Le général Brice Oligui Nguema, qui a renversé Ali Bongo Ondimba il y a cinq jours au Gabon, a prêté serment, lundi 4 septembre, comme président d’une « transition » dont il n’a pas fixé la durée, mais avec la promesse réitérée de « rendre le pouvoir aux civils » par des « élections crédibles ».

Des militaires avaient proclamé le 30 août la « fin du régime » d’Ali Bongo, qui dirigeait le Gabon depuis quatorze ans, moins d’une heure après la proclamation de sa réélection lors du scrutin contesté du 26 août. Le lendemain, les chefs des corps de l’armée et de la police, réunis dans un Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) avec à leur tête le général Oligui, avaient accusé l’entourage du chef de l’Etat – notamment son épouse et l’un de ses fils – de « détournements massifs » d’argent public et d’une « gouvernance irresponsable ».

 

Depuis plus de cinquante-cinq ans, la famille Bongo dirigeait sans partage ce petit Etat d’Afrique centrale, parmi les plus riches du continent grâce à son pétrole, mais sous le joug d’une élite accusée par ses opposants de « corruption massive » et de « mauvaise gouvernance ».

« Je jure devant Dieu et le peuple gabonais de préserver en toute fidélité le régime républicain » et « de préserver les acquis de la démocratie », a déclaré à la présidence, devant des juges de la Cour constitutionnelle, le général de brigade en costume d’apparat rouge de la Garde républicaine (GR), l’unité d’élite de l’armée qu’il commandait.

 « Acte patriotique »

Devant des centaines de convives, dont des ministres déchus d’Ali Bongo, des caciques de son parti mais aussi des ténors de l’opposition, le général les a exhortés à participer à l’élaboration d’une future Constitution qui sera « adoptée par référendum » et de nouveaux codes électoral et pénal « plus démocratiques et respectueux des droits humains ». Il s’est aussi « engagé » à « remettre le pouvoir aux civils en organisant des élections libres, transparentes et crédibles ». Il a enfin annoncé la désignation « dans quelques jours » d’un gouvernement de transition composé de personnes « expérimentées » et « aguerries », à qui il demande la libération des « prisonniers d’opinion » et le retour des « exilés politiques ».

Ali Bongo, 64 ans, en résidence surveillée depuis le putsch, avait été élu en 2009 à la mort de son père, Omar Bongo Ondimba, au pouvoir depuis plus de quarante-et-un ans. Le « patriarche » était aussi l’un des piliers de la « Françafrique », système de cooptation politique, de chasse gardée commerciale et de corruption entre la France et certaines de ses ex-colonies du continent.

 Depuis son coup de force, l’armée, remerciée par la majorité des Gabonais de les avoir « libérés du clan Bongo », refuse de parler de coup d’Etat, préférant évoquer un « acte patriotique » ayant évité un « bain de sang ». Aucun mort ni blessé n’a été rapporté. Le général Oligui a dit lundi son « grand étonnement quand on entend certaines institutions internationales condamner l’acte posé par des soldats qui n’ont fait que respecter leur serment sous le drapeau : sauver la patrie au péril de leur vie ».

Selon lui, l’armée a eu « un double choix : soit tuer des Gabonais qui auraient légitimement manifesté, soit mettre fin à un processus électoral manifestement pipé […] Nous avons dit non, plus jamais ça dans notre beau pays, le Gabon ».

L’Union africaine, l’Union européenne, l’ONU et beaucoup de capitales occidentales ont condamné le coup d’Etat mais insisté aussi sur une « différence » avec des putschs sur le continent (huit en trois ans), car précédé d’« un coup d’Etat institutionnel », selon le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell.

 Liasses de billets

Le nouvel homme fort de Libreville, qui a rencontré toutes les composantes de la société durant cinq jours, s’est engagé à lutter contre la corruption et la mauvaise gouvernance, à redresser l’économie et à redistribuer des richesses aux plus pauvres.

Depuis le coup d’Etat, les télévisions publiques diffusent des images de l’un des fils du président déchu, Noureddin Bongo Valentin, de l’ex-première dame, Sylvia Bongo – « détenue » arbitrairement et au secret au Gabon, selon ses avocats –, et d’anciens responsables de la présidence ou du cabinet de Mme Bongo, montrés devant des liasses de billets de banque. Cette « jeune garde » est détenue pour « haute trahison », « détournements massifs de deniers publics » et « falsification de la signature » du chef de l’Etat, selon les putschistes, qui accusent des membres de la famille de M. Bongo de l’avoir « manipulé » en profitant des séquelles d’un AVC survenu en 2018.

 

A la sortie du palais présidentiel, des caciques du pouvoir d’Ali Bongo ont été hués ou salués par une bronca. « On fait des études mais on ne trouve pas de travail, je suis au chômage depuis cinq ans, on nous dit que les caisses sont vides et on finit par trouver tout cet argent chez eux », s’emporte Anouchka Minang, une sage-femme de 31 ans. « Nous ressentons la liberté, la joie et surtout l’espoir d’un avenir meilleur », s’exclame Lucrèce Mengué, 28 ans, parmi les milliers de personnes massées devant le palais.

 

Le Monde avec AFP