Le respect que l’on doit à la Justice dépend aussi de la qualité des décisions qu’elle rend et de leur apport quant à la compréhension des questions juridiques
Dans le dossier concernant Sékou Jamal Pendessa, on constate un certain nombre de curiosités juridiques qui interpellent.
En partant de l’ordonnance n°079 du 16 février 2024 du doyen des juges d’instruction du Tribunal de Dixinn, portant requalification et renvoi devant le Tribunal correctionnel, on relève que Sékou Jamal Pendessa était poursuivi pour » participation à une réunion publique non autorisée par les autorités administratives compétentes, participation délictueuse à un attroupement non armé, atteinte et menace de porter atteinte à l’ordre public, à la sécurité publique, à l’intégrité et à la dignité des individus par le biais d’un système informatique, et complicité par instigation…. »
Le juge d’instruction, usant de son pouvoir de requalification, a quant à lui, retenu le délit de provocation directe à un attroupement par le biais d’un système informatique en visant les dispositions combinées des articles 632 du Code pénal, 31 et 32 de la Loi 037 du 28 juillet 2016 relative à la cyber-sécurité et la protection des données à caractère personnel.
Mais à ce niveau, il y a un problème.
En effet, les articles 31 et 32 de la Loi relative à la cyber-sécurité et à la protection des données à caractère personnel ne font pas allusion au délit de provocation à un attroupement.
Le texte qui prévoit et punit cette infraction est l’article 632 du Code pénal. Même si on peut admettre que le moyen utilisé pour provoquer à un attroupement est un système informatique.
Le magistrat d’instruction déclare dans son ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel que les agissements de Sékou Jamal Pendessa « sont constitutifs du délit de provocation directe à un attroupement par le biais d’un système informatique « . Sauf que les articles 31 et 32 de la Loi relative à la cyber-sécurité et à la protection des données à caractère personnel ne collent pas à cette qualification.
Mais c’est sous cette qualification que Sékou Jamal Pendessa a été renvoyé devant le tribunal pour être jugé.
Après débats, réquisitions et plaidoiries, le Tribunal l’a condamné pour les délits de « participation délictueuse, de provocation, la réunion sur la place publique, menace et atteinte à l’ordre public, et à la sécurité, à l’intégrité et la dignité des individus par le biais d’un système informatique. »
Il faut avouer que cette condamnation posait un véritable souci tant sur la forme que sur le fond. En effet, on ne comprend pas vraiment les délits retenus tant la formulation choisie par le juge est obscure. Par ailleurs, on peut relever que ce ne sont pas tous ces « délits » qui ont motivé le renvoi de Sékou Jamal Pendessa devant le juge correctionnel et que si celui-ci devait procéder à une requalification des faits, il devait provoquer un débat sur la nouvelle qualification qu’il voulait retenir. Mais cela n’a pas été le cas.
Est-ce que la Cour d’appel a reformé la décision du premier juge sur ce point ? Il faut attendre que son arrêt soit disponible pour se faire une idée de son contenu et des arguments du juge d’appel. Toujours est-il que Sékou Jamal Pendessa a recouvré sa liberté. Ce qui est important pour le moment aux yeux de ses collègues.
Me Mohamed Traoré
Ancien Bâtonnier de l’ordre des avocats
Avocat à la Cour