Courant 2024, finalisation de presque tous les montages financiers, des autres structurations et levée d’obstacles du méga Projet Simandou concernant l’exploitation des riches mines de fer des contreforts du Simandou, du Nimba et autres monts connexes, après de décennies de sommeil et de léthargies. Ces richesses et ressources naturelles appartiennent à toute population guinéenne, celle présente comme celle future. Ces mêmes ressources et richesses ne sont pas non plus inépuisables, par nature. Il importe donc de bien gérer les fruits issus de ce gigantesque projet de manière durable afin qu’ils profitent à toute la population toutes générations confondues, en respect au principe d’équité générationnelle. Ainsi, dans la présente tribune, nous verrons successivement une série d’initiatives permettant d’atteindre cette exigence de justice sociale et d’équité intergénérationnelle en faveur de toutes les filles et de tous les fils de la Guinée quant à la jouissance des richesses et ressources naturelles dont regorgent le pays, particulièrement, dans le cadre du Projet Simandou.

Investissement dans les infrastructures routières, ferroviaires, maritimes et de télécommunications
A l’Etat, les infrastructures, au citoyen, la liberté d’entreprendre. Cette assertion a pour fin de démontrer que les gros ouvrages doivent être effectués par l’Etat pour permettre au citoyen d’agir librement pour la création de la richesse. Un des acquis du Projet Simandou concerne le legs du chemin de fer qui traverse le pays et des infrastructures portuaires qui en résultent. Il faut continuer à investir dans le domaine des infrastructures à l’échelle de l’ensemble du pays pour impulser son développement. Une attention particulière doit être accordé à la réhabilitation du chemin de fer Conakry-Kankan (ancienne ligne de fer coloniale Conakry-Niger). Un investissement notable dans les infrastructures de télécommunications et des réseaux de fibre pour le développement des nouvelles technologies d’information et de communication est également nécessaire.
Renforcement du Capital Humain Guinéen
La richesse d’un pays réside plus en ses ressources humaines qu’en celles géologiques et autres. La Guinée se doit de profiter de cette manne financière pour investir un pourcentage conséquent de son budget dans l’éducation de sa population. Il est temps de renforcer la formation pratique vocationnelle avec des lycées techniques, des instituts professionnels et des écoles polytechniques de qualité. Les curricula de formation doivent correspondre au besoin de développement du pays. Une alphabétisation fonctionnelle dans les langues nationales sera également de mise. S’y ajoutent des programmes de santé publique et de la protection sociale dans tout le pays afin de réduire les disparités qui existent dans la carte sanitaire entre zones rurales et urbaines.
Investissement au niveau des ressources énergétiques et des ressources en eau
Il n’est pas indispensable d’insister sur l’importance du courant et de l’eau dans le développement de tout pays. Il est tout aussi important de souligner le retard criard de la Guinée dans ce domaine en dépit des immenses potentialités en énergies et en eau qui lui ont valu de qualificatif de « Château d’eau de l’Afrique de l’ouest ». Ici, également, il est nécessaire de lancer d’immenses projets hydroélectriques et surtout d’investir dans les énergies renouvelables comme le solaire, le biogaz et l’éolien.
Edification d’une nouvelle Capitale politique
La bauxite et le fer brésilien ont donné Brasilia, le pétrole nigérian a fait naître Abuja, … Les exemples sont lésion en ce qui concerne les pays miniers qui ont érigé de nouvelles capitales avec les moyens financiers issus de leurs ressources minières pour désengorger les anciennes capitales qui sont demeurées des capitales économiques. Il ne saurait en être autrement dans le cas guinéen. Il est plus que salutaire de mettre en place un comité stratégique en vue de mener des études rigoureuses et approfondies pour l’érection d’une nouvelle capitale politique à l’intérieur du pays comme maintes fois par plusieurs autres plumes. Conakry, avec sa façade maritime, avec un ajout d’une zone franche industrielle, continuera à jouer le rôle de capitale économique du pays.
Lancement d’un Fonds souverain pour l’équité intergénérationnelle
Dans une de nos précédentes tribunes, bien avant le développement fulgurant qu’a connu le Projet Simandou, nous avions fait une proposition en ce sens. Pour plus de détails, nous renvoyons à sa lecture dont les idées demeurent d’une brûlante actualité. Elle s’intitule : « L’Or de Kounsitel, la Bauxite de Boké et le Diamant de Banankoro. Pour l’équité intergénérationnelle, la création d’un Fonds souverain en Guinée », tribune en date du 01 juillet 2021. Nous y ajouterons à présent « et le Fer de Simandou ». Nous y avions indiqué l’objectif d’un tel Fonds en ces termes : « Le but principal qui pourrait être assigné à un tel fonds est la captation, la gestion et réinvestissement des ressources financières issues de l’exploitation des richesses naturelles de la Guinée et ce, pour l’équité intergénérationnelle, la diversification de l’économie, la création de l’emploi et la protection de l’environnement ». Ainsi, à l’instar d’autres pays miniers comme la Norvège, le Koweït, l’Angola et autres, nous pourrons avoir notre Fonds Nimba ou sous autres appellations, en vue d’amorcer une gestion durable de nos fonds issus de nos mines de bauxite, de fer et autres.
Le développement de l’agriculture comme secteur de reconversion de l’après bauxite et fer et en termes de diversification de l’économie nationale
La Guinée doit miser sur son secteur agricole non seulement pour l’étendue et la richesse de son sol arable mais surtout pour son potentiel de durabilité. Les plaines et les riches coteaux sont propices à tout type d’agriculture tant vivrière et que de rente. La diversité de climat dans les différentes régions du pays permet aussi une diversité de culture et la possibilité de produire divers produits agricoles de saison et de contre saison toute l’année. Les affluents et les divers bassins versants des fleuves et cours d’eaux sont de nature à fournir la ressource en eau nécessaire au développement de ce secteur primaire qui emploie une majorité de la population. La Guinée pourra reprendre sa place parmi les grands producteurs de la pomme de terre, de la mangue, du riz, du coton, de l’ananas, du fonio, de l’igname, du café, de la banane, de l’anacarde et autres. Nous y ajouterons l’élevage et les ressources halieutiques.

Pour conclure, nous voudrions souligner que la bonne gestion de la manne financière issue de l’exploitation des mines de fer du Projet Simandou en faveur des populations guinéennes présentes et futures ne constitue pas une charité mais la réalisation d’un droit du peuple à la libre disposition de ses richesses et ressources naturelles éloquemment souligné à l’article 21.1 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples en ces termes : « Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles. Ce droit s’exerce dans l’intérêt exclusif des populations. En aucun cas, un peuple ne peut en être privé ». Nous formulons le vœu que, dans le cadre de l’exploitation du Projet Simandou, les autorités nationales auront toujours en vue la réalisation de ce droit inaliénable du peuple à la libre disposition de ses richesses et ressources naturelles, tant dans sa jouissance que dans sa gestion dans une perspective de développement durable et équitable en faveur de toutes et de tous.

Conakry, le 27 juin 2024
-Juris Guineensis No 65
Me Thierno Souleymane BARRY, Ph.D
Docteur en droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)
Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour