Dans la soirée d’hier, vendredi 13 mai 2022, le CNRD a annoncé l’interdiction des manifestations sur la voie publique en Guinée. Cette décision de la junte militaire dirigée par le colonel Mamadi Doumbouya intervient à un moment où aucune manifestation n’est programmée par les partis politiques. Mais, en réalité, elle vise à cantonner les partis politiques à leurs sièges, sans aucune possibilité de protestation publique contre la volonté des tombeurs d’Alpha Condé de confisquer le pouvoir pour 36 mois supplémentaires dans le pays.

Cette stratégie, c’est du déjà vu. Sous le régime Alpha Condé, la boulimie du pouvoir avait conduit les dirigeants d’alors à étoffer le peuple souverain pour imposer le diktat du 3ème mandat. Ce régime qui avait préféré l’ordre à la loi avait fait de l’interdiction systématique des manifestations de rue sa sève nourricière. Malheureusement, ça lui a été d’un grand préjudice. « Abus dangereux pour la santé », dit-on souvent.

C’est bête de croire qu’on peut gouverner en paix quand on confisque les droits et les voies d’expression du peuple. Le CNRD vient de s’aventurer sur la dangereuse voie de la dictature. Sa réaction instinctive, sûrement provoquée par le rapprochement des deux géants politiques du pays, l’UFDG de Cellou Dalein Diallo et le RPG arc-en-ciel d’Alpha Condé (le président déchu le 05 septembre dernier), est normale. Après tout, le mariage du Saint et du diable peut cacher bien de choses.

Seulement, en interdisant les manifestations de rue dans le pays, le CNRD viol la Charte de la Transition qu’il a lui-même écrite. Une Charte qui, en son article 8, reconnaît les libertés et droits fondamentaux et garantit leur exercice. « Aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier les violations des droits humains », dit entre autres cet article.

Depuis son avènement au pouvoir, le colonel Mamadi Doumbouya a toujours clamé haut et fort qu’il ne compte pas faire les erreurs du passé. Mais, la pilule qu’il tente de faire ingurgiter au peuple, en interdisant les manifestations sur la voie publique, a été l’opium qui a enivré le régime d’Alpha Condé qu’il a lui-même fini par balayer du pouvoir.

Cette décision pourrait coûter cher au CNRD. Car, la chienlit qu’il redoute des politiques pourrait lui tomber de tous les côtés, d’autant plus que certaines organisations de la société civile y voient une tentative de musèlement des forces sociales et politiques. D’ailleurs, la coordination du FNDC (grande figure de la lutte contre le 3ème mandat d’Alpha Condé) a clairement fait savoir « qu’elle ne se soumettra pas à cette interdiction illégale » et a appelé à la mobilisation pour « une reprise des manifestations ».

A travers cette interdiction de manifestation, le CNRD a ainsi ouvert (peut-être sans le savoir) la voie à la confrontation et à la défiance. Et, cela ne contribuera en rien à apaiser cette Transition qui cumule déjà des frustrés partout dans le pays. En tout cas, tout porte à croire qu’une coalition entre l’UFDG, le RPG arc-en-ciel et le FNDC contre lui ne lui donnera pas que de la migraine et de l’insomnie.

Source:  Guineematin