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« Quelle est ma loi ? » lançait le Doyen Kouassiguan dans les années 1970. Aujourd’hui, au tournant des années 2020, en paraphrase de cette boutade et en chœur, journalistes, corporations syndicales et organisations patronales de journalistes, institution républicaine en charge de la régulation, Ministre de la justice, avocats, universitaires et citoyens, répondent unanimement : Ma Loi est la Loi L.00 2 sur la liberté de la presse.

Par cette entrée en matière, nous voulons souligné le tollé suscité par le jugement rendu par le Tribunal de première instance de Kaloum dans le dossier opposant le ministère public aux journalistes de Nostalgie en l’occurrence Thierno Madjou Bah, Sidi Diallo et Ibrahima Sory Lincoln Soumah. Dans ce verdict et en application du Code pénal, le juge d’instance a prononcé une peine de 2 mois d’emprisonnement assorti de sursis et 500 000 francs guinéens d’amende. Pour rappel, le dossier est relatif à une plainte, depuis 2018, d’une religieuse, sœur Marie Louise Barry, directrice d’une école, contre les journalistes sus-nommés qu’elle accuse de diffamation lors d’une émission d’Africa 2015.

Le juge d’instance a ainsi écarté l’application de la Loi L.002 qui sied en la matière pour appliquer le Code pénal dans une affaire de délit commis par voie de presse. Alors qu’en pareilles circonstances, le siège de la répression d’un délit commis par voie de presse en Guinée est régit par la Loi L.002 sur la liberté de presse. L’économie de cette loi permet d’indiquer qu’en la matière, sauf circonstances exceptionnelles, la procédure à suivre est la citation directe et les sanctions prévues sont des amendes et non de peines d’emprisonnement. La Loi L. 002 obéit ainsi au principe de dépénalisation des délits de presse, un choix opéré par le législateur guinéen pour accroitre la protection de la liberté de presse en Guinée, à l’instar de plusieurs pays engagé dans un processus de démocratisation. Il ne s’agit point d’une déresponsabilisation du journaliste et encore moins d’une impunité à l’égard des actes qu’il pose. Cette protection n’est d’ailleurs pas catégorielle, elle protège toute personne poursuivie pour un délit commis par voie de presse. Sa raison d’être est ainsi la protection de la liberté de la presse considérée à juste raison comme la pierre angulaire de la démocratie.

Plusieurs tribunes et nombre de décisions judiciaires ont conforté cette position. La décision de la Chambre de contrôle de l’instruction de la Cour d’Appel de Conakry, en l’affaire Ministère public c. Diallo Souleymane et Abou Bakr de la Radio Lynx FM est une évidente illustration. Aux délits de presse, s’applique la Loi L.002 sur la liberté de presse et non le Code pénal ou la Loi sur la cybersecurité et la protection des données à caractère personnel.

Il faut saluer le double appel interjeté tant par le parquet que la défense avec espoir de voir infirmer ce jugement par les juges d’appel. Une telle décision aura le mérite de confirmer, une bonne fois pour toutes, l’application en Guinée de la Loi L.002 pour les délits commis par voie de presse.

Dr Thierno Souleymane BARRY

Docteur en Droit, Université de Sherbrooke/Université Laval (Canada)

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la cour