Je postule que, l’Afrique ancestrale s’en va lentement, mais sûrement. La mondialisation effacera bientôt nos économies, mais surtout nos traditions ! Les raisons sont multiples et la valeur de certaines d’entres elles ne peuvent être niée. Mais que n’a-t-on pas écrit sur les valeurs de cette Afrique, berceau de l’Humanité qui s’en va. Sous la plume de ces grands penseurs comme Cheick Anta Diop qui magnifia le génie africain par sa thèse sur la Nubie (Soudan et Sud extrême de l’Egypte) et ses pyramides, Léopold S. Senghor avec la Négritude qui invite à la fierté noire (I am Black and proud chantera le célèbre James Brown), Aissata Forêt Diallo qui réussit une analyse critique des libéralisations sauvages en Afrique dans « Les Cauris de Grand-mère », Djibril T. Niane qui raconta avec l’Epopée du Manding, les hauts faits d’une CEDEAO en miniature il y a plus d’un siècle (libre circulation des hommes et des biens). Pour ne rester que dans l’Afrique de la Francophonie.
Aujourd’hui, on se remémore plutôt la pièce de théâtre « les fous du rire » du guinéen Abdoulaye Fan Touré. Que fait-on de nos rites et coutumes ? Ce n’est pas une dénégation du positif émergeant, mais une invite à la retenue qui devrait être de mise ? Ou faut – il clamer alors « tel temps, tels mœurs » ?
Commençons donc avec le baptême des enfants! Que l’on retarde pour mieux le préparer, puisqu’apparemment, neufs mois de grossesse ne suffisent plus pour épargner le prix du bélier, des noix de colas et du pain blanc. A l’enfance, on jurait que « si tu mangeais ce pain tu auras mangé ton pain de baptême ». De nos jours, il y a des innovations ou simplement d’autres obligations ! On fait le baptême sobrement à date exacte (juste avec le mouton obligatoire et les érudits pour prononcer le nom en famille restreinte) et après, on se prépare pour épater, autant qu’au mariage, il y a juste un an peut-être. Avec des haut-parleurs de 100 décibels, ouverts à fonds et tournés vers l’autre.
Quel sacrilège ! Et quand le nouveau-né, fatigué de ce bruit assourdissant, en pique un rhume ou une infection, ce n’est plus le lait de maman, mais on le « réconforte » avec des sirops et antibiotiques made in China ou India. C’est plus rapide, non ? Si tout cela ne suffit pas, on organise le 1er anniversaire de Poupette ou Papus. Celui-ci n’en a cure. Il ne sait pas chanter, encore moins remercier ou maudire ceux qui en profitent sur son dos. Car demain, il craint que le lait de biberon ne soit aigre.
Quand l’enfant grandit, il se marie ! Moment divin pour les prétendants et leurs proches. Où les religions monothéistes clament haut et fort que deux témoins suffisent, quand l’intention de cette vie commune est vivement exprimée devant Dieu et devant les hommes. Dans les grandes villes, nous avons enrichi la cérémonie avec de nouveaux concepts et comportements : les parrains ou bailleurs ! Les 3 jours de bruits, de décibels qui se concurrencent, …. de Sabar avant date, pour obliger les voisins à « participer » à la fête et les femmes à économiser les petits déjeuners des enfants. Ce n’est pas là du Yankadi, du Toupousèssè, du Doumdoumba guinéens, mais il faut obligatoirement des danseuses sur commande du faré Yagni (danse lassive), du Gbassi, du rap, du tapage en fait.
Les filles d’honneur, aussi bougrement maquillées que la mariée. Le Vin d’honneur que même les chrétiens souhaitent sobre, aussi obligatoire que pompeux. Le parapluie pour la mariée, avec du Dollar ou l’Euro, s’il te plait. Le Franc Guinéen n’est pas convertible et çà n’épate point du tout sur les 5 vidéos commandés qui montrent la même scène. On l’oublie vite d’ailleurs. Abbas Yansané appelle çà « mariage pompeux ». Même si la dèche du couple commence moins d’un mois après ce grand jour.
Si tout ce la ne suffit pas, on se prépare pour la Saint-Valentin. Qui peut me définir cette sacrée amusette en Guinée et la ranger parmi nos émotions nègres ! Elle semble d’ailleurs trop compliquée pour la célébrer en famille. Il faut un cadre élargi, spécial, des décibels et bien sûr de l’argent! Alors on s’arrange avec d’autres copains et on fait même des annonces sur les ondes populaires de nos Radios et TV. Un jour nous suffit et on en parle même plus. Sinon qu’au collège et au Lycée !
Respectons les cérémonies de recueillement mortuaire ! Mais qu’en est-il des cas de maladies ? L’épidémie hémorragique à virus Ebola en est le cas extrême contre lequel notre pays remportera bientôt la victoire. Combien de chansons composées depuis son apparition? Mais aussi que de bruit et d’argent souvent mal orientés.
Les futurs candidats et leurs Etats-majors pourront-ils, voudront-ils privilégier une autre stratégie ? Le porte à porte argumenté de débats d’idées, de programmes politiques et idéologiques ne serait-il pas moins coûteux pour nous tous et, à la limite plus efficace pour montrer l’engagement des militants et responsables ? En lieu et place de longues files de véhicules bardés de haut-parleurs à décibels assourdissants pour le voisinage et pour le malheur des chercheurs de pitance quotidienne? On peut aussi programmer les rares stades et aires de jeux qui parsèment Conakry et l’intérieur du pays. Pour que vive une Guinée de Paix. On sait déjà que d’aucuns voudront aussi avoir des T-shirts de tous les candidats, pour ne pas manquer une goutte de la manne qui pleuvra.
Alkaly DOUMBOUYA