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Liberté de la presse: la Guinée régresse d’un point en occupant le 85è rang mondial 

L’ONG Reporters sans Frontières dévoile mercredi son classement 2023 de la liberté de la presse dans le monde. Il en ressort que les conditions d’exercice du journalisme sont mauvaises dans sept pays sur dix. La France est 24ème. Voici le classement en détail.

 

L’organisation internationale Reporters sans frontières, basée à Paris, publie comme tous les ans à l’occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse, le Classement mondial de la liberté de la presse dans 180 pays. En 2023, RSF, qui se définit comme étant « aux avant-postes de la défense et de la promotion de la liberté de l’information« , s’inquiète des conditions d’exercice du journalisme. Elles sont mauvaises dans sept pays sur dix et satisfaisantes dans seulement trois pays sur dix.

 

Christophe Deloire, directeur général de Reporters Sans Frontières, alerte sur l’affaiblissement du journalisme. « Cela fait longtemps que nous disons que l’exercice du journalisme devient très difficile du fait de la multiplicité des ennemis, des prédateurs de la liberté de la presse, des régimes autoritaires, des mafias, des hommes politiques véreux, des narco trafiquants, parfois des manifestants et des policiers dans les manifestations », indique-t-il.

C’est une décennie décisive pour le journalisme »

Christophe Deloire estime que « l’éco système, c’est-à-dire, le cadre dans lequel est produit le journalisme, est de plus en plus friable. » Il ajoute également qu’il « y a un délitement de l’espace public » et que « l’industrie de la désinformation et du simulacre c’est-à-dire du faux, de l’artificiel, a aujourd’hui des moyens potentiels de manipulation, d’amplification de la désinformation qui fragilisent ceux qui comme des artisans enquêtent, établissent des faits, les rapportent. » Ainsi, pour le directeur général de RSF, « face à cette exacerbation de la désinformation, de la haine en ligne, des manipulations de toutes sortes, les journalistes sont dans de nombreux pays extrêmement démunis».

À l’occasion de la présentation du classement 2023 de la liberté de la presse, Christophe Deloire l’affirme : « C’est une décennie décisive pour le journalisme. Clairement se dessine l’avenir du journalisme, de la fiabilité de l’information, de son indépendance et de son pluralisme. »

L’Europe, « région du monde » où il est le plus « facile » d’exercer

Si on regarde dans le détail ce classement 2023, « l’Europe est la région du monde où les conditions d’exercice du journalisme sont les plus faciles, notamment au sein de l’Union Européenne« , souligne RSF. Ainsi, le haut du 21ème Classement mondial de la liberté de la presse est occupé par l’Europe. Pour la septième année consécutive la Norvège garde sa première place.

 

L’Irlande gagne quatre places et prend la deuxième place devant le Danemark. Les Pays-Bas retrouvent leur 6ème place perdue en 2021 après l’assassinat du célèbre journaliste spécialiste des affaires criminelles Peter R. de Vries. L’Allemagne perd cinq places. La France progresse encore en gagnant deux places pour être classée au 24ème rang (classée 34ème en 2021). Parmi les européens, la Grèce conserve sa triste dernière place (107ème ), « les journalistes sont surveillés par les services secrets et par un logiciel espion puissant », dénonce RSF.

 

Trois pays asiatiques occupent les trois dernières places du classement

Le bas du tableau de ce classement de la liberté de la presse est toujours occupé et sans aucune surprise par trois pays asiatiques, dont la Corée du Nord, le pays le plus fermé au monde : 180ème, la dernière place. La Chine ne décolle pas, au contraire, elle recule encore de quatre places sous l’ère totalitaire de Xi Jinping : 179ème et avant-dernière. Le Vietnam s’illustre à la 178ème place, après avoir « parachevé sa chasse aux reporters et aux commentateurs indépendants », explique RSF. La répression des journalistes s’aggrave encore au Bangladesh et au Cambodge où l’opposition a été décapitée.

 

À ce sombre tableau, s’ajoute la Birmanie où depuis le coup d’État de 2021, la junte militaire emprisonne les journalistes. Le pays est devenu la deuxième prison au monde pour la presse, après la Chine. À l’inverse, Taiwan est considéré comme un modèle dans la zone (35ème place). RSF se réjouit de la situation au Timor-Oriental, jeune démocratie, qui « se hisse dans le top 10

 

« .RSF pointe « l’appareil de propagande du Kremlin »

En dehors des dictatures asiatiques, l’autre grand danger pour les journalistes indépendants est incarné par Vladimir Poutine. L’édition 2023 cible « l’appareil de propagande du Kremlin » qui s’est déployé pour suivre la guerre en Ukraine.

 

L’organisation dénonce « le brouillage des télévisions, le grand remplacement des médias ukrainiens et la chasse aux journalistes locaux ». L’exode des journalistes et des médias indépendants russes pour des raisons de sécurité, a laissé le champ libre à la grand-messe pro Poutine des médias pro-gouvernementaux. Les journalistes étrangers sont traqués tels des espions.

La dégradation des conditions de travail se ressent sur toute la zone en Asie Centrale et en particulier au Bélarus, au Kirghizistan et en Afghanistan (152ème) où les femmes journalistes disparaissent du paysage professionnel pour être renvoyées dans leurs foyers. La situation passe de « problématique » à « plus grave » dans trois nouveaux pays souligne RSF : au Tadjikistan, en Inde, et enfin en Turquie où le président Erdogan, hostile à la presse libre, est candidat à sa propre réélection le 14 mai, après 20 ans de pouvoir.

Suite à l’assassinat de deux journalistes, les États-Unis perdent des places

Pour le continent américain, la situation est très variable. Au sud, ce qui est notable selon RSF, c’est le résultat de l’alternance politique au Brésil (92ème) qui remonte de 18 places. « Le départ du président Jair Bolsonaro qui a attaqué systématiquement les journalistes durant son mandat, a ravivé l’espoir d’un retour à la normale dans les relations entre l’Etat et la presse ».

 

Au nord, la situation s’améliore aux États-Unis (45ème) grâce à l’administration de Joe Biden bien mieux disposée vis-à-vis de la presse que ne l’était Donald Trump.

 

Cependant, l’assassinat de deux journalistes en 2022 (Jeff German du Las Vegas Review Journal) et en 2023 (Dylan Lyons de la chaine Spectrum News 13) a eu un impact négatif sur le pays qui perd trois places dans l’édition de 2023. L’ONG s’alarme aussi des effets d’un affaiblissement du journalisme face à la montée en puissance des réseaux sociaux, notamment avec Elon Musk, le propriétaire de Twitter.

 

D’ailleurs, « l’évolution des nouvelles technologies est une vraie question« , déclare Christophe Deloire. « Qui sait le mieux s’en servir ? Ceux qui servent une information indépendante et fiable ou ceux qui au contraire l’utilisent pour manipuler, déformer ou contredire la réalité ? C’est peut-être l’un des matches démocratiques par excellence. »

 

Christophe Deloire ajoute qu’il « revient aujourd’hui aux citoyens d’imposer à tous ces acteurs technologiques, qui ont un pouvoir inédit dans l’histoire de l’humanité, des principes de pluralisme, de donner un avantage à ceux qui produisent de l’information fiable, indépendante. Si c’est la jungle, les prédateurs l’emporteront. » Pour Christophe Deloire, pas de doute : « La régulation des technologies, des réseaux sociaux et de l’intelligence artificielle, c’est une condition de la liberté. »

 

Le Sahel, une « zone de non information »

En Afrique, Reporters Sans Frontières note « les baisses les plus importantes de l’édition 2023″. Le Sénégal dégringole de 31 places (104ème) et la Tunisie de 27 places. L’Algérie fait partie des pays classés comme difficile (136ème place).

 

Les conditions sécuritaires des journalistes se dégradent fortement notamment dans les pays du Sahel, une zone que RSF qualifie de « zone de non information« . Un pays brille par ses progrès, c’est le Botswana (65ème) qui gagne 30 places. Dans le monde arabe, l’Arabie Saoudite s’accroche à sa sombre 170ème place en queue du classement.

avec CNEWS