L’exécution sans jugement du Colonel Diarra Traoré et de nombreux autres officiers soupçonnés, à tort ou à raison, d’être impliqués dans le putsch avorté mais aussi des dignitaires de l’ancien régime détenus à Kindia ainsi que des pillages des lieux de commerce et de domiciles de simples citoyens n’ayant aucun lien avec l’ancien Premier ministre sinon l’appartenance à la même région.
Ainsi, pour ne pas s’enfoncer dans les mêmes exactions ou crimes reprochés au régime précédant, le Président Lansana Conté amorce, le 22 décembre 1985, un nouveau virage avec un processus de demilitarisation de son régime en commençant par l’éloignement des officiers membres du gouvernement qu’il estime autant responsables des conséquences douloureuses des événements du 04 juillet que les putschistes eux mêmes. Il a vite compris et à tenu à se soustraire, avant qu’il ne soit tard, de la possible influence négative de certains de ses compagnons.
Notamment les Capitaines Facinet Touré et Mamadou Baldé, relégués ministres délégués à N’Zerekore et Kankan, ainsi que le limogeage pur et simple de leurs alliés du Gouvernement.
Les rares survivants comme Jean Traoré, Alhoussene Fofana ou même ceux qui sont revenus par la suite ont été systématiquement écartés les uns après les autres au fil des ans.
D’autre part, dans la même logique de décrispation avec la région de la Haute Guinée où il s’est fortement lancé dans l’agriculture, le Président Conté organise à Kankan en 1987 la seule Fête de l’indépendance nationale délocalisée durant ses 24 ans de règne.
Quand il a lancé l’initiative, en 1989 (avant le Sommet de La Baule où le Président François Mitterrand a décidé en 1990 de conditionner l’aide Française aux principes de Démocratie) de doter la Guinée d’une nouvelle Constitution autorisant, dans un premier temps, le bipartisme et puis le multipartisme intégral suite à des levées de boucliers, il a encore écarté certains officiers du Gouvernement.
Après l’adoption de la nouvelle Loi Fondamentale, en décembre 1990, il organise et participe à la première élection présidentielle pluraliste de l’histoire de la Guinée en décembre 1993.
À ce titre, Père du multipartisme de la Guinée indépendante, Lansana Conté est effectivement le premier Président élu démocratiquement à l’issue d’un scrutin pluraliste avec la participation de tous les principaux leaders politiques de l’époque (Bâ Mamadou, Siradiou Diallo, Alpha Condé, Jean Marie Doré etc). Mais, pas forcément le premier Président démocratiquement porté au pouvoir en Guinée, ce qui revient au Président Ahmed Sékou Touré arrivé au pouvoir sur la base de son statut de chef ou de leader du parti majoritaire à l’assemblée territoriale en 1958 et non par un coup d’état.
À l’actif également du régime du Président Lansana Conté, la libéralisation et la subvention des médias dans toutes leurs composantes ( presse écrite, radio télévision), la liberté et le pluralisme syndical.
Sur le plan économique et social, il a doté la Guinée de plusieurs infrastructures routières, modernisé les bâtiments publics et favorisé l’éclosion et l’épanouissement des initiatives privées.
Ce virage de démilitarisation ou de civilisation du régime entamé le 22 décembre 1985 lui a permis de mieux gérer les événements sanglants des 2 et 3 février 1996 en organisant un procès public pour juger les auteurs de cette tentative qui aurait pu lui coûter la vie avec le bombardement du Palais des Nations où il se trouvait.
Ainsi, comme une forme de manifester ses regrets par rapport au sort tragique infligé aux accusés à tort ou à raison du 04 juillet 1985, face aux auteurs plus violents des événements des 2 et 3 fevrier 1996, le Général Lansana Conté a opposé la clémence sinon la tolérance zéro. Tous ou presque ont été libérés, et a profité, en revanche, pour se débarrasser définitivement des rares officiers compagnons rescapés du 03 avril 1984 dont le lieutenant Colonel, Abdourahamane Diallo, ministre de la défense ou le Colonel Mohamed Lamine Traoré, ancien ministre de l’information et d’autres responsables mis aux arrêts à la Maison Centrale de Conakry.
En Juillet 1996, il démilitarise totalement son régime et relance le poste de Premier ministre, supprimé le 18 décembre 1984.
Il nomme Sidya Touré, Premier ministre, Chef du Gouvernement qu’il révèle aux Guinéens, et forme avec lui un Gouvernement de technocrates avec des têtes d’affiche comme Ibrahima Kassory Fofana ministre délégué auprès du 1er ministre chargé du budget et de la restructuration du secteur parapublic, Dr Ousmane Kaba, ministre délégué auprès du 1er ministre chargé de l’économie, des finances et plan, Cellou Dalein Diallo, ministre des Télécommunications, Transports et Tourisme, Boubacar Barry (à ne pas confondre avec Big-up) ministre de la Pêche, Jean Paul Sarr, ministre de l’agriculture, Almamy Diaby, ministre de l’Enseignement Technique et de la Formation Professionnelle, Zogbelemou Togba, ministre de la Justice, Mady Kaba Camara, ministre Commerce, Industrie et PME, Hadja Saran Daraba Kaba, ministre des Affaires Sociales ou le doyen Cellou Diallo, ministre des Travaux Publics.
Avec ce Gouvernement, il renoue avec les bailleurs de fonds et investisseurs internationaux. Des résultats tangibles sont obtenus sur le plan économique et social.
Cet élan malheureusement sera anéanti par les rivalités internes à ce gouvernement et sa dislocation avec le limogeage d’abord du Premier ministre Sidya Touré en mars 1999 et son remplacement par Me Lamine Sidime et ceux des ministres les uns après les autres.
Ainsi, les années 2000 seront cruciales dans l’exercice du pouvoir. L’arrestation et la longue détention du Président du RPG, Alpha Condé sans jugement, la modification constitutionnelle de 2001, le 3ème mandat de trop en 2003, le refus des réformes politiques rendront difficiles à nouveau les relations avec les bailleurs de fonds notamment l’Union Européenne qui décidera de geler l’enveloppe budgétaire du 9ème FED au régime du Président Lansana Conté pas au mieux de ses formes depuis le déclenchement de sa maladie en 2002 lors d’une cérémonie publique au stade de la Mission.
La démission du 1er ministre, François Lonceny Fall, nommé après le contesté 3ème mandat, les
guéguerres et les déchirements au sein du gouvernement sur des dossiers à caractère scandaleux, les scandales financiers impunis, le limogeage du 1er ministre Cellou Dalein Diallo nommé quelques mois après la démission de Fall, l’instabilité Gouvernementale, les crises politiques et sociales à répétition qui ont entraîné la mise en place d’un gouvernement de consensus sous Lansana Kouyaté, Premier ministre, Chef du Gouvernement et de large ouverture avec Ahmed Tidiane Souaré, dernier Premier ministre, Chef du Gouvernement d’un Président éprouvé par la maladie
ont profondément marqué la dernière décennie du Président Lansana Conté et de son régime du 03 avril 1984, mort avec lui le 22 décembre 2008.
40 ans après, on retiendra que le 03 avril 1984 a porté à la tête de la Guinée un officier supérieur patriote dont l’amour pour la Guinée ne souffrait d’aucune ambiguïté. Comme son prédécesseur, il n’avait ni biens ni compte bancaire à l’étranger.
Mais, c’est sous son règne malheureusement que les accusations jamais prouvées de gabegies, de détournements, de pillages économiques et financiers des deniers à des fins de jouissance et d’enrichissement personnel portées contre les dignitaires du Parti-Etat sont devenues des pratiques et réalités vérifiées chez des cadres et hommes d’affaires malhonnêtes, corrompus et véreux qui ont abusé de sa confiance et de son laxisme. En 1997 et 1998, le Premier ministre, Sidya Touré, le ministre de l’économie et des finances, Ibrahima Kassory Fofana et le ministre de la Fonction Publique, Almamy Fodé Sylla ont effectivement sanctionné beaucoup de ces prédateurs jusqu’à la radiation des effectifs de la Fonction Publique.
Mais, le phénomène semble d’ordre mental et culturel que le marasme économique résiste à tous les régimes depuis le 03 avril 1984.
C’est non sans amertume et regrets qu’il avouait publiquement et souvent avoir tout fait auprès des opérateurs économiques épanouis par le régime du 03 avril 1984 pour qu’ils construisent au moins une usine de tomates en Guinée.
En ce Jour de l’an 40 du 03 avril 1984, on constate que son principal artisan ainsi que ses compagnons oubliés ce mercredi d’anniversaire ne sont célébrés nulle part comme jadis. Très peu de cadres et opérateurs économiques Guinéens qui ont construit leur bonheur sur le régime du CMRN se rappellent aujourd’hui du Général Lansana Conté encore moins du parti, le PUP qu’il a fait germer pour continuer à promouvoir la Politique prônée lors du changement de régime en 1984. L’eau a coulé sous le pont. Oui, c’est vrai, rien n’est éternel. Autres temps, autres mœurs.
VEUILLE ALLAH, NOTRE CRÉATEUR, l’accepter le Général Lansana Conté et ses compagnons dans son éternel Paradis. Amen