A l’orée des grands procès criminels (de sang et financiers), il nous paraît nécessaire voire indispensable de clarifier certains principes voire conceptes du procès pénal ou criminel notamment les « principes de la présomption d’innocence et d’un procès juste et équitable ». Ce, à l’intention des justiciables qui sont profanes en la matière et qui – en ce moment -sont quelque peu outrés voire même désabusés par certains évènements judiciaires récents.

Aussi particulièrement l’écho qu’en font certains médias de la place, mal formés et surtout mal imprégnés du mécanisme du système judiciaire, notamment pénal voire criminel. Lesquels donnent à tort l’impression ou voudraient agir en sorte que la Justice soit rendue sur la place publique. 

Alors que la justice notamment pénale voire criminelle est si sérieuse voire si grave. Puisqu’elle met en jeu la vie des personnes, des familles et quelques fois même toute une lignée. Qu’elle doit être rendue tout en dehors des brouhaha, tintamarres et des querelles de chapelles. 

Partant donc des faits ou des pratiques entre lesquels navigue le procès pénal ou criminel, d’où la problématique de la « présomption d’innocence et de procès juste et équitable ».

Avant d’aborder ces problématiques, il nous paraît important de rappeler ceci : « le droit n’est pas ce que l’on pense être », que le « droit n’est pas non plus ce que disent les textes mais plutôt ce qu’en font les utilisateurs ». 

Dès lors, les réflexions qui nous viennent à l’esprit sont les suivantes :

Pouvons-nous penser que l’image n’est qu’une illusion de l’optique ? Dans ces conditions, la notion ou concept de la « présomption d’innocence et celle de procès juste et équitable » seraient- elles considérées comme une illusion de l’esprit ?

Dans ces conditions serait-il possible d’établir une définition des principes ou le concept  de la présomption d’innocence et de procès juste et équitable qui soit Universellement acceptée ?  

A cet effet, Aristote soutenait qu’un « procès conforme à la loi n’est pas obligatoirement un « procès juste et équitable ». Car la nature de l’équilibre étant d’être le correctif de la loi.

Enfin, sans vouloir prétendre cerner la notion ou le concept de « Procès juste et équitable », nous allons essayer de l’analyser tout en l’approchant des textes du droit positif qui en font référence – notamment, les principes annoncés par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948 dans son article qui reposait sur le fondement que : « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un Tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

On remarque là, que le principe s’articule sur « l’égalité des parties jugées équitablement et publiquement par des magistrats indépendants et impartiaux ». Ce même principe sera annoncé plus explicitement dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, et entrée en vigueur le 3 septembre 1953 après avoir obtenu la ratification de 43 États.

Elle garantit le droit à un « procès juste et équitable » dans son article 6, et institue, par ses articles 19 à 51, un mécanisme juridictionnel permanent composé à l’origine d’une Commission et d’une Cour, et depuis l’entrée en vigueur du Protocole additionnel n°11, de la seule Cour, avec pour mission de veiller au respect, par les États signataires des droits énoncés dans la Convention à l’égard de leurs justiciables.

Il faut faire observer que c’est à travers les décisions de la Cour, la Convention a eu une grande influence sur l’organisation et le fonctionnement des systèmes juridictionnels des États signataires de la Convention. Et ce, grâce à une grande jurisprudence quantitativement et qualitativement importante portant sur l’article 6 de la Convention, les trois quarts de ses décisions, la notion de « procès juste et équitable » a connu un grand effort de précision, notamment dans son champ d’application.

Ce qui a certainement aidé la Cour dans sa démarche, c’est la formulation même de l’article 6 qui, par la précision de son contenu, et a facilité aux magistrats européens la possibilité de son application. A cet effet, il serait utile de le rappeler au lecteur, que sa lecture nous aidera à le convaincre de notre démarche « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil soit du bien – fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre.

Le jugement doit être rendu publiquement,  mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès, dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public, ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs, ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité des débats serait de nature serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».

On constate donc là, que le texte de la Convention emprunte à la Déclaration Universelle des droits de l’homme la distinction à caractère civil des contestations et matière pénale de l’accusation après avoir entériné les principes d’impartialité et d’indépendance du système juridictionnel pour y rajouter l’idée d’un «délai raisonnable ».

Cependant, la problématique, le caractère public des audiences est minutieusement étudié et laissé à l’appréciation totale des magistrats.

Enfin, la Convention, se voulait plus explicite que la Déclaration universelle des droits de l’homme, précisera davantage le principe en affirmant dans la suite de l’article 6 que « toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit légalement établie ».

Au caractère manifestement normatif – de l’idée du « procès juste et équitable » – viendra s’ajouter le rêve d’une juste application de la « présomption d’innocence ». Afin de concrétiser le mieux possible cette disposition conventionnelle, le texte décortique et précise que : «Tout accusé a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, de se défendre lui-même ou avoir l’assistance d’un défenseur de son choix et s’il n’a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat commis d’office, lorsque les intérêts de la justice l’exigent, d’interroger ou faire interroger les témoins à charge et obtenir la convocation et l’interrogation des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge, et de faire assister gratuitement d’un interprète, s’il ne comprend pas ou ne parle pas la langue employée à l’audience ».

Tenant compte de cette explication, la Cour veillera à ce que les États européens s’obligent au respect des principes formulés par la Convention et de l’appliquer dans le sens le plus large et le plus étendu. 

L’abondante jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme de l’article 6 aidera l’Organisation des Nations -Unies a bien cerné la notion de « procès juste et équitable ».

Le 23mars 1973, son Secrétaire général annoncera l’entrée en vigueur du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dont les travaux de conception et de négociation trainaient depuis 1950.

Le Pacte annonce dans son article 14 que « Tous sont égaux devant les Tribunaux et devant les Cours de justices. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant, impartial, établi par la loi, qui décidera soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil » ;

Le texte du Pacte devient plus ample et plus clair en matière pénale que ne l’a été l’article 6 de la Convention, puisque s’inspirant de la jurisprudence de la Cour européenne – il dégagera plus de précision, c’est ainsi qu’il affirmera que toute personne accusée d’une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes :

1) – être informée dans le plus court délai, dans une langue qu’elle comprend et de façon détaillée, de la nature et des motifs de l’accusation portée contre elle ;

2) – à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et à communiquer avec le conseil de son choix ;

3) – à être jugée sans retard excessif ;

4) – à être présente au procès et à se défendre elle-même où avoir l’assistance d’un défenseur de son choix, si elle n’a pas de défenseur, à être informée de son droit d’en avoir un – et chaque fois que l’intérêt de la justice l’exige, à se voir attribuer d’office un défenseur, sans frais, si elle n’a pas les moyens de la rémunérer ;

5) – à faire ou interroger les témoins à charge et obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge et dans les conditions que les témoins à charge ;

6) – à se faire assister gratuitement d’un interprète si elle ne comprend ou qu’elle ne parle pas la langue employée à l’audience ;

7) – à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s’avouer coupable ; Ce qui commence à se percevoir comme un naturel droit au silence.

Ainsi le Pacte ouvrira la voie à une des plus vastes dimensions de la justice humaine, en préparant un deuxième degré de juridiction et en accordant aux groupes vulnérables des avantages supplémentaires, comme sera le cas des procédures applicables aux jeunes qui ne sont pas encore majeurs au regard de la loi pénale, pour tenir compte d’une part de leurs âges et d’autre part de l’intérêt que présente leur rééducation – toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi.

 L’analyse des trois textes révèle un concept commun, celui de : « en pleine égalité ». Cette égalité s’entend entre les parties au procès et se comprend comme l’obligation faite au juge de permettre, en toute impartialité, aux contradicteurs d’utiliser les mêmes moyens de défense ». L’égalité des armes est la règle d’un combat régulier,et dans l’arène judiciaire il en va de même.

 

Maître Amadou Thidiane KABA

 Avocat d’Affaires et Pénalistes International au Barreau de Guinée et à la Cour Pénale Internationale (CPI)de la Haye ( Pays-Bas) 

Ancien Bâtonnier de l’Ordre des Avocats de Guinée Président du Comité pour la Promotion de la Justice Pénale Internationale à la Haye (PCPJPI) Expert Consultant au PNUD et au HCDHG Ancien Commissaire à l’Institution Nationale Indépendante des Droits Humains (INIDHG)

Ancien Juge Conseiller à la Cour Constitutionnelle de Guinée 

Écrivain Membre de l’Association des Écrivains de Guinée (AEG) 

Diplômé d’Études Supérieures Spécialisées en Banques et Finances (DESS) 

Diplômé de Master II de Recherche et d’enseignement Droit Comparé Option « Droit Africain : Droit Pénal et Politiques Criminelles Doctorant en Droit Pénal et Politiques Criminelles 

Licencié en Histoire et Géographie d’Enseignements

 Enseignant-Chercheur dans les Facultés de Sciences Juridiques de Conakry (Rép. de Guinée).