Le juge n’a pas le droit de lui refuser des soins. On a encore le triste souvenir de la mort de personnes détenues et avant d’avoir été jugées et condamnées. La justice doit éviter la survenance de pareilles situations.
Mais en invoquant la maladie d’un prévenu ou d’un accusé pour demander sa mise en liberté, il faut veiller à ce que cette demande repose sur des documents que même le juge le plus insensible ne peut remettre en cause. Dans tous les cas, des vérifications sont toujours possibles quant à l’état de santé réel d’un détenu malade.
En faisant des affirmations qui ne reposent pas sur des faits réels relativement à l’état de santé d’un détenu, non seulement on risque, à court terme, de ne pas obtenir sa mise en liberté mais, à moins ou long terme, on va pousser les juges à avoir des doutes même sur des cas qui nécessitent véritablement et incontestablement une libération, et même une évacuation à l’étranger.
Dans un passé récent, un détenu en attente d’être jugé était, aux dires d’un de ses avocats, à l’article de la mort tellement sa santé s’était dégradée en détention. Mais quelle ne fut la surprise du public de voir l’intéressé tout fringuant et se tenant debout pendant des jours et des jours à la barre de la juridiction chargée de le juger, là où ses coaccusés prenaient place sur une chaise.
La volonté d’obtenir des résultats par tous les moyens peut parfois desservir la cause que l’on défend. D’où la nécessité de faire preuve d’une très grande prudence et d’être précautionneux dans la communication.
Il faut s’empresser toutefois de relever que l’état de santé n’est pas l’unique motif ou le motif le plus décisif qui puisse justifier la libération d’une personne placée en détention provisoire. La liberté est et demeure le principe. Malheureusement, ce principe a tendance à être inversé chez nous, de sorte que la détention est quasiment devenue le principe. C’est donc en désespoir de cause que les avocats présentent parfois l’état de santé d’un détenu comme motif pour demander sa mise en liberté. Sinon, une fois que la détention provisoire n’est pas nécessaire au regard d’un certain nombre de considérations de fait que la loi a pris soin de citer, l’inculpé, même en parfaite santé, peut être laissée en liberté ou mis en liberté. Laissé en liberté à l’issue de son interrogatoire de première comparution ; mis en liberté après qu’il a été placé en détention provisoire après cet interrogatoire.
Pour donner un sens à ces pratiques, il faut que le juge veuille bien user des pouvoirs que la loi lui confère. Mais si le manteau de juge n’est pas à sa taille, il se laissera guider non pas par les textes mais par autre chose qui n’a rien à voir avec les textes. Et il se trouve que le manteau de juge est trop grand pour certains parmi ceux qui ont le très grand privilège de l’arborer. Hélas !
Me Mohamed Traoré