Depuis le 22 octobre 2020, on constate une interruption de l’internet en Guinée, interruption survenue dans un contexte de violences postélectorales suite aux élections présidentielles du 18 octobre 2020 avec son lot de morts, d’arrestations et de destruction  de biens matériels.

Cette interruption constitue sans aucun doute une double violation tant des droits de l’homme que des principes démocratiques.

Sur l’atteinte des droits de l’homme, c’est le cœur du droit à l’information qui est touché, un droit reconnu à l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 qui est reproduit dans toutes les constitutions guinéennes. Ce droit sacré consiste à rechercher, recevoir et diffuser toutes informations, dans les limites d’une société démocratique, sans entraves ni censure. Les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), en particulier l’internet, constituent son prolongement naturel et actuel. Ainsi donc toute action empêchant sa disponibilité relève d’une atteinte à sa substance et doit être considérée comme une violation dont il faut apporter juste réparation. C’est pour cette raison que les Nations Unies ont pris une résolution en juillet 2012 pour souligner l’importance de l’internet dans la mise en œuvre du droit à l’information tout en condamnant toute entrave à sa libre disposition.

Concernant les principes démocratiques que la rupture d’internet est susceptible de violer, il faut rappeler un fait notable qui caractérise la démocratie : la liberté de l’espace public. Aussi loin que l’on puisse remonter, des fora athéniens aux cases à palabres en passant par nos cafés actuels, cet espace est toujours caractérisé par son ouverture et son accessibilité par toutes personnes, sans entraves ni limites. De nos jours, cet espace public comprend ce monde virtuel caractérisé par les réseaux sociaux, les sites internet et autres aspects de même nature. Rompre les liens internet, c’est empêcher le libre accès à cet espace public démocratique permettant le libre et nécessaire débat dans une démocratie.

Il est ainsi évidant que cette interruption et ces perturbations de l’internet en Guinée sont des violations des droits de l’homme et des atteintes aux principes de base de la démocratie qui doivent impérativement cesser. Bâtir une Guinée de démocratie suppose le respect de ses principes sacro-saints que sont la liberté et le respect des droits fondamentaux de la personne humaine.

Dr Thierno Souleymane BARRY

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)

Enseignant-Chercheur et Avocat