne pas abuser du temps du lecteur que pour accroitre le taux de bancarisation ainsi que l’épargne, la Banque centrale doit travailler sur cette problématique de façon à adapter la réglementation bancaire aux réalités de notre pays afin d’encourager davantage les banques et les IMF qui ont les capacités de mobiliser légalement les économies de leurs clients ou du grand public et de les utiliser de manière optimale pour le bien-être de la Guinée et des guinéens.

Safayiou DIALLO

Economiste