À l’heure où la Guinée tente de redessiner les contours d’un avenir démocratique au sortir d’une transition militaire, il y a ce constat amer : le pays traverse une véritable disette médiatique. Si quelques organes privés, armés d’un courage admirable et d’un professionnalisme opiniâtre, parviennent encore à faire vivre l’information, l’époque où la pluralité d’opinions nourrissait le débat public est aujourd’hui lointaine, presque révolue depuis l’ascension du CNRD.
Le paysage médiatique guinéen, naguère foisonnant et contrasté, s’est resserré à vue d’œil. Et les divergences de perception sur le traitement de l’information par certains médias servent désormais de prétexte à une répression à peine voilée de la liberté de la presse. À force de circonscrire l’espace d’expression, les autorités de la transition confondent régulation et asphyxie. Pourtant, à l’horizon 2025 — année électorale décisive —, la Guinée devrait renouer avec les principes fondamentaux de pluralisme médiatique, condition sine qua non d’une démocratie crédible et d’un État de droit assumé.
Certes, dans un climat politique fragile et sous haute tension, laisser circuler des informations non vérifiées ou infondées peut avoir des conséquences désastreuses sur la stabilité sociale. Sur ce point, nul esprit sensé ne saurait plaider l’irresponsabilité. Mais exiger de chaque citoyen lambda qu’il opère un tri critique sur des données complexes et parfois manipulées, c’est nier le rôle fondamental du journaliste formé, aguerri, et soumis à des règles déontologiques. Même les professionnels les plus chevronnés peuvent trébucher dans ce dédale d’informations, tant les mutations technologiques ont bouleversé les repères.
À chaque coup d’État, le même scénario se rejoue : les forces armées prennent d’assaut les sièges des médias publics, comme si la RTG était encore la citadelle de la vérité. Mais le monde a changé. L’information est devenue fluide, décentralisée, insaisissable. Les réseaux sociaux, les plateformes numériques, les blogs citoyens ont pulvérisé l’ancien monopole des médias d’État. Pourtant, au lieu de former les professionnels aux nouvelles exigences du terrain, l’on préfère museler ceux qui détiennent le savoir-faire, tout en laissant libre cours à l’amateurisme le plus périlleux.
Entraver les journalistes et ouvrir les vannes à tous les charlatans de l’info, c’est comme demander à un soldat de combattre avec une main attachée dans le dos pendant que les civils non entraînés prennent d’assaut le front. L’information est un métier, un art même, avec ses règles, ses lois, et surtout ses responsabilités.
Que ces lois soient renforcées en temps de crise est compréhensible — tous les États le font. Sanctionner les professionnels fautifs est légitime. Mais instaurer un climat de peur et de sanction permanente, au détriment d’un cadre de travail sécurisé et formateur, c’est hypothéquer l’intelligence collective du pays. Et c’est, paradoxalement, le pouvoir lui-même qui en paie le prix : multiplication des plaintes, communiqués de rectification en cascade, perte de crédibilité à l’international.
Car il ne faut pas s’y tromper : l’information est une arme. Tous les stratèges militaires le savent. Et aucun commandant ne commence une bataille en abattant ses propres éclaireurs. Il les forme, les encadre, les arme d’outils adaptés aux nouvelles réalités. Or, depuis le début de cette transition, jamais une politique sérieuse de renforcement des capacités des journalistes n’a été enclenchée. On a préféré la censure à la pédagogie, le bâillon au dialogue.
La presse guinéenne n’a pas besoin de compassion, mais de considération. Elle n’a pas besoin de chaînes, mais de balises claires. Si la transition veut aboutir à une véritable refondation, elle ne pourra ignorer plus longtemps la voix de ceux qui éclairent le chemin. Il lui est primordial d’associer tous les médias — suspendus ou licences retirées — à la transition vers l’état de droit en cette année électorale. Redonner de l’oxygène à l’espace médiatique, ce n’est pas un luxe : c’est une condition vitale pour bâtir la Guinée de demain.
Excellent djouma à toutes et à tous !🙏
Guineelive.com