Robert  Sarah, l’homme de Dieu, autrefois respecté et adulé par les guinéens à cause de son franc-parler, de ses prises de positions, de son amour pour la démocratie, le respect des droits de l’homme, de l’alternance, entre autre, n’était pas du tout tendre avec le Général Lansana Conté. Il était de l’avis des observateurs, le plus grand pourfendeur du régime Conté.

Pour le dire en un mot comme en mille, il était le fervent défenseur de l’alternance au pouvoir et de la vraie démocratie.

Ainsi, quand le général Lansana Conté voulait changer la constitution pour se maintenir au pouvoir, Robert  Sarah  a été des plus virulents. Le  25 février 2001, dans  son  homélie  à  la paroisse  Saint Pierre et Saint Paul de Bonfi, il déclarait : « en Guinée, nous nous acharnons à démolir la vérité et à lézarder  dangereusement  l’unité de notre  peuple  par  l’irresponsabilité  et  le  mensonge  politique ».

Seulement voilà, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. Presque deux décennies après, c’est Alpha Condé, l’opposant historique que Robert  Sarah défendait à l’époque, a voulu faire la même chose que le militaire, général Lanana Conté, en changeant de constitution pour mourir au pouvoir.

Pour y arriver, Alpha Condé n’a pas lésiné sur les moyens, notamment de répression contre ceux qui ne veulent pas le voir mourir au pouvoir:  des tirs à balles réelles sur les manifestants, des tirs sur des ambulances et des cimetières, des morts, des blessés, des mutilés à vie, des arrestations, des emprisonnements,  des jugements expéditifs dans les cours et tribunaux à vous couper le souffle, excusez du peu, la liste  des maux est longue. Sans compter l’hostilité envers les femmes et hommes de Media.

Mais curieusement, Robert  Sarah, l’homme de Dieu, est resté muet sur les exactions des forces de défense et de sécurité sous les ordres du Président Alpha Condé sur ses populations civiles désarmées qui ne réclamaient que le respect de la constitution et l’alternance au pouvoir. Il n’a rien dit, encore moins condamner.

Il a fallut attendre que les choses pourrissent  dans le pays pour que Robert Sarah vienne en Guinée, afin de jouer aux sapeurs pompiers. Ce qui est curieux, aux yeux de nombreux compatriotes de l’homme de Dieu.

Mais de nos investigations, il ressort que le Cardinal Robert Sarah est un ami de longue date de l’opposant historique. D’où ce traitement, deux poids, deux mesures entre le général Lansana Conté et  Alpha Condé, de la part de l’homme de Dieu,

Pour vous en convaincre, Guineelive, votre quotidien en ligne, vous propose cette sortie de Monseigneur Robert Sarah, alors archevêque  de  Conakry. Quand il  avait inspiré  confiance  au Pape  Jean-Paul II et fut  intégré à l’équipe dirigeante du Vatican,  à Rome. Un banquet d’adieu fut organisé en l’honneur de Monseigneur Robert Sarah. Avant de quitter sa Guinée natale, Robert Sarah saisit l’occasion pour exprimer ses vives inquiétudes pour la gestion future de l’État guinéen. Nous étions  le  16  novembre  2001.

C’était devant de  nombreux membres du gouvernement, des  hauts cadres de l’Etat et des religieux  qui prirent  part  à la grandiose cérémonie.

Le discours prononcé  par   Monseigneur Robert Sarah sur la situation sociopolitique et économique du pays provoqua un véritable séisme dans la salle des banquets.

Jugez-en plutôt : « En effet Excellence Monsieur le Président, je suis inquiet pour l’avenir de  mon  pays. Ce pays  qui a été comblé  par  le seigneur de toutes les ressources naturelles et culturelles et qui, paradoxalement, végète dans la pauvreté. Beaucoup de nos concitoyens ont  du  mal  à  vivre, à  se soigner, à avoir un habitat décent et  un  travail  qui honore  et  valorise  leur  dignité  humaine et assure  la sécurité alimentaire, la sérénité, l’équilibre  moral et  la  paix  à leurs  foyers.

Je suis inquiet pour le devenir de la jeunesse qui est sans avenir. Parce qu’elle est paralysée par un chômage chronique.

Je suis  inquiet  pour  l’unité, la  cohésion et la concorde nationale gravement compromises et  fracturées  par le manque de  dialogue  politique et  le  refus  de  la  différence.

Je suis  inquiet  pour la sécurité du citoyen guinéen, pour la sécurité des personnes, de leurs biens et de leurs patrimoines  dans un  pays où la loi, la justice, l’éthique et les  valeurs humaines ne constituent  plus des références et des garanties pour la régulation de la vie sociale, économique  et  politique.

Je suis inquiet pour la liberté démocratique du citoyen guinéen, sa liberté  de  penser, d’écrire, de s’exprimer, d’avoir  une opinion politique. Cette liberté qui se laisse progressivement prendre  en otage par des dérives idéologiques pouvant conduire à l’intolérance et  à  la dictature.

Autrefois, la parole  donnée  était sacrée. Et  la  valeur de  l’homme se mesurait à sa capacité d’être fidèle à sa parole. Autrefois, la parole  publique  des sages et des griots de nos sociétés traditionnelles était un lieu et une occasion  d’éducation  civique  et  morale et d’imprégnation des lois et des coutumes. 

Aujourd’hui, les mass media, la démagogie, les méthodes de conditionnement mental et tous les procédés sont utilisés pour abuser l’opinion publique, conditionner les gouvernants, manipuler les esprits, donnant ainsi l’impression d’un viol collectif  des  consciences  et  d’une  grave confiscation des  libertés et de la pensée.

Je suis inquiet  pour  le  sort des petits, des humbles et des pauvres, des couches laborieuses  de la Guinée profonde, livrées à  la  manipulation politique, et qui ne sont objet d’intérêt et d’attention des hommes politiques qu’à l’occasion des  joutes  électorales. Convenons-nous, que  d’une  élection  à  une autre, leur sort  n’aura pas changé, leurs conditions de vie n’auront connu aucune amélioration  substantielle.

Si la démocratie se définit comme le pouvoir  du  peuple, par  le  peuple et pour le peuple, son bénéfice se vérifie dans la réalité du progrès social, économique  et  politique  du  peuple. Il ne saurait donc y avoir de véritable démocratie, de  dignité et de fierté  dans la  pauvreté  et  dans la misère.

Je  suis inquiet pour une société guinéenne qui se construit sur l’écrasement  des  petits  par les puissants, sur  le  mépris  du  pauvre et du faible, sur l’habilité des mauvais intendants de  la  chos e publique, sur la vénalité et la corruption de l’administration et des institutions républicaines, sur la démagogie des responsables  administratifs  et  politiques.

Je suis inquiet pour la prospérité de la nation guinéenne qui investit tant d’énergie et d’argent, comme dans la majorité  des  pays  africains, dans des débats stériles. Car, le  véritable débat qui doit mobiliser toute notre attention, toutes  nos  énergies, toutes nos ressources  humaines et  financières, est le débat sur le développement économique  et  social  de  la  Guinée.

Je ne pouvais quitter la Guinée, Excellence  Monsieur le Président et cher Ami, sans interpeller une dernière fois notre conscience  personnelle  et collective face à nos responsabilités historiques. C’est l’amour de mon pays qui me donne l’audace de proclamer ce que je crois. Et comme je voudrais communiquer  à  chaque  guinéen, surtout aux  responsables  et  leaders  politiques, la passion qui me dévore pour la prospérité de la nation guinéenne. Mais au  nom  de  Dieu, et  par  souci de probité morale et intellectuelle, après avoir consciencieusement et lucidement scruté et analysé les événements et les signes des temps, je ne pouvais ne pas proclamer la vérité et  les  droits  de  notre peuple, et dénoncer les injustices, les idéologies, les orientations politiques, économiques et sociales et les comportements  qui  écrasent  la  liberté et la dignité de l’homme et démolissent nos  efforts  de  développement.

Mon combat pour mon peuple et mon cher pays, se jouera désormais dans la prière. Je promets à tous mes frères et sœurs guinéens, que je me tiendrai à genoux, chaque jour devant le seigneur pour intercéder pour mon pays. Je ne cesserai jamais d’être ce veilleur infatigable, en  présence  du  Seigneur et à  la  porte  de  la  cité  guinéenne.

Encore une fois, peuple de Guinée mon peuple bien-aimé, s’il m’est arrivé de te blesser, de t’offenser, de t’avoir humilié ou choqué, pardonne-moi, excuse-moi, je suis  ton  enfant. J’ai parlé  sans regarder ton  visage.  J’ai parlé uniquement en regardant Dieu et en écoutant sa voix et les exigences de la vérité. Alors, au nom de  Dieu, pardonne-moi ».

 

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