« L’Afrique ne peut pas être écologiquement riche, mais pauvre en ressources financières ; l’accaparement du carbone qui se déroule actuellement en Afrique est une proposition perdante » – Akinwumi Adesina.« Nous ne demandons pas la charité, mais que le monde paie pour quelque chose qui a une valeur énorme pour nous tous » – président Paul Kagamé. Les chefs d’État et de gouvernement africains demandent que le vaste capital naturel du continent soit pris en compte dans la mesure du produit intérieur brut (PIB) de leurs pays. Dans un communiqué adopté mercredi 13 novembre en marge de la 29e Conférence des parties (COP29) à Bakou, ils ont souligné la contribution unique que les forêts africaines apportent au monde, notamment en matière de séquestration du carbone, de contrôle de la pollution, de rétention de l’eau et de fertilité des sols. La réunion de haut niveau, intitulée « Mesurer la richesse verte de l’Afrique », a été convoquée conjointement par le président de la République du Congo, Denis Sassou-N’Guesso, son homologue kenyan William Ruto, représenté par le Premier secrétaire du Cabinet et secrétaire du Cabinet chargé des Affaires étrangères et de la Diaspora, Musalia Mudavadi et le chef du Groupe de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina. Les présidents rwandais Paul Kagamé, zimbabwéen Emerson Mnangagwa et togolais Faure Essozimna Gnassingbé ont également participé à la réunion. Le président Sassou-N’Guesso a déclaré que le continent africain devait tirer le meilleur parti de son capital naturel, qui est négligé ou ignoré dans les comptes nationaux. Cela, a-t-il indiqué, devrait être intégré dans la richesse d’un pays. « Nous faisons un travail utile pour l’Afrique et le reste du monde, en contribuant à l’accélération de la reconnaissance du dividende environnemental », a-t-il déclaré. Le président kényan a déclaré qu’au cœur de la conversation des dirigeants se trouve la nécessité de « veiller à ce que les services écosystémiques de l’Afrique, tels que la séquestration du carbone et le contrôle de la pollution, soient valorisés en tant que biens publics mondiaux. » Il a indiqué qu’« en évaluant de manière appropriée notre richesse verte, les pays peuvent débloquer des flux financiers pour des investissements qui boosteront nos économies et permettront même d’améliorer nos notations de crédit. » Le président rwandais a souligné que l’Afrique est un acteur clé dans la lutte contre les changements climatiques. « Malheureusement, le principal obstacle de l’Afrique reste l’accès au financement climatique. » M. Kagamé a indiqué qu’il soutenait pleinement le programme audacieux visant à mesurer le capital naturel du continent : « Nous ne demandons pas la charité, mais que le monde paie pour quelque chose qui a une valeur énorme pour nous tous », a-t-il souligné. Les dirigeants ont félicité le Groupe de la Banque africaine de développement pour son leadership et son engagement à trouver des mécanismes innovants pour mobiliser les soutiens financier et technique nécessaires à la comptabilisation du capital naturel et à la mesure du produit intérieur brut (PIB) vert des pays africains. La Banque a publié un rapport intitulé « Mesurer la richesse verte des pays : capital naturel et productivité économique en Afrique ». M. Adesina a déclaré que le rapport présente des mesures clés pour évaluer et intégrer le capital naturel dans la mesure du PIB de l’Afrique. « L’Afrique contribue de manière significative au bien public mondial pour lutter contre les changements climatiques avec ses vastes ressources en capital naturel, son vaste capital naturel a été sous-évalué », a-t-il souligné. Cette situation, a-t-il dit, « fait de l’Afrique une région écologiquement riche, mais financièrement pauvre : « Alors que le PIB de l’Afrique était estimé à 2 500 milliards de dollars en 2018, ce chiffre était 2,5 fois inférieur à la valeur estimée de son capital naturel, évaluée à 6 200 milliards de dollars, incluant en partie une certaine évaluation des services écosystémiques », a souligné M. Adesina. Il a précisé que selon les estimations préliminaires de la Banque et « sur la base d’hypothèses très prudentes… le PIB nominal de l’Afrique en 2022 aurait pu être augmenté de 66,1 milliards de dollars si l’on avait ajusté les chiffres en ne tenant compte que de la séquestration du carbone. C’est plus que le PIB combiné de 42 pays africains ! » Le dirigeant du Groupe de la Banque africaine de développement a exprimé son inquiétude face à ce qu’il a qualifié d’ « accaparement du carbone », caractérisé par le fait que plusieurs pays africains cèdent les crédits carbone de leurs vastes étendues de terres, tout en ne recevant que très peu en retour. « Alors que le prix du carbone en Europe est élevé et pourrait atteindre 200 dollars la tonne en raison des normes strictes d’échange de quotas d’émission de l’Union européenne (UE), le prix du carbone en Afrique pourrait être aussi bas que 3 à 10 dollars la tonne », a souligné M. Adesina. Par conséquent, l’Afrique est sous-payée pour le carbone parce que ses puits de carbone sont sous-évalués, a-t-il déploré. En outre, « le carbone séquestré sur les terres ne peut plus être utilisé dans le cadre des contributions déterminées au niveau national du pays » a-t-il ajouté. « Cela signifie que les pays perdent leur souveraineté sur leurs terres », a poursuivi M. Adesina. « L’accaparement du carbone qui se déroule actuellement en Afrique est une proposition perdante », a-t-il ajouté. Dans leur communiqué, les dirigeants africains ont déclaré qu’ils travailleraient avec d’autres pays en développement et régions du monde, notamment l’Amérique latine et les Caraïbes, ainsi que l’Asie, pour forger une alliance mondiale solide afin de s’assurer que le capital naturel soit pris en compte dans le PIB des États. Ils présenteront un rapport complet des résultats de la réunion au sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine de 2025, pour examen et adoption. Parmi les autres dirigeants présents à la réunion figuraient le vice-président de la Côte d’Ivoire, Tiémoko Meyliet Koné, le vice-président de la République-Unie de Tanzanie, Philip Isdor Mpango, la Première ministre de la République démocratique du Congo, Judith Suminwa Tuluka, le Premier ministre de la République démocratique de Sao Tomé-et-Principe, Patrice Trovoada ainsi que le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale de la République de Guinée équatoriale Simeón Oyono Esono Angue et le ministre de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable de la République du Cameroun Pierre Hele et la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce Ngozi Okonjo-Iweala, le PDG du Centre mondial pour l’adaptation Patrick V. Verkooijen. La session a été modérée par Victor Oladokun, conseiller supérieur pour la communication et l’engagement des parties prenantes du président de la Banque africaine de développement. Source : Département de la communication et des relations extérieures, media@afdb.org |