Parmi les questions abordées au cours du dialogue inter-guinéen figure celle de la candidature indépendante aux élections. Cette question a fait l’objet d’une recommandation consignées dans le rapport remis au Président de la Transition à l’issue du dialogue.

Il est à rappeler qu’en 2010, la question de la candidature indépendante avait déjà fait l’objet d’un débat houleux au CNT lors de la rédaction du projet de constitution. Il y avait les partisans de la candidature indépendante à toutes les élections et ceux qui ne voulaient pas en entendre parler.
En fin de compte, une solution médiane avait été trouvée. Elle consistait à admettre la candidature indépendante uniquement aux élections locales.
Pour ce qui est des élections nationales (élections législatives et présidentielle), les candidats devraient être présentés exclusivement par les partis politiques.

Ce choix a été plusieurs fois condamné par des acteurs de la société civile qui y voyaient une prééminence des politiques dans la conduite des affaires publiques.

En 2020, les partisans du troisième mandat, usant du stratagème du changement de constitution, ont séduit certains acteurs de la société civile en promettant de consacrer dans la « nouvelle future constitution » la candidature indépendante à toutes les élections, qu’elles soient locales ou nationales. Des acteurs de la société civile et d’autres citoyens soutiennent en tout cas que c’est cet engagement qui avait motivé leur choix en faveur d’une nouvelle constitution. Ils ignoraient sans doute ou faisaient semblant d’ignorer que sous le prétexte d’un changement de constitution, ce projet n’avait d’autre but que d’octroyer un troisième mandat au Président Alpha Condé.

Mal leur en avait pris d’ailleurs avec la falsification de la constitution qui avait été adoptée.

L’une des recommandations du dialogue politique inter-guinéen est de revenir aux dispositions de la constitution de 2010, c’est-à-dire exclure la candidature aux élections nationales et l’autoriser aux élections locales.

Cette position serait fondée sur le fait qu’en admettant la candidature indépendante aux élections nationales, des candidats pourraient user de moyens financiers à l’origine délictueuse pour conquérir le pouvoir et se faire élire députés ou président. Par contre, les élections locales sont des élections de proximité ; tout le monde connaît tout le monde ; autrement dit, les électeurs sont censés connaître les candidats.

Mais ces arguments ne peuvent résister à l’analyse pour la simple raison qu’avec l’existence tant en Guinée qu’au plan international d’institutions de lutte contre le blanchiment de capitaux, il n’est pas impossible de tracer l’origine des fonds d’un candidat. En plus, une réglementation efficiente sur le financement d’une campagne électorale pourrait aider à éviter l’utilisation de fonds à l’origine délictueuse pour se faire élire.

La Guinée n’est donc pas incapable de renforcer le dispositif juridique et institutionnel existant, au cas où il présenterait des insuffisances, pour être à même de faire à l’utilisation de fonds à l’origine délictueux dans la conquête du pouvoir. Il faut d’ailleurs relever qu’en cette matière, la coopération internationale est d’une très grande efficacité.

Pour toutes ces raisons, la future constitution devra nécessairement autoriser la candidature indépendante pour briser le monopole des partis politiques relativement à la présentation de candidats à l’élection présidentielle et aux législatives.

C’est infiniment plus important en terme d’apport à la démocratie que la question de la limitation de l’âge maximum pour être candidat à l’élection présidentielle qui s’apparente, dans le contexte d’une transition, à une sorte d’exclusion ou une discrimination fondée sur l’âge.

Me Mohamed Traoré

Ancien Bâtonnier