Procès des évènements du 28 septembre 2009 : « Dadis m’a dit, mon ami Tibou, tu as vu ce qu’ils m’ont fait… »
A l’audience de ce jour, les débats étaient houleux, mais le premier témoin a été entendu. Il s’agit de Tibou Camara. Pour rappel, c’est le téléphone de l’ancien MinistreTibou Camara qui fut utilisé par capitaine Moussa Dadis Camara pour parler avec le leader politique Sidya Touré tard dans la nuit du 27 au 28 septembre 2009.
Selon le témoin, il était couché quand il fut appelé par capitaine Moussa Dadis Camara de se rendre au camp. » Quand je suis arrivé au camp, j’ai trouvé Dadis assis dans un petit couloir attenant à son bureau les mains sur la tête. Il m’a dit: Tibou, tu as vu ce qu’ils m’ont fait ? Il était dévasté. Ceux qui ont informé Dadis, lui ont dit que les gens sont morts par bousculade. Quand je lui ai dit que d’autres sont morts par fusillade, il a sursauté du fauteuil. (…). Et, tout le monde se demandait au camp ceux qui ont pu faire ça ».
Une fois au camp, il lui demanda d’appeler Sidya Touré pour lui demander de reporter la manifestation. Il appela Sidya et lui demanda de garder la ligne, le président voulait te parler. Comme l’avait déclaré Dadis à la barre, il avait demandé à Sidya de reporter la manifestation, parce que le courant passait très bien entre les deux. Sidya lui a répondit en disant qu’il faisait nuit et qu’il était difficile d’appeler ses pairs de l’opposition pour reporter la manifestation. Le téléphone se coupa. Tibou a de nouveau rappelé. Dadis a demandé de nouveau le report et la délocalisation de la manifestation. Sidya a répondu en disant que c’était juste pour rencontrer les militants, se parler et retourner à la maison.
Le téléphone se coupa de nouveau et Tibou affirme qu’il n’avait plus rappelé. Dadis aux dires de Tibou était un peu déçu et ils se sont quittés tard cette nuit. Mais les discussions devaient commencer le lendemain avec des leaders religieux.
Au petit matin, il appela de nouveau Tibou de venir au camp. Mais Tibou lui dira que le terrain n’était pas favorable parce que dans son quartier ou il y avait des échauffourées, il y avait des troubles et il avait un problème de véhicule. Il était difficile d’aller au camp. Finalement, Dadis a envoyé Colonel Issa Camara le chercher à la maison pour le camp. Quand je suis arrivé au camp, j’ai trouvé Dadis les mains sur la tête et il m’a dit : « mon ami Tibou, tu as vu ce qu’ils m’ont fait ». Ajoutant que Dadis était dépassé par les évènements, ajoutant qu’il s’était engagé à hospitaliser les leaders politiques qui étaient blessés.
A la question du parquet de savoir à qui Dadis s’adressait quand il a dit « mon ami Tibou, tu as vu ce qu’ils m’ont fait », Tibou affirme qu’il n’a dit aucun nom.
Par ailleurs, actualité oblige, l’évasion spectaculaire de quatre détenus le 4 novembre dernier de la maison centrale s’est invitée dans les débats.
Me Fodé Chérif Kaba, avocat du colonel Claude Pivi a sollicité du tribunal de demander au parquet où se trouverait l’accusé Claude Pivi qui n’a pas répondu à l’appel ce matin, parce que à la veille de l’ouverture du procès le 28 septembre 2022 affirme Me Chérif, son client s’est constitué prisonnier comme les autres.
D’autres avocats sont revenus à la charge pour parler de la sécurité des acteurs du procès : « les avocats craignent pour leur sécurité, la sécurité de leurs clients et de tous les acteurs de ce procès et demande des garanties pour l’accès à la maison centrale qui reste sous le contrôle des forces spéciales ».
D’autres cris de cœur furent soulèves par les avocats de la défense qui affirme que le parquet n’a pas respecté la loi sur l’identité des accusés et le temps mis pour communiquer la liste des témoins.
En réponse le procureur de la République près le Tribunal de première instance de Dixinn, Algassimou Diallo a déclaré qu’il est prématuré de se prononcer sur le sujet : « le parquet général de Conakry a engagé des poursuites pour faire la lumière autour de cette évasion. En outre la maison centrale se trouve dans la juridiction de Kaloum qui est territorialement compétent pour connaitre de cette affaire. Il n’appartient pas au parquet d’assurer la sécurité des avocats, enfonce le parquet qui ajoute que c’est à la direction nationale de l’administration pénitentiaire de faciliter l’accès à la maison centrale où le problème doit être posé.
C’est sur ces passes d’armes que le président du tribunal criminel a suspendu les débats. A la reprise, il a rejeté la demande de nullité soulevée par la défense tout en rejetant les autres demandes formulées par la défense qui selon le parquet ne relevaient pas de la compétence du Tribunal de criminel de Dixinn.
Ibrahim Sory II Tounkara a alors ordonné la continuation des débats avec l’audition des témoins.