L’administration Trump assume pleinement sa nouvelle ligne diplomatique en Afrique : faire des affaires, miser sur la compétitivité des entreprises américaines et renforcer leur présence économique face à l’influence grandissante de la Chine. Cette réorientation donne une place centrale à la performance commerciale. Elle modifie même les critères d’évaluation des diplomates américains sur le continent.
Pour Christopher Landau, sous-secrétaire d’État américain, la priorité est claire : « L’investissement commercial est désormais au cœur de l’action extérieure ». À ses yeux, la diplomatie doit produire des effets concrets pour les entreprises et les travailleurs américains.
Le département d’État déploie plus de 1 000 agents commerciaux dans ses ambassades à travers le monde, chargés d’accompagner les acteurs économiques dans leurs échanges avec les États-Unis. « Nous sommes une administration prête à faire du business », insiste-t-il.
« Du commerce, pas de l’aide »
Troy Fitrell, haut responsable au Bureau des Affaires africaines, l’a réaffirmé cette semaine lors de sa mission en Afrique de l’Ouest. Il a souligné que le continent constitue le plus vaste potentiel inexploité au monde : 2,5 milliards d’habitants d’ici 2050, avec un pouvoir d’achat qui pourrait dépasser les 16 000 milliards de dollars. Pourtant, la réalité reste contrastée. Les exportations américaines vers l’Afrique subsaharienne représentent moins de 1 % du commerce total des biens.
L’heure est donc au changement. « Nous ne considérons plus l’Afrique comme un continent à assister, mais comme un partenaire à part entière », affirme Troy Fitrell. Le slogan « Du commerce, pas de l’aide » devient un principe directeur. L’objectif : accroître les exportations, favoriser les investissements américains et bâtir une prospérité partagée.
Dans cette logique, les ambassadeurs sont désormais jugés sur leur capacité à soutenir les entreprises américaines et à conclure des accords. Les premiers résultats sont déjà là : 33 contrats signés en 100 jours, pour un montant total de 6 milliards de dollars.
Un sommet États-Unis–Afrique est prévu à l’automne. Il devra confirmer cette dynamique et ouvrir un nouveau chapitre de coopération économique avec les dirigeants du continent.
Washington intéressé par les minerais de la région des Grands Lacs
Et l’un des endroits où cette offensive économique américaine est visible est la RDC et le Rwanda. Pendant que les réunions se multiplient pour un accord de paix dans l’est de la RDC, les États-Unis avancent déjà leurs pions sur le terrain économique, notamment dans le secteur des minerais stratégiques. Les États-Unis ne cachent pas leurs priorités : la déclaration de principes entre la RDC et le Rwanda, signée avec leur facilitation, vise aussi à protéger leurs intérêts stratégiques, notamment dans le domaine des minerais critiques.
Moins de 20 jours après cette signature, Kim Harrington, secrétaire adjointe principale par intérim au Bureau des ressources énergétiques du département d’État américain, a assisté le 13 mai à la signature d’une lettre d’intention entre la société minière Trinity Metals, l’un des leaders rwandais dans la production des minerais 3T (étain, tungstène, tantale) et les partenaires américains.
L’objectif est de mettre en place une chaîne d’approvisionnement directe entre le Rwanda et les États-Unis. Interrogé par RFI, Troy Fitrell, haut responsable du bureau des Affaires africaines au département d’État, a assumé cette accélération : « Si vous attendez l’accord complet, il faudra attendre 30 ans », a-t-il déclaré. Et d’ajouter : « Il ne faut pas attendre six mois ou un an, il faut aller vite ». Pour lui, « les choses commencent à bouger » et « beaucoup de travail est fait dans l’ombre ». Mais il maintient la pression : « Rien n’est plus coûteux que la guerre », dit-il.
Il appelle donc la RDC et le Rwanda à « formaliser l’économie et le commerce » le plus tôt possible dans la région.
Troy Fitrell rappelle également que les États-Unis ne se sont pas imposés dans ce processus : « Les deux parties, RDC et Rwanda, ont demandé l’implication américaine ».
Sur le terrain, le Rwanda dispose déjà d’usines de transformation de minerai – étain, tantale, or –, ce qui facilite son positionnement dans les négociations. En RDC, cette avance rwandaise commence à susciter des interrogations. Au sein du gouvernement congolais, certaines voix plaident désormais pour que des experts aguerris soient associés aux discussions commerciales dès cette étape, afin d’éviter que les intérêts stratégiques du pays ne soient mis à l’écart dans la mise en œuvre des accords à venir.
Source: RFI