Dans un discours mémorable prononcé lors du pèlerinage national de Boffa (27 avril – 5 mai 2025), Monseigneur Moïse Tenguiano, évêque de Boké, a livré un message audacieux et sans détour. Tout d’abord, cet homme de Dieu a salué les acquis de l’Église catholique en Guinée, s’inquiétant tout de même du climat sociopolitique actuel. Appelant les autorités à garantir la liberté d’expression, il a exhorté le peuple guinéen à rêver, construire et s’unir pour une transition réussie et durable.
Dans l’enceinte du sanctuaire historique de Boffa, lieu de mémoire et de foi, le ton était à la fois solennel et engagé. Ce pèlerinage national catholique, a été marqué par une prise de parole remarquée. Devant une foule nombreuse composée de fidèles, de religieux et d’observateurs de la société civile, l’homme d’Église a livré un message fort, qui a rapidement dépassé les frontières ecclésiastiques.
Une Église enracinée dans l’histoire guinéenne
En introduction de son allocution, Monseigneur Tenguiano a tenu à rappeler les mérites de l’Église catholique dans l’histoire du pays : sa résilience, son rôle dans l’éducation, la santé, la paix, et sa fidélité aux principes évangéliques. Il a salué les pionniers de la mission de Boffa, en particulier les « frères captifs » dont l’œuvre a survécu plus de 150 ans.
“Rêvons une nation plus développée”
Mais très vite, le discours a pris une dimension politique. Dans une Guinée qui traverse une transition institutionnelle complexe depuis septembre 2021, l’évêque a mis en garde contre les menaces qui pèsent sur les libertés fondamentales : “Certaines interdictions prennent la forme de pressions internationales. D’autres naissent à l’intérieur, entre nous. Elles peuvent cibler un parti politique, une radio libre, une chaîne indépendante”, a d’abord lancé l’évêque avant que son propos se durcit : “Nous vous avons formellement interdit”, répète-t-il.
Poursuivant, il a directement interpellé les membres du CNRD, du CNT et du gouvernement : “Nje faites jamais taire la voix.” Avec une intensité croissante, le prélat a appelé à poser les bases d’un “dialogue sincère, inclusif et durable”. Selon lui, la réussite de ladite transition dépend d’une volonté politique réelle de tourner la page des régimes instables. “Prenons le temps de bâtir sur le roc, et non sur le sable », a-t-il exhorté.
Et à ceux qui se préoccupent de la durée de vie ou du mandat des dirigeants, Mgr Tenguiano répond avec une sagesse spirituelle : “Le nombre d’années ne m’intéresse pas. Ce qui compte, c’est ce que l’on accomplit chaque seconde au service du peuple et de l’Église.”
Un appel à l’engagement et à la cohérence
Dans une envolée lyrique, il a par ailleurs appelé chaque Guinéen à rêver d’un pays juste et fraternel : “Rêver, rêver à une nation plus développée… Celui qui ne sait pas rêver, qu’il disparaisse de ce monde-là.”
Dans un autre pan, il a également critiqué l’opportunisme politique, déplorant les acteurs “qui passent de partis en partis”, et “mangent la nuit, mais se taisent le jour », estimant que ce sont des figures sans convictions, qui fragilisent selon lui le projet national.
Des œuvres durables, pas des projets éphémères
Avant de clore son homelie, l’évêque a invité les autorités à inscrire leurs actions dans la durée : “Ne misez pas sur des projets éphémères. Que dans 150 ans, l’on dise : ‘voici l’œuvre de tel ou tel responsable
qu’ils seront fiers de célébrer avec joie. N’optez pas pour des projets éphémères, on mange aujourd’hui et c’est fini, voter pour des projets qui durent dans le temps. Pour que l’histoire puisse retenir, c’est non pas pour avoir imposé la force, mais pour avoir bâti l’unité, enraciné la justice et préparer l’avenir.
Faut-il noter qu’en sortant de la stricte sphère religieuse, à l’image des prêtres congolais, Monseigneur Moïse Tenguiano confirme le rôle que veut jouer l’Église dans la refondation nationale : un rôle de veille, de conscience et de médiation. Et, à l’heure où les débats sur l’avenir de la transition s’intensifient, sa voix, forte mais mesurée, devrait-il trouver un écho auprès de nombreux Guinéens en quête de repères et de stabilité?
Source: MediaGuinee