Des affrontements ont eu lieu ce vendredi 9 février lors de manifestations à Dakar et en province pour protester contre le report des élections. Un étudiant est mort à Saint-Louis en marge d’un rassemblement.

 

Des manifestants sénégalais protestent contre le report de l’élection présidentielle du 25 février, à Dakar, le 9 février 2024.

Des manifestants sénégalais protestent contre le report de l’élection présidentielle du 25 février, à Dakar, le 9 février 2024. REUTERS – ZOHRA BENSEMRA

 

Les tentatives de rassemblements ont été systématiquement dispersées dans tout le pays. Dans le nord du pays par exemple, dans la grande ville de Saint-Louis, des affrontements ont éclaté entre forces de l’ordre et manifestants dans plusieurs quartiers de la ville qui ont échangé gaz lacrymogène et jets de projectiles.

 

Un jeune homme a perdu la vie en marge de ces heurts, rapporte notre correspondante à Dakar, Juliette Dubois. Il s’agit d’un étudiant à l’université Gaston Berger. Sa mort a été confirmée par une source hospitalière et une source universitaire.

 

Selon le club de géographie de l’université, il s’agirait d’Alpha Yoro Tounkara qui étudiait en deuxième année de licence dans cette discipline.

 

Dans d’autres villes du nord du pays comme Louga, on a vu des groupes de manifestants et des pneus brûlés. Plusieurs interpellations ont eu lieu et des scènes similaires se sont déroulées à Mbacké.

Au sud du Sénégal, la capitale de la Casamance, Ziguinchor, bastion de l’opposant emprisonné Ousmane Sonko, a également été le théâtre de violents affrontements jusqu’au soir. Des manifestants sont aussi sortis dans les rues de Kolda, en Casamance… ou encore de Diourbel, dans le centre du pays.

Un manifestant court dans une rue de Dakar en marge d’affrontements avec les forces de l’ordre, le 9 février 2024.

Un manifestant court dans une rue de Dakar en marge d’affrontements avec les forces de l’ordre, le 9 février 2024. AFP – GUY PETERSON

 « Macky Sall nous a menti »

À Dakar, la place de la Nation où était annoncé le rassemblement a été bouclée. Barrières, pick-ups et blindés… Un important dispositif policier a été déployé pour empêcher la tenue d’une manifestation. C’est donc aux abords de cette place que des heurts ont éclaté dans les rues adjacentes, notamment dans les quartiers de Colobane et de Médina, rapporte notre envoyée spéciale à Dakar, Charlotte Idrac. Tôt dans l’après-midi, des fumées noires s’élevaient aux abords de la place de la Nation. Plusieurs rues étaient bloquées et de nombreux commerces ont baissé le rideau. Des journalistes ont également été pris à partie par les forces de l’ordre et la situation reste très tendue à Dakar.

 

Les jeunes qui se mobilisent se disent en colère et très déterminés. Ils réclament le droit à manifester. « Macky Sall nous a trahis, Macky Sall nous a menti », disait l’un d’eux avec un masque sur les yeux et le drapeau aux couleurs du Sénégal sur le dos. « Macky Sall, dictateur », lançait un autre. « On n’est pas au royaume de Macky Sall, mais dans une République, il ne peut pas faire ce qu’il veut », disait un manifestant. Certains disent aussi regretter l’absence de leaders de l’opposition sur le terrain, mais cet appel à manifester cet après-midi semblait spontané. Il a largement circulé sur les réseaux sociaux et il n’a pas été formellement lancé par un parti ou une organisation.

On est venu en tant que citoyen sénégalais pour contester le report de la présidentielle. Macky Sall doit respecter le Sénégal.

 Paroles de manifestants à Dakar

De son côté, le collectif « Protégeons notre élection » avait appelé à ce que les fidèles musulmans s’habillent en blanc pour la grande prière du vendredi en signe de protestation par rapport au report de la présidentielle au 15 décembre prochain. Un appel relativement suivi dans une mosquée du centre-ville tout près de la résidence du président Macky Sall.

Réactions devant une mosquée du centre-ville tout près de la résidence du président Macky

 Sur le front juridique ce vendredi, 14 candidats à l’élection, qui était prévue le 25 février, viennent de déposer un recours devant la Cour suprême pour demander l’annulation du décret du président Macky Sall sur le report de l’élection, rapporte notre correspondante à Dakar, Léa-Lisa Westerhoff. « Un décret illégal », selon eux.

« On espère un dernier sursaut de la justice pour se réconcilier avec la population », a commenté le candidat Habib Sy, qui fait partie des 14 opposants à avoir saisi la Cour. « Actuellement, l’avenir du pays est entre les mains de la Cour suprême et du Conseil constitutionnel. Il faut qu’ils disent le droit et s’ils disent le droit, toutes les mesures prises par Macky Sall seront annulées », a-t-il ajouté.

« Le président de la République a manifestement dépassé ses pouvoirs et les conséquences de ce décret sont extrêmement importantes parce que ce sera à la suite de ce décret que le processus peut être arrêté », selon l’avocat du collectif, Adama Gueye. Et pour la candidate Anta Babacar Ngom, cette bataille sur le front juridique est cruciale. « Il faut comprendre que ce n’est pas une bataille de candidats. Ce sont les Sénégalais qui ont aujourd’hui été privés de leur droit constitutionnel le plus basique. Nous espérons que les juges saisiront l’opportunité de montrer au monde entier qu’une justice existe encore au Sénégal », estime-t-elle.

Le problème, c’est que la Cour suprême n’a pas de délai pour statuer. Pour accélérer la cadence, les candidats vont donc initier une procédure d’urgence lundi 12 février, car une course contre-la-montre s’est engagée vu que la date prévue de la présidentielle avait été fixée au 25 février.

En parallèle, le Conseil constitutionnel a été saisi par une cinquantaine de députés de l’opposition. Ces élus estiment que le texte viole la Constitution et notamment les articles qui verrouillent le nombre et la durée du mandat du président.

 Au Sénégal, la journée de contestation contre le report des élections au 15 décembre a commencé dans les collèges et lycées sur tout le territoire national. Les syndicats d’enseignants avaient à l’arrêt des cours à partir de 10h pour montrer leur désaccord face au report de la présidentielle.

 Avec RFI