Dans un entretien exclusif accordé au Reporter de votre quotidien en ligne, Me Paul Yomba Kourouma, avocat à la cour s’est exprimé sur plusieurs sujets d’actualité juridique et judiciaire de la Guinée. Au menu des échanges avec ce professionnel du droit, les conditions de détention de Toumba Diakité, son éventuelle libération provisoire, l’engagement du nouveau garde des sceaux pour l’organisation du procès du massacre du 28 septembre, mais aussi son regard sur le respect des droits de l’homme en Guinée pendant ces 10 dernières années. 

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Guineelive : Bonjour Maître Paul Yomba Kourouma !

Interlocuteur : Bonjour !

La détention prolongée de votre client Tomba Diakité est qualifiée comme étant une entrave à certains de ses droits par plusieurs défenseurs des droits humains. Alors,  dites nous aujourd’hui quel est  son état de santé depuis son séjour en prison ?

Nous avons toujours clamé haut et fort, dénoncé sur tous les toits, mais sans avoir été entendu que Toumba Diakité connait l’arbitraire, la discrimination, la marginalisation. Il vit la singularisation, voir même le rejet à cause des brimades issues de l’instruction judiciaire intervenue dans l’affaire du massacre survenu au Stade du 28 Septembre. Toumba n’a pas vu ses droits respectés. Il a été entendu sur le fond, mais il n’a jamais vu comparaître ses témoins à décharge qui, d’ailleurs sont en train de mourir l’un après l’autre. Ce qui rendra très difficile sa tâche lors de la défense du procès sur le fond. Ensuite, il a été le seul à avoir été incarcéré bien qu’inculpé au même titre que ses pairs. Ceux-là sont élevés parfois en dignité, même dans les hautes sphères de l’administration publique. Ils jouissent de tous les avantages dus à leur rang. Certains ont déjà beaucoup évolué dans l’armée et  sont devenus des hauts gradés. Alors que Toumba ne perçoit même pas son salaire, alors qu’il n’est pas radié des effectifs de l’armée. Ce qui rend même ses conditions de subsistance très difficile à la maison centrale, surtout qu’il n’est pas pensionnaire de cette maison. Il n’est pas non pris en charge contrairement ce qu’avait clamé l’un des ministres. Il se nourrit lui-même. Il se soigne lui-même. Toumba a vu toutes ses demandes rejetées sans examen. La demande de mise en liberté provisoire a été rejetée par les juges sans qu’elle n’ait été notifiée aux parties civiles, s’il y en a encore dans cette procédure. Il vit aujourd’hui sur un canapé, avec un matelas finissant maintenant depuis combien d’années, il en est dessus. Militaire de son état, un commando qui ne peut se passer des activités récréatives, surtout le sport, lui ont été refusées. Donc, Toumba ne subit pas à ce jour une présomption d’innocence, mais une présomption de culpabilité. Il est en train déjà de purger une peine. Il est pris comme l’épine dorsale de cette affaire, le cerveau moteur de ce massacre. Alors que l’instruction n’a rien révélé, des témoignages à décharge rendus par des leaders et non des moindres ceux-là d’ailleurs qui étaient déjà visés par le massacre viennent attester la thèse que Toumba est loin d’avoir été un bourreau, n’a été qu’un sauveur.

Donc, la situation carcérale de Toumba est à ce jour exécrable, dédaigneuse. Elle brime vraiment les droits de l’Homme, l’humanité même qui doit caractérisée la justice. Quand nous allons même pour le voir, nous sommes obligés de connaitre la croix et la bannière, la chaleur et l’étouffement. Le salon non meublé, nous sommes obligés de nous cloîtrés dans sa cellule qui, elle-même ne connait pas d’ouverture au point qu’après avoir passé 2heures de temps d’entretien avec lui, nous en sortons étouffés, malades, meurtris. Et, Nous sommes très soucieux de sa situation, puisse que lui il y réside 24/24 et ne connait pas la Cour de la maison centrale en dehors de sa dernière comparution sur le fond qui a eu lieu dans le bureau du régisseur de la maison centrale.

Nous avions appris dans la presse que le dossier médical de votre client a été déposé et le ministre de la justice a promis de répondre. Expliquez à nos lecteurs vos attentes ?

Nous avons vraiment salué l’avènement de ce nouveau garde des sceaux. Nous avons salué le Chef de l’Etat, parce que de toutes les nominations qu’il a eu à entreprendre depuis son avènement à la magistrature suprême, c’est sa première réussite. Il a nommé un homme doué, talentueux, connaisseur de la maison, des rudiments du temple de ces usages des interdits et de ce qui est permis au point qu’il sait marcher sur des œufs. Il a été frappé dès sa première prise de service par l’arbitraire qui caractérise le dossier Toumba. Les incorrections qu’il y’a eu tant dans la préparation de ce procès, dans l’instruction que dans la détention même de l’inculpé. Tous les ministres qui se sont succédés à la chancellerie n’ont reçu que des bailleurs de fonds, des partenaires au développement, des ONG, mais jamais la défense du Commandant Toumba. Le ministre a bien voulu nous demander de lui faire part de nos préoccupations et il nous a entendus avec beaucoup d’attentions. Il nous a demandé d’en débattre sans tabou et en notre qualité d’avocat de ne vraiment pas tenir compte de sa personne, parce que notre salut dépend de l’argumentaire que nous allons développer devant lui. Nous avons exprimé au ministre toutes ces brimades, nous avons dit que Toumba développe aujourd’hui à la maison d’arrêt de Conakry une pathologie qui lui ronge à petit feu. Et, elle a été décelée à la requête du ministre Cheick Sacko qui a requis l’hôpital Ignace Deen à l’effet d’examiner le prévenu et d’en sortir un diagnostic avec des recommandations. C’est ce qui a été fait. Dr Awada, le Directeur Général a mobilisé des chirurgiens, des biologistes et des cardiologues au chevet de commandant Aboubacar Toumba Diakité, lesquels ont ressorti qu’il souffre de la hernie de la ligne blanche, qui requiert une intervention délicate, une intervention urgente et une expertise qui nous doutons fort pourrait se trouver ici dans notre pays, même si les compétences y sont, mais la technologie adaptée à ce genre d’opération nous échappe. Nous lui avons fait part de cette situation et nous lui avons dit qu’un document médical même accompagnait ce diagnostic de l’intervention des médecins que Dr Awada même avait joint un rapport à l’attention de M. le ministre de la justice, garde des sceaux d’alors, lequel n’a pris aucune disposition jusqu’à ce jour et dans la presse avait déclaré qu’il interdisait toute traitement à apporter à Toumba et qui ne pourrait sortir de ce pays pour se soigner, à plus forte raison ici. Et, tel qu’il a dit Toumba jusqu’à ce jour ne subit aucun soin même infirmier. Et, médecin de son état, Docteur en cardiologie, Toumba opère par automédication pour se soulager, il se ceint le ventre, la poitrine au point à ce jour, il a des traces de ligotage pour éviter que ses intestins lui montent par la gorge. Il ne peut s’alimenter normalement, il ne peut dormir à point, il ne peut boire à sa soif, il étouffe parfois. Il est obligé en des moments donnés de se coucher par terre pour que l’aisance sur son cabinet ne lui fasse emporter par le sommeil. Cette situation a beaucoup attiré l’attention de M. le ministre de la justice. Il nous a même demandé de lui décrire un peu ce que c’est l’habitation de Toumba. Nous l’avons senti vraiment meurtri. Nous lui avons également dit que son mandat de dépôt n’avait pas été renouvelé, celui-ci devait l’être chaque six mois. Et, depuis que Toumba est venu, à cause de son exclusion, de son isolement, les juges ont fini par l’oublier et l’ont rendu ce grand service dont il ne peut recueillir les dividendes, c’est-à-dire sa libération. Parce que la conséquence de non renouvellement de titre de détention d’après la loi, c’est la mise en liberté de l’inculpé. Nous avons porté cette situation à la portée des gardes des sceaux qui en a pris bonne note. Nous avons aussi dit au ministre que le dossier est déjà clos en ce qui concerne l’instruction. La mise en liberté de Toumba n’est plus une entrave à la manifestation de la vérité. Si hier on disait qu’il est prématuré de le mettre en liberté parce qu’il pourrait effacer des traces des infractions, procéder à la subordination des témoins, aujourd’hui, tel en est plus le cas. Il peut être bien sûr être mis en liberté provisoire, parce que celle-ci même est de droit. Pendant que lui connait la détention, la pénitence, les autres sont dehors. Pour des questions de parité, de justice et de l’équité, Toumba devrait lui aussi bénéficié la liberté provisoire comme les autres. Donc, le ministre de la justice a sur son arc plusieurs flèches pour la liberté provisoire de Toumba. Il peut le libérer pour se faire traiter ; il peut le libérer en raison de la violation de son mandat de dépôt ; il peut le libérer parce que ceci est de droit, ses collègues sont dehors ou il peut le libérer parce que ceci n’est pas une entrave à la manifestation de la vérité. Il nous a donc demandé de lui produire le dossier médical de Toumba, ce qui a été fait. Et, le ministre a promu d’agir promptement. Et, nous savons qu’à ce jour, il est en train de faire les retouches techniques.

Etes-vous optimiste ?                                           

Vous savez les ministres qui ont précédé Me Mory Doumbouyah, n’ont pas eu toute l’intelligence de leurs prérogatives. Et, ils ne savaient pas où commencer et où terminer leurs magistères. Ils agissent en prévision de ce que pourrait dire éventuellement le Chef. Si je posais tel acte que dirait ou ferait le patron, quel serait la réaction populaire. Alors qu’il suffit de poser, Maître Mory à promu de libérer Toumba, pour des raisons qu’il trouve justes, noble et équitable. Jusque-là, il n’a pas changé d’avis. Et, je ne crois pas qu’il y ait eu de reproche de la part de Chef de l’Etat.

Entant qu’avocat et défenseur des droits de l’homme, quel est votre regard sur le respect des droits de l’Homme en Guinée durant ces dix dernières années ?

Cette affaire de droit de l’Homme, c’est vraiment relative. Tout dépend des priorités de chaque Nation, de chaque Etat. Ce qui peut être violation de droit de l’Homme chez nous, il ne l’est pas à ailleurs. J’ai eu le privilège de connaitre l’ancien système, le premier régime, j’ai connu le régime de Lansana Conté, j’ai connu la transition et cette nouvelle sphère. Moi, je dirai que les droits de l’Homme ont beaucoup évolué, parce que lorsque je défendais le dossier Alpha Condé, je sais les pressions qui y avaient. Les conditions de détention de nos clients détenus dans des cellules baptisées cercueil enfer. Des déportations dans l’île à Kassa, les interrogatoires dans les zodiaques en pleine mer, les camps Koundara, même les villas de la cité des Nations étaient des centres de détention et de tortures. La voiture dans laquelle j’allais à l’audience, ce n’est pas dans cette voiture que je retournais à la maison. J’ai même été arrêté, impliqué dans l’attaque contre le cortège du président pour avoir simplement refuser de souscrire aux sollicitations du pouvoir d’alors qui consistait à prendre des deniers émetteurs à accepter un poste ministériel émetteur. Ou à me faire évacuer à l’extérieur aux frais de l’Etat pour donner un alibi à mon absence. Pour avoir refusé ces faveurs, j’ai été enlevé à 3 heures du matin, mon interrogatoire a commencé à 4heures à l’Interpol sous feu Thermite Mara jusqu’au lendemain à 11H 56mn quand les avocats ont fait irruption dans cette salle. Aujourd’hui, nous constatons tous,  la presse est libre, le verbe est libre, nous insultons le Chef de l’Etat, il ne réagit pas. Nous parlons, nous critiquons. En tout cas ceux-là qui se font arrêter sont aussitôt libérés, il y’a eu même l’humanisation même sur la liberté de la presse.

Quel que soit le degré de culpabilité d’un journaliste par voie de presse, il n’en cours pas à des peines d’emprisonnement. Et, ceux-là qui ont été arrêté et emprisonné ont été tout de suite libérés avec des excuses et parfois des blâmes même en conseil des ministres à ceux qui l’ont fait. Donc, je me dis que sans parti pris, parce que je n’appartiens pas à une formation politique, il ya une grande avancée dans ce qui est convenu à appeler les droits de l’Homme dans notre pays. C’est facile pour des personnes qui n’officient pas de le dire. Mais nous qui véhiculons le message parfois vexatoire, frustratoire, offensant qui, nous réveillons le lendemain et allons librement à nos activités. Nos cabinets ne sont pas violentés, offensés, nous disons que les droits de l’Homme ont connu une grande évolution et que ceux-ci le seront avec l’évolution de la société. Naturellement, il ya des représailles qui interviennent à cause justement des excès. Un Etat qui n’a pas de coercition aussi, fini par perdre toute légitimité, toute autorité. En tout cas Paul Yomba que je suis, avocat des faibles, des frustrés, des gens qu’on traine dans la boue, je me dis que j’ai la liberté de défendre et on ne m’a jamais attaqué pour avoir défendu sous Alpha Condé.

Entretien réalisé par  Daouda Yansané

Spécialiste des questions juridiques et judiciaires

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